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mardi 24 janvier 2017

Dick Tracy (Warren Beatty, 1990)

Trois ans après Ishtar, le duo Dustin Hoffman et Warren Beatty se reforme, du moins momentanément. Warren Beatty réalise le film (son troisième et avant-dernier à ce jour) et incarne Dick Tracy, costume noir, cravate rouge, chapeau et long manteau jaunes. Dustin Hoffman se contente d'un second rôle, Mumbles. Mais quel rôle ! Comme son surnom l'indique, Mumbles marmonne tout ce qu'il dit. La gueule de traviole, le visage pâle, les cheveux blonds, il est un gangster de la pègre que Dick Tracy interroge. Entre deux ricanements de hyène, il oppose un sourire sardonique au fameux détective qui ne pipe pas un mot à son discours. Jusqu'à ce que Dick Tracy ralentisse la bande sur laquelle il a enregistré Mumbles. Là, il va enfin tout confesser.

Tous les gangsters de Dick Tracy ont ces gueules grimées à l'extrême. Le chef de la bande s'appelle Big Boy Caprice (Al Pacino), il est bossu, pourvu d'un menton proéminent, de larges sourcils et d'un long tarin. Tous les autres sont du même tonneau. Le gangster aux rides cadavériques, celui à la tignasse digne de Caligari, un autre au visage en forme de ballon, ou avec un pif pointu, et aussi Paul Sorvino surnommé Lips avec ses lèvres déformées qui avale des huîtres dans son night club où bosse Breathless Mahoney (Madonna), chanteuse de cabaret (elle interprète des chansons de Stephen Sondheim). Les costumes des malfrats sont tous de couleurs criardes, vert, rouge, violet. Les décors subissent la même patine, comme s'ils étaient directement tirés du comics Dick Tracy, des couleurs bigarrées, une ligne claire, des lumières de film noir.

Le film est sorti un an après Batman de Tim Burton et on sent la volonté de Dick Tracy de faire aussi bien. Il a même embauché Danny Elfman pour la musique. Seulement voilà, Warren Beatty se contente d'un scénario au premier degré : la lutte contre la pègre d'un détective incorruptible, une romance où Tracy hésite entre Breathless et sa régulière Tess Trueheart (Glenne Headly), soit le combat entre la vamp blonde et la rousse honnête et il ajoute à cela un orphelin surnommé Kid (Charlie Korsmo) qui vient aider le détective quand ses deux équipiers (Seymour Cassel et Charles Durning dans des rôles ingrats) ne font pas le poids. Sans les méchants, Big Face Caprice et Mumbles en tête, qui cabotinent éhontément mais pour le plus grand plaisir du spectateur, sans la conception de cet univers ultra coloré de comics, Dick Tracy serait aujourd'hui totalement oublié. D'ailleurs, je crois qu'il est l'est déjà.
























samedi 21 janvier 2017

Ishtar (Elaine May, 1987)

Au nombre des films qui ont été des bides retentissants dans les années 80, il n'y a pas seulement Howard the Duck de Willard Huyck, Coup de cœur de Coppola ou Les Aventures du Baron de Munchhausen de Terry Gilliam, il y a aussi Ishtar. En haut de l'affiche, Dustin Hoffman, oscarisé pour Kramer contre Kramer en 1979, Golden Globe du meilleur acteur pour Tootsie, pas de film pendant 5 ans jusqu'à Ishtar. A ses côtés, Warren Beatty enfin reconnu pour son sérieux grâce à Reds en 1981, Oscar du meilleur réalisateur, pas de film pendant 6 ans jusqu'à Ishtar. Et entre ces deux vieux briscards de Hollywood, Isabelle Adjani dans un second rôle.

Et que fait jouer la cinéaste Elaine May à ces deux icônes de Hollywood ? Des chanteurs minables et sans le sou. Ils s'appellent Chuck Clarke (Dustin Hoffman) et Lyle Rogers (Warren Beatty) et sont persuadés d'être de fameux compositeurs de chansons populaires. On les découvre, Chuck au piano tenter une mélodie, Lyle debout derrière lui improviser quelques paroles. Tout les inspire, des choses les plus triviales autour d'eux à l'amour le plus romantique. Et question amours, les deux amis ne sont pas vernis. Leurs épouses les larguent, lasses de les entendre écrire leurs médiocres morceaux et se prendre pour des génies.

Comme pour un nanar, les chansons (composées par Elaine May et Paul Williams, auteur de la partition de Phantom of the Paradise) sont des merveilles navrantes mais rigolotes. Elles sont l'attrait majeur d'Ishtar, les moments les plus comiques