dimanche 28 août 2016

Le Rouge et le noir (Claude Autant-Lara, 1954)

J'ai regardé Le Rouge et le noir (pour la première fois de ma vie) parce que Johan Libéreau dans Cosmos trimballait le DVD en disant au sujet de Gérard Philipe « qu'il est beau garçon, on en fait plus des comme ça ». Le film est sorti le 29 octobre 1954 (il a été en couverture des Cahiers du cinéma en novembre 1954), soit 8 mois après la lourde charge de François Truffaut, toujours dans cette même revue, contre « une certaine tendance du cinéma français » à adapter les romans phares de la littérature française au goût du jour. Pour le jeune critique, il était insupportable que Claude Autant-Lara et ses deux scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost soient aussi anticléricaux.

L'histoire du Rouge et le noir (3h05) est celle de Julien Sorel qu'incarne Gérard Philipe, un « petit paysan » entré au séminaire et qui se voit devenir, grâce au curé de son village, précepteur des enfants de Monsieur et Madame de Rênal (respectivement Jean Martinelli et Danielle Darrieux). Malgré les avances de la bonne Elisa, il devient l'amant de Madame de Rênal. Face à la lettre anonyme que Rênal reçoit, Madame de Rénal renonce à son amant d'autant qu'elle voit la maladie de son petit comme une punition divine. Retour au séminaire à Besançon où il est chapeauté par l'abbé Pirard (Antoine Balpétré) en rupture avec sa hiérarchie. Fin de la première époque.

Dans la deuxième époque, Julien Sorel débarque à Paris. Son abbé protecteur lui a trouvé une place dans une famille noble, l'excentrique Marquis de la Môle (Jean Mercure) a sa confiance. Il devient son secrétaire. Il travaille dans la bibliothèque où il voit souvent passer Mathilde (Antonella Lualdi), la fille du Marquis avec qui il entame une liaison au grand dam d'un ami de la famille (Georges Descrières), lui aussi noble. Sur ordre de son confesseur, Madame de Rênal écrit une lettre qui affirme que Julien est un homme pervers. Retour au tribunal, qui ouvrait la première époque, où les juges condamnent Sorel à mort pour avoir tenté d'assassiner Madame de Rênal.

Ce qui frappe est le style de Claude Autant-Lara, c'est la stylisation extrême des décors des trois lieux. Gris pour la château provincial des Rênal, un endroit mesquin et sinistre. Blanc pour le séminaire de Besançon. Beige pour la demeure des De la Mole. Chaque fois, des murs nus, peu de décorations (miroirs, meubles, tableaux) ce qui apporte un aspect étrange au film, presque fantastique. On est loin de l'académisme de nombreux films en costumes du cinéma des années 1950. Les costumes aux couleurs criardes et vives (vert, violet, jaune) apportent un peu de vie au milieu de ces univers mortifères. C'était le premier film en couleurs du cinéaste.

Gérard Philipe était un peu vieux pour incarner cet arriviste qui utilise ses charmes pour changer de condition. Il joue un peu théâtre, avec une voix douce, un visage hiératique, une mollesse dans les mouvements mais sa voix intérieur qui narre son ambition est plus vive. Le souci est que tout passe par les dialogues et Gérard Philipe se repose sur eux, contrairement à Danielle Darrieux au jeu plus physique. Le film est une délicieuse et virulente critique de la religion et de l'armée, de l'hypocrisie de la noblesse (M. de Nêral traite ses domestiques pis que pendre, le Marquis se cramponne à ses rituels). « L'homme d'église est un valet de chambre nécessaire pour leur salut » dit l'abbé Pirard.























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