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lundi 28 septembre 2015

Misery (Rob Reiner, 1990)

 
Les mots The End ont enfin été écrits de la main même de Paul Sheldon (James Caan) en bas de la dernière page de son manuscrit tapé à la machine à écrire. L'écrivain peut enfin s'allumer une cigarette, boire sa flûte de Champagne pour fêter la fin de la conception de son dernier roman sur son héroïne romantique Misery. Pour bien comprendre que Misery ne sera pas un film sur la littérature (ou pas seulement sur ce sujet), Rob Reiner, qui adapte Stephen King, évoque en quelques plans Shining : un écrivain totalement isolé dans un chalet de montagne où la neige est tombée en abondance, un départ en voiture avec le titre du film qui apparaît sur cette automobile dans un plan pris en plongée. La comparaison s'arrête là, d'autant que la musique joviale semble annoncer un tout autre genre que celui du film de Stanley Kubrick. Trop pressé de rentrer à New York pour apporter son texte à son agent (Lauren Bacall) à qui il a annoncé qu'il renonçait à poursuivre à écrire des romans à l'eau de rose, Paul a un accident de voiture.

Il est sauvé d'une mort certaine par Annie Wilkes (Kathy Bates) qui l'extrait de la voiture, le porte sur son dos tandis que la neige tombe à gros flocons. On ne sait pas tout de suite que c'est une femme, le blanc de la neige empêche toute visibilité. Par pur hasard, Annie se trouvait là à ce moment. Par pur hasard, Annie est infirmière. Elle soigne Paul Sheldon de ses nombreuses fractures à la jambe. Elle le nourrit, le cajole pendant sa convalescence. Annie est la plus grande de ses fans, affirme-t-elle avec un grand sourire. Et comment l'écrivain ne pourrait-il pas avoir confiance en cette femme rondouillarde qui vit seule au milieu des montagnes du Colorado ? Le téléphone est en panne, les routes sont coupées, mais très vite, elle ira en ville téléphoner à son agent et à la fille de Paul, très vite elle l'emmènera à l'hôpital où il pourra être correctement soigné. Un ange descendu du ciel, par pur hasard. Pour la remercier des soins qu'elle lui prodigue, il accepte qu'elle lise le manuscrit, celui du prochain roman avec Misery. Annie ne vit que pour les aventures romantiques de Misery.

Quelle erreur fatale ! Annie n'est pas contente, mais alors pas contente du tout du destin que fait subir Paul à Misery. Son dernier roman, sans titre, se termine par la mort de son héroïne. Annie devient alors une ogresse montrant son visage le plus inquiétant. Elle oblige Paul à brûler le manuscrit. Le film prend la forme d'un conte cruel où la méchante sorcière enfermerait dans sa maison au fond des bois un innocent. D'ailleurs, Annie Wilkes n'est-elle pas appelée par la presse « Dragon Lady » dans les articles de journaux que Paul trouve par hasard dans l'album de souvenirs lors d'une de ses évasions dans la maison. La maison est hors du temps, totalement anachronique, avec tous ces bibelots d'animaux, ces vieux lits à ressorts, ces tableaux naïfs. Annie Wilkes vit dans un autre monde, coupée de toute réalité. Elle vit dans le monde de Misery qu'elle considère comme une personne à part entière. Annie vit dans un conte de fées, ou plutôt elle s'imagine vivre dans un conte de fées. Elle va forcer Paul à écrire une nouvelle histoire pour Misery, une histoire qu'Annie pourra apprécier. Ce roman qui doit venir est comme son bébé qu'elle va aider à mettre au monde. Elle en clame la maternité et affirme en être l'inspiratrice, si ce n'est l'auteur.

L'angoisse de la page blanche n'a jamais aussi bien porté son nom. Isolé, Paul ne rend pas compte de ce qui se passe. Quand il réussit enfin à sortir de sa chambre, il comprend la folie de son hôtesse. Mais il ne doute pas de l'étendue de son état mental. Elle veut le garder pour elle seule mais, hors de la maison, la disparition de l'écrivain fait angoisser son agent littéraire. Celui qui mène l'enquête est Buster (Richard Farnsworth), le débonnaire shérif du coin. Le vieil homme et son adjointe, qui n'est autre que sa femme (Frances Sternhagen), vont quant à eux écrire l'histoire de la disparition de Paul Sheldon. Et ce qui est formidable dans cette enquête est sa drôlerie, cet humour de voir ce couple de vieux avancer dans les investigations si lentement. Tout aussi lentement que Paul Sheldon guérit de ses fractures et que l'hiver disparaît. Misery est sans aucun doute un film censé faire peur, mais le sauts d'humeur d'Annie Wilkes sont aussi drôles et terrifiants que possible. Qu'elle présente son cochon domestiqué, qu'elle s'excite en dansant devant la qualité du nouveau roman, qu'elle brise les chevilles de Paul avec une massue, peu importe pour elle. Tout cela est une preuve de l'amour contrarié qu'elle porte à son otage. Sans lui, pas de récit donc pas de film. Heureusement pour la carrière de Sheldon qu'Annie était là par un pur hasard, aussi pur que la neige du Colorado.












