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lundi 17 septembre 2018

Ange (Ernst Lubitsch, 1937)

Je ne suis pas certain que Marlene Dietrich soit très à l'aise dans l'univers d'Ernst Lubitsch. J'imagine que le cinéaste voulait prendre sa « revanche » sur l'actrice, elle qui était parvenue à être si géniale dans Désir, produit par Lubitsch mais réalisé par Frank Borzage, à la fois drôle face à Gary Cooper et touchante dans les rets de sa vie passée qu'elle tentait de fuir avec ce plouc d'Américain. Ange a des allures de Sérénade à trois, un ménage à trois mais dans le plus grand secret cette fois.

Le secret de Maria, le personnage de Marlene Dietrich n'est jamais réellement révélé, mais on le devine grâce à la Duchesse (Laura Hope Crews), une femme rondouillarde qu'Ernst Lubitsch filme dans un travelling sur la droite à travers les fenêtres de son établissement. On la soupçonne tenir une maison de rendez-vous galants pour mondains et gens de la haute désœuvrés, elle connaît tout ce beau monde en costumes complet. Ainsi, Maria quitte Londres pour Paris pour aller voir la Duchesse et elle se présente comme « une vieille amie » auprès du majordome.

Ce monde de la Duchesse, elle l'a quitté pour épouser un Lord, un diplomate de sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne. Il s'appelle Lord Barker (Herbert Marshall) et il passe son temps de conférence pour la Société des Nations en commissions dans un but noble : éviter la guerre. Car déjà, quelques années avant To be or not to be, Ernst Lubistch évoque la situation en Europe et ce conflit qu'il devine devoir s'abattre. C'est donc à cause de cette guerre à éviter que Maria s'ennuie profondément chez elle et qu'elle part batifoler dans le continent.

Seule, elle attire l'attention d'un autre solitaire, Anthony Halton (Melvyn Douglas), lui aussi à Paris et à la recherche d'un bon moment, quel meilleur endroit aller que chez la Duchesse ? Elle ne lui donnera pas son nom, il décide de l'appeler Angel (ou Ange en français) et ils s'embrasseront dans un parc. Mais quand il s'éclipse une minute pour lui acheter un bouquet de violettes, la belle inconnue s'enfuit sans demander son mot. Il va passer le reste du film à tenter de la retrouver, elle est partie de Paris pour retrouver son diplomate de mari.

A vrai dire, ce ménage à trois ne fonctionne jamais vraiment, le film est régulièrement lent avec quelques soubresauts où Ernst Lubitsch agite sa mise en en scène magique. Les domestiques du couple Barker ont parmi les plus belles scènes comme celle du sauté de veau qu'ils découvrent mangé ou entier dans l'assiette de leurs patrons et de leur invité (en l'occurrence Anthony Halton). Les domestiques dont Graham (Edward Everett Horton) n'analysent pas comme le public qui en sait plus qu'eux sur les raisons pour lesquelles ce veau n'a pas été mangé par Maria et Halton.

Un autre employé de Barker a une belle scène dans un hippodrome. Wilton (Ernest Cossard) se promène au bras de sa fiancée Emma et il est tout fier de prouver qu'il connaît tout le monde. En l'espèce, tous ceux qu'il salue sont des majordomes des aristos et autres nobles. Puis Emma croise enfin quelqu'un qu'elle connaît, la salue avec un grand geste, ce qui choque Wilton, son visage exprime un peu de condescendance pour cette joie exprimée si simplement lui qui faisait découvrir à sa chérie le monde de la haute.


Les deux hommes vont finir par se rencontrer, sans que l'un sache que l'autre connaît Maria et vice-versa. Or en discutant, ils ne découvrent par le secret de l'Ange mais se rendent compte qu'ils ont eu une maîtresse commune, des années plus tôt, une certaine Paulette. Là encore Ernst Lubitsch est à son meilleur pour ce genre de discussions où le spectateur a de l'avance sur les personnages. Un mot de trop menace de révéler des secrets si bien cachés et c'est dans ces quelques scènes que Ange séduit le plus, la Lubitsch's touch avec parcimonie.




























mardi 6 mars 2018

La Femme et le pantin (Josef von Sternberg, 1935)

