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lundi 16 novembre 2020

Une histoire de ballon (Joris Ivens & Marceline Loridan, 1976)


Ah que de sourires dans ce lycée N°31 de Pékin. Tous les lycéens en récréation jouent ensemble, les grades rouges reconnaissables à leur brassard sur le bras gauche avec les autres. On fait du tennis, on saute à la corde, on discute prestement, on joue au ballon. Un jeune homme parmi tous ces lycéens s’approche de la caméra. On entend la voix de Marceline Loridan qui l’interroge sur l’incident, une traductrice transmet les questions de la cinéaste.

Il est sept heures du matin. Un lycéen a joué au ballon quand la cloche a sonné. Son professeur lui dit d’arrêter et d’aller en classe sans attendre. Lui, il donne un grand coup de pied dans le ballon qui frôle la professeur. Une longue discussion va s’engager deux jours plus tard pour que le jeune homme explique son geste qui apparaît aux yeux des enseignants bien peu respectueux des préceptes de la pensée Mao Tsé-toung, notamment celui qui encourage la discipline.

Marceline Loridan interroge d’abord le jeune homme et ses amis qui aiment jouer au football. Selon eux, tout cela n’est pas bien méchant. Mais la prof avait déjà embêté le lycéen il y a quelque temps de cela avec une histoire de gobelet. Elle s’acharne sur lui, pense-t-il. Ses amis le soutiennent. Puis, elle questionne la professeur et une de ses collègues. Sept heures, c’est sept heures, clame-t-elle. Il faut respecter la discipline sans quoi rien ne pourra fonctionner. Elle est persuadée qu’il a voulu l’atteindre avec le ballon.

Passé ce moment où chacun des deux protagonistes campe sur ses positions, Une histoire de ballon peut commencer son procès populaire de l’action du jeune homme. Il parle loisir et semble prendre cela à la légère, elle parle politique et trouve son attitude très grave. Toute la classe est réunie pour parler de cet événement. Les lycéens se posent des questions sur la trop grande passion du football qui risque de nuire. La collègue du professeur est très vindicative. Les lycéens défendent leur camarade.

Chacun va faire sa propre critique avec peu de conviction. Devant la caméra, il faut faire bonne figure jusqu’à la poignée de mains que l’enseignante et le lycéen vont échanger avec un grand sourire. La collègue affirme qu’elle ne s’était pas rendue compte que les jeunes gens ont une si grande conscience politique. Ce qui semble le plus aberrant devant cette logorrhée politique d’un niveau très bas, est la différence entre l’événement (un simple ballon lancé) et les proportions que l’on en donne.

Une histoire de ballon filme une fausse démocratie basée sur le culte du résultat, la réconciliation suite à la leçon tirée. Il faut y arriver à ce résultat quelle que soient les opinions de chacun. Tout le monde est bien poli, sauf le jeune garçon qui baisse souvent la tête en écoutant tous ses camarades de classe et les enseignants. Lui ne sourit jamais. Je me demande ce qu’il a pu devenir depuis que Joris Ivens est allé le filmer pour ce court épisode de Comment Yukong déplaça les montagnes.


















Les 400 millions (Joris Ivens, 1938)

Grâce à ses amis des Etats-Unis, Joris Ivens a produit plusieurs films avec des fonds américains mais où le cinéaste s'est déplacé à travers le monde pour filmer la lutte des peuples contre les fascismes, Terre d'Espagne contre Franco, sur un commentaire d'Ernest Hemingway et Les 400 millions contre l'impérialisme japonais. En 1940, il filmera des paysans du Vermont qui vivent sans eau ni électricité dans Power and the land, là c'est une lutte des classes laborieuses contre les exploitants privés .

Depuis la fin du 19ème siècle, le Japon a occupé l’île de Formose (Taiwan), puis la Corée et la Mandchourie. L’Empire veut ensuite envahir le reste de la Chine, et notamment pour en faire une terre de colonie de peuplement et d’exploitation des matières premières. La guerre est lancée et l’armée bombarde les villes ce qui provoque un exode massif des populations vers l’ouest. Fredric March lit le commentaire de Dudley Nichols sur les images tournées là-bas et récupérées des actualités locales.

Dans Les 400 millions, on peut voir successivement des masses de Chinois qui fuient les villes. Mais également les victimes des bombes. Le commentaire précise que ce ne sont que des civils. Dans leur marche vers l’ouest, Ivens, Ferno et Capa filment les tombeaux des empereurs et les lions qui bordent l’accès aux tombeaux. Le commentaire annonce que c’est une culture millénaire qui est en train d’être détruite par les fascistes japonais. Dudley Nichols et Joris Ivens parlent de politique. Le fleuve Yang Tsé et le désert de Mongolie sont filmés, mais très vite Les 400 millions passe à autre chose.

Le film invoque la pensée de Sun Yat-set et de la fondation de la République de Chine en 1911. Joris Ivens veut soutenir la démocratie chinoise en marche. Et l’incarnation de l’espoir démocratique s’appelait en 1938 Tchang Kei-shek. On voit le général nationaliste en réunion de cabinets. Le film souligne que les Etats-Unis soutiennent le général. On aperçoit Madame Tchang, si belle et si populaire. Joris Ivens ne pouvait pas se douter de l’avenir dictatorial qu’il allait mener en Chine. On rencontre également en pleine campagne les forces communistes qui ne se sont pas alliées avec les nationalistes. Mao Tsé-toung n'existe pas encore.

En tant que soutien des révolutionnaires, Joris Ivens sa tourne régulièrement vers le peuple. On entend enfin la voix des Chinois. Le cinéaste filme les avancées technologiques de la Chine et montre la corrélation entre l’avancée de la révolution et l’amélioration de la situation de la population. C'est évidemment, comme depuis Komsomol, tourné en 1931, un film de stricte propagande avec comme ambition première de montrer aux occidentaux ce qui se déroule à l'autre bout de leur monde.