dimanche 27 septembre 2015

Quand Harry rencontre Sally (Rob Reiner, 1989)

 
Une grande voiture break jaune arrive derrière un couple en train de s'embrasser. Université de Chicago en 1977, fin des études. Sally Albright (Meg Ryan) vient chercher Harry Burns (Billy Crystal) pour se rendre à New York. Sally propose de conduire en alternance sa voiture. 18 heures pour faire les 850 km. Que faire pendant tout ce temps ? Discuter, tout simplement et, très vite, les caractères de Sally et Harry s'opposent totalement. Harry, qui embrassait sa copine dans la première scène, a une conception des rapports entre les hommes et les femmes qui fait se dresser les cheveux de Sally. Il est convaincu que les hommes ne peuvent pas être amis avec les femmes parce qu'ils veulent coucher avec elles, qu'elles soient séduisantes, comme Sally, ou pas. La traversée finie, ils se serrent la main persuadés qu'ils ne se verront plus jamais. Comment se rencontrer par hasard dans une ville de huit millions d'habitants ? Ils se croisent en 1982 dans un terminal d'aéroport, puis en 1987 dans une librairie. Chacun expose l'échec de sa vie maritale et ils décident de boire un verre ensemble.

Que l'on découvre Quand Harry rencontre Sally ou pas, on sait exactement comment l'amitié entre Harry et Sally va se terminer : bien, très bien même. Rob Reiner et sa scénariste Nora Ephron ne cachent pas qu'ils veulent que le duo finisse en couple. L'important pour eux est le chemin qui les mènent jusque là. L'inspiration vient des comédies classiques de l'âge d'or du cinéma américain. Harry Burns aimerait se prendre pour Humphrey Bogart dans Casablanca. Il le cite littéralement en exemple, argumentant sur le dialogue final et sur le fait qu'Ingrid Bergman ne le suive pas. Ils regarderont le film ensemble, mais séparés, chacun dans son appartement en train de se téléphoner. Seulement voilà, la seule chose que Harry Burns partage avec Humphrey Bogart, ce sont ses initiales. Le film se tourne plutôt vers ces comédies débridées où les rencontrent se soldent par une succession de grosses disputes et de malentendus avant de s'aimer vraiment : La Huitième femme de Barbe-Bleue d'Ernst Lubitsch, Désir de Frank Borzage ou L'Impossible Monsieur Bébé d'Howard Hawks.

Connaître la fin du récit est l'obsession de Harry. Il commence toujours un roman par la fin par peur de ne pouvoir la lire au cas où il meurt. Cet élément placé dès le début du film fait de lui le narrateur du film. Il observe pendant tout le film Sally avec ses petites manies bien étranges, comme celle, hilarante, de toujours vouloir qu'on lui serve ses plats avec les éléments séparés. Sally veut tout séparer, et notamment séparer l'amitié de l'amour. Mais ce sont ces petites manies qui créent le personnage et façonnent leur lien. Harry les récapitulera tous dans sa déclaration d'amour. On entend la chanson de Louis Armstrong et Ella Fitzgerald Let's call the whole thing, ritournelle sur deux amoureux aux opinions divergentes, chanson immédiatement mise en opposition avec It had to be you de Frank Sinatra. Même les classiques de la chanson savent comment tout cela va se terminer. Pour appuyer encore plus l'inéluctable, la trouvaille est de faire parler face à la caméra quelques couples, en mode documentaire, sur leur rencontre et la longueur de leur mariage. On se doute bien quel couple conclura le film.

