Hôtel
Singapura, chambre 27, voilà l'unique décor du nouveau film d'Eric
Khoo, hormis quelques rares incursions dans le couloir. Un film à
sketches avec une flopée d'acteurs qui se retrouvent dans cette
chambre, étalé sur 80 ans de 1945 à 2025, l'ancien et le nouveau,
toute l'histoire de Singapour depuis la fin de la seconde guerre
mondiale, une histoire par le petit bout de la lorgnette dans cette
île état où l'on rappelle par les dialogues que les lois sont
strictes. La chambre 27 de l'hôtel accueille donc des amours
marginales et hors des normes sociales de Singapour.
1945,
noir et blanc, zoom arrière sur une carte postale de l'hôtel,
luxueux comme le dit l'homme qui fredonne juste avant le générique.
Dans la chambre, un Chinois et un Anglais, ce dernier annonce qu'il
va retourner à Londres. Le Royaume Uni accorde son indépendance à
la Malaisie à laquelle Singapour appartiendra encore quelques
années. Ils sont amants et leur séparation ne se fait pas sans mal,
l'amant chinois refuse de suivre l'Anglais car pour lui cela
reviendrait à abandonner sa famille, sa patrie naissante et son
travail.
1955,
retour à la couleur, cinq femmes cantonaises en robes fleuries
(genre celles de Maggie Cheung dans In the mood for love)
apprennent le sexe grâce à leur mère maquerelle. Cours du jour,
balles de ping pong et bananes suivi de la pratique. 1965, un groupe
de rock de Singapour viennent fêter le jour de l'an dans la chambre,
ils sont accompagnés de jeunes femmes. Le chanteur Damien remarque
la femme de ménage Malaise. Il fait une overdose et viendra hanter
la chambre jusqu'à la fin des temps. C'est lui qui chantait en début
de film.
1975,
un couple d'amants de Thaïlande, l'un d'eux a décidé de changer de
sexe. 1985, une femme japonaise couche avec un jeune et sexy
singapourien, elle appelle son mari tandis que l'amant lui annonce
qu'elle est très amoureux d'elle. 1995, deux amis de Corée viennent
oublier leur souci, la fille ne veut plus penser à son ancien
amoureux et son pote fantasme sur elle. 2005, la femme japonaise de
1985 vient toujours coucher avec de jeunes hommes. Elle reviendra
encore et encore dans l'espoir de retrouver cet amant qu'elle n'a
jamais réussi à oublier et égaler.
Comme
dans tous les films à sketches de qualité très inégale, les
scènes de Hotel Singapura sont concentrés sur les dialogues,
hélas souvent très sirupeux et dignes d'un soap opéra ou d'une
sitcom. Mais c'est une polyphonie de langues qui s'exposent aux
oreilles : anglais, mandarin, cantonais, thaï, coréen, comme
si toute la misère sexuelle de l'Asie du sud venait s'installer dans
cette suite. Homosexualité bafouée, prostitution, transexualité,
adultère, voyeurisme et surtout de la frustration de la part de tous
ces personnages.
Ce
qui dit en substance Eric Khoo, qui prend fait et cause pour toute
cette galerie de personnages, c'est que rien ne change vraiment au
fil des années. La sexualité est toujours un sujet tabou dans les
pays d'origine et à Singapour. Ce qui change, ce sont les décors de
la chambre 27, chaque décennie est marquée par les meubles, les
tenues, les objets et les papiers peints. A l'extérieur vu depuis la
fenêtre et en écho du hors-champ, c'est Singapour qui devient un
petit Dragon tandis que l'hôtel se décrépit jusqu'à tomber en
ruine. Tout cela est très funeste mais pas toujours convaincant.
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