Le diable est une femme, tout un programme pour le septième et dernier film de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich. 40 ans plus tard, adapté du même livre de Pierre Louÿs, La Femme et le pantin, Luis Buñuel titrait son dernier film Cet obscur objet du désir. Le film procède d'une volonté de conclusion du personnage de femme forte, dominatrice, libre tel que l'a joué sept fois Marlene Dietrich, tantôt enfant gâté, tantôt femme fatale, toujours metteur en scène de sa vie, évidemment c'est pour cela que l'art du cabaret (L'Ange bleu, Cœurs brûlés, Vénus blonde et La Femme et le pantin) est au centre du récit, Marlene Dietrich chante deux chansons.

Pour la première fois, un flash-back est utilisé pour raconter l'histoire de Concha, jeune espagnole au début du siècle. Cela se déroule pendant le carnaval de Séville et Josef von Sternberg met les bouchées doubles, profusion de costumes, masques, serpentins et confettis. Au centre du carnaval, Concha est la vedette dans un char, assise au milieu de ballons gonflables, loup sur le visage. Elle observe et se sait observée. En face, au milieu de la foule, loin ou près, peu importe, un bel hidalgo croise ses yeux et cet homme, Antonio (Cesar Romero), à la fine moustache la suit jusque chez elle. Le film montrera que c'est Concha qui le précède et l'attire dans sa toile.

Elle lui donne rendez-vous plus tard, avec un petit sourire complice, sans pour l'instant avoir encore montré son visage, encore caché par son masque, mais aussi par la grille devant la fenêtre, autant d'obstacles qu'elle ne cesse de mettre entre elle et les hommes. En attendant, Antonio s'abrite dans un restaurant, il ne veut pas croiser la police, dirigée par le Gouverneur Paquito (Edward Everett Horton). Antonio est un révolutionnaire, un républicain, il risque de se faire emprisonner. Dans ce restaurant, il tombe sur une vieille connaissance, le capitaine Pasqual Costelar (Lionel Atwill) et lui explique qu'il a rendez-vous avec la plus belle femme de Séville.

Don Pasqual commence le long récit de sa vie avec Concha, pour être plus précis, l'absence de vie intime avec Concha. Il la rencontre dans une fabrique de cigarettes et contre un billet, il demande une cigarette. Elle en confectionne deux, la seconde est destinée à patienter. La patience, il ne reste que cela au capitaine. Concha réclame de l'argent pour l'entretenir, elle et sa mère, Pasqualito, comme elle le surnomme comme s'ils étaient dans une relation adolescente, obéit en silence, renfrogne sa colère et elle le laisse là pantois. Elle disparaît pendant des semaines et revient, fraîche comme une fleur, Pasqual retombe dans son piège.

Concha joue à l'enfant, comme le faisait Marlene Dietrich dans la partie russe de Agent X-27, une fillette capricieuse qui exige beaucoup de son bienfaiteur. C'est sans doute dans La Femme et le pantin que l'on trouve le plus d'humour de tous les films du duo. Difficile de ne pas sourire et d'être sidéré par son comportement égoïste quand elle nargue Pasqual en invitant chez elle Morenito (Don Alvarado), jeune toréador qui ne dira aucun mot pendant tout le film. Les mines boudeuses de Marlene Dietrich suivent des regards pleins de passion sur ces hommes qu'elle dompte, comme un combat de tauromachie, le film y fait plusieurs fois référence.


La maman de Concha n'est pas mal non plus pour manipuler son monde, tout comme la « sorcière », comme la nomme Pasqual, la patronne du cabaret où travaille Concha qui ricane à chaque phrase. Pasqual va racheter son contrat pensant qu'il a enfin la main sur sa belle. Il n'en sera rien, elle le mène encore et toujours par le bout du nez. C'est la répétition des renvois de Pasqual qui est drôle, ce que les hommes peuvent être idiots, mais jamais elle n'embrassera ces idiots que sont Pasqual, Antonio et le gouverneur Paquito dont on apprendra, avec grand étonnement, qu'il est lui aussi l'un des amants de Concha. Elle est libre et sans hommes, définitivement.