Mais en attendant que le couple se forme, Harry et Sally discutent et se disputent. Beaucoup. Très souvent ensemble, parfois avec leurs meilleurs amis. La confidente de Sally est Marie (Carrie Fisher) qui attend éternellement qu'un certain Arthur veuille enfin quitter sa femme pour elle (ça n'arrivera pas, lui répond chaque fois Sally). Le meilleur ami de Harry est Jess (Bruno Kirby) journaliste avec qui il partage une passion pour le sport. Bons samaritains, Sally se propose de sortir avec Jess et Harry avec Marie dans un dîner à quatre épique où finalement Jess va tomber amoureux de Marie. Et quand ils discutent de sexe, Sally simule un orgasme dans un restaurant pour bien montrer à Harry qu'il n'est peut-être pas le bon coup qu'il prétend être. C'est sans aucun doute cette séquence qui est la plus connue du film. Parfois, le duo chante dans un magasin de karaoké où se trouve également l'ex-femme de Harry transformant une scène joviale en tragédie. Le film passe d'un registre à l'autre, alterne les tons, avec une élégance et une facilité que ne retrouvera jamais Nora Ephron dans ses scénarios suivants (Nuits blanches à Seattle ou Vous avez un message). Ce second volume des « amours contrariées » en forme de comédie sophistiquée se poursuivra dans la terreur avec Misery.













samedi 26 septembre 2015

Princess Bride (Rob Reiner, 1987)

 
Comme Ridley Scott (Legend), Ron Howard (Willow), Wolfgang Petersen (L'Histoire sans fin) ou Richard Donner (Ladyhawke), Rob Reiner s'est lancé dans un difficile pari cinématographique, raconter un conte. C'était la mode dans ces années 1980. La trouvaille du cinéaste est de commencer aujourd'hui (dont en 1987) avec un plan sur un jeu vidéo auquel joue un jeune garçon malade (Fred Savage). Son grand-père (Peter Falk), cheveux gris et lunettes vient lui rendre visite et lui propose de lire un livre. Berk, un livre, dit le gamin qui ne sait pas encore que le pouvoir de narration du grand-père le portera vers un univers qu'il ne connaît pas encore mais qui le tiendra en haleine. L'enfant, prêt à accepter ce récit, c'est le spectateur qui sommeille en chacun de nous. Il est prêt à ce que la réalité soit abolie tant que les rebondissements soient contés comme il faut.

Le conte Princess Bride commence par un romantisme niais. La princesse Bouton d'Or (Robin Wright) se fait servir par Westley (Cary Elwes) son garçon de ferme qui dans un regard langoureux sur un chromo orangé ne répond que par « as you wish » (comme il vous plaira). Le garçon interrompt son grand-père – et le spectateur de cinéma est d'accord avec lui - « on non pas encore un baiser ». Car, oui, pourquoi encore raconter sans cesse la même histoire de la princesse et du fermier pauvre. Il faut passer à autre chose. Ce second départ qu'amorce Peter Falk, c'est la mort soudaine du valet, parti faire fortune dans une autre contrée pour pouvoir épouser la belle. Pas fou, le fils du roi du coin (Chris Sarandon) au nom (Humperdinck) et à l'accoutrement ridicules (celui du prince charmant) décide d'épouser Bouton d'Or, puisqu'elle est la plus belle femme du royaume.

Ce nom et cette tenue sont le premier grain de sable qui vient enrayer les rouages du conte du grand-père. Et ce sera toute une galerie de personnages engagés dans des situations pittoresques qui vont émailler le récit. D'abord, on a bien remarquer que Rob Reiner accepte l'imagerie du conte. Lors de la présentation de la future princesse aux sujets du roi, on a pu voir ce dernier sur le balcon désigné comme dans les lieux les plus communs, grande barbe blanche, tunique ornée de joyaux et couronne dorée. Plus tard dans le film, on se rendra compte que ce vieux souverain est complètement gâteux. Ainsi, les clichés sur le conte, une fois qu'ils sont énoncés et présentés au spectateur, sont tous retournés pour créer un effet comique. On est en terrain connu mais tout va se désintégrer petit à petit, pour le plus grand plaisir du spectateur.

On continue avec trois brigands pas très malins. Leur chef se présente comme un grand stratège (Wallace Shawn), il donne des ordres au géant Fezzik (André The Giant) et à Inigo Montoya (Mandy Patinkin). Le trio décide de capturer Bouton d'Or. Ils vont vite être poursuivis par Robert le Pirate et par l'armée du Prince. Inigo est le personnage le plus cocasse, veut se venger de son père (référence à Conan le Barbare, autre conte de l'époque) en répétant sans cesse la même phrase devenue culte (pour le coup, la formule n'est pas galvaudée). Son ennemi est un mercenaire qui a six doigts à la main droite. Comme par hasard, cet homme (Christopher Guest) est le bras droit vicieux du prince Humperdinck. Sa grande passion est d'écouter la douleur des gens qu'il fait torturer. Au fil des aventures, on rencontrera un tortionnaire albinos (Mel Smith), un sorcier vérolé (Billy Crystal) et sa femme (Carol Kane) et un étrange prêtre (Peter King).

