L'image
de Jim Carrey qui apparaît au premier plan de I love you Phillip
Morris, dans une blouse d'hôpital allongé sur un lit, renvoie
au talent dramatique de l'acteur (Man on the moon de Milos
Forman en 1999 comme Eternal sunshine of the spotless mind de
Michel Gondry en 2004), un personnage malade. Puis, on le découvre
en policier évoquant sa puissance comique comme dans Fous d'Irène
des frères Farrelly (2000). Enfin, la voix off intérieure se
présente. Il est Steven Russell, un bon père de famille, marié à
Debbie (Leslie Mann) à qui il fait l'amour en pyjama, un bon
chrétien qui joue de l'orgue à l'église.
Tout
ce beau portrait d'une vie bien rangée est vite mis à la poubelle.
Enfant, Steven apprend qu'il a été adopté. Et quand il jouait avec
les petits voisins à imaginer les formes des nuages, il ne voyait
pas des nounours ou des fleurs, mais un sexe en érection. On est un
peu dans l'idée narrative du Roman d'un tricheur de Sacha
Guitry où le héros raconte sur un ton placide et ironique tout le
mal qu'il a fait dans sa vie. Tout ça parce qu'il ne résiste pas au
plaisir d'offrir à l'homme qu'il aime une vie de luxe et de volupté.
Steven quitte sa femme pour vivre avec Jimmy (Rodrigo Santoro), un
bel éphèbe aux abdos saillants.
C'est
peu de dire que Glenn Ficarra et John Roqua ont eu beaucoup de
difficultés à parvenir à faire leur film. Les studios ne voulaient
pas voir Jim Carrey en homosexuel prédateur et escroc. C'est donc
Luc Besson qui a financé le film. Et pour être homo, Steven l'est.
Gay, gay, gay, dit-il tandis qu'il chevauche en levrette un
moustachu, tout en sueur et extase. Et avec Jimmy, il promène
fièrement leurs chihuahuas sous le soleil de Floride. Pour mener une
vie de luxe, Steven ne compte pas sur son petit boulot de magasinier,
il élabore des plans d'arnaque à l'assurance. Il a volé tant
d'argent qu'il se fait arrêter et se retrouve en prison.
Les
deux cinéastes nous font croire deux minutes que la prison pourrait
ressembler à celle de Oz. Mais c'est le lieu, au contraire,
de l'épanouissement amoureux de Steven dès qu'il rencontre Phillip
Morris (Ewan McGregor), petit blond timide et crédule qui a passé
sa vie à se faire avoir par ses amants. Steven va prendre soin de
lui. Les lettres enflammées vont circuler de main en main, de
couloir en couloir, d'un bloc à un autre pour garder le contact.
Steve, même en taule, a de l'entregent. Il réussit à se faire
muter dans la cellule de Phillip. C'est le temps des mamours, de la
tendresse et des steaks en forme de cœur spécialement cuisinés
pour eux.
Le
petit nid douillet de la prison, c'est mignon, mais ça n'est pas
assez pour Steven. C'est là que le génie de Jim Carrey se décuple
avec une flamboyance inégalée. Pour s'évader puis pour assurer le
train de vie qu'il promet à Phillip, il multiplie les rôles, avocat
pour faire libérer son amoureux, homme d'affaires pour avoir un
poste bien rémunéré. Allers retours en prison, évasions à gogo
sur un rythme effréné proche du cartoon. Et puis, la grande vie,
les belles bagnoles, la villa luxueuse. Phillip, tout en naïveté,
est heureux jusqu'à ce que tout s'effondre. Retour à la prison,
retour à des plans d'évasion. C'est un festival de twists et, pour
une fois, j'en redemande.
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