La force de l'humour de Princess Bride tient à un principe aussi simple qu'efficace : jouer avec le plus grand sérieux des choses insensées. Pas d'anachronismes (à la Monty Python) ni de parodie (ce « lampoon » typiquement américain à la Mel Brooks) pour créer et réussir des gags. Le plus intéressant dans Princess Bride est le ton de plus en plus noir qui se développe tandis que le nombre de gags ne cessent d'augmenter. Un film sans aucune mièvrerie que l'on peut regarder sous plusieurs degrés. Ce qui a, en revanche, particulièrement mal vieilli, c'est la musique de Mark Knopfler avec ses claviers simplistes. Princess Bride peut constituer, dans le cinéma de Rob Reiner, une trilogie sur les « amours contrariées ». Le second volume en sera Quand Harry rencontre Sally et le troisième Misery. dans chacun, le rapport à la narration est original. Après Princess Bride, tous les contes avec des princesses ont paru ringards.














dimanche 13 septembre 2015

This is Spinal Tap (Rob Reiner, 1983)



This is Spinal Tap est l’étalon du faux documentaire. Moins loufoque que The Rutles sur un groupe qui ressemblerait à The Beatles mais vivrait dans une autre dimension, moins roublard que Borat. Le genre pourrait aussi inclure tous ces films de found footage qui ne sortent que rarement du film d’horreur. La tournée américaine du groupe anglais de heavy metal Spinal Tap est au cœur du film. Le film est lancé par le vrai faux réalisateur du film, Marty DiBergi (Rob Reiner lui-même), qui explique que le groupe est né en 1964, qu’il a surfé sur la vague du rock pour gamines, changeant de style au fil des époques pour arriver au heavy metal avec son cortège de tenues exubérantes et ridicules.

Le film propose trois sortes de moments. Les entretiens que DiBergi mènent auprès des cinq membres du groupe, ils racontent leur passé commun, leur ambition, leur passion pour la musique. Les deux guitaristes, David et Nigel (Michael McKean et Christopher Guest par ailleurs scénaristes du film), se connaissent depuis l’enfance, ils sont complémentaires, ils écrivent les chansons ensemble, comme Lennon et McCartney. Le premier chante, le deuxième fait des solos mémorables, notamment avec deux guitares et un violon. On comprend assez vite qu’ils ne sont pas très malins, voire très bas de plafond. Les autres ne valent guère mieux.

Puisque le groupe fait une tournée, logiquement ils sont sur scène pour chanter. Les chansons sont filmées dans leur intégralité. Les paroles sont un mélange de sexisme puéril (toutes les femmes vont tomber amoureuses) et de mégalomanie (ils se voient comme des dieux de la musique). Sur scène, ils sont à fond dans leurs rôles de metalleux, maquillage outrancier, cheveux longs qu’ils agitent, visages grimaçants. Le comique naît de cette manière de filmer au premier degré des personnages qui jouent au premier degré. L’ironie bienveillante devant un spectacle aussi immature et ringard n’en devient que plus évidente.

Enfin, ce sont les coulisses de la tournée que Rob Reiner filme. La tournée est foireuse. Leur manager, qui les suit depuis des années, est incompétent. Les dates s’annulent les unes après les autres, les séances de dédicaces sont vides. L’ombre des Beatles plane sur le récit : une pochette toute noire parce que les Fab Four avaient fait l’album blanc, mais surtout la venue impromptue sur la tournée de Jeannine, la copine du chanteur, pastiche hilarant de Yoko Ono. Elle veut prendre la carrière de son copain en main. C’est surtout Nigel, le vieux pote de David, qu’elle entend évincer, elle veut détruire le couple que David formait avec son lead guitar.

La tournée est une catastrophe et les nouvelles solutions qu’apporte Jeannine vont encore plus plonger le groupe dans la débâcle. Férue d’astrologie, elle propose de faire des costumes qui reprendront leur signe du zodiaque. Elle trouve de nouvelles dates pour un public peu réceptif au hard rock menant à la rupture entre David et Nigel. Dernier détail, quelques caméos amusants, Fran Drescher (d’Une nounou d’enfer) en attachée de presse, Patrick McNee (John Steed), Billy Chrystal en mime et Anjelica Huston en décoratrice. Constamment crédible et férocement drôle, This is Spinal Tap est un chef d’œuvre qui n’a pas pris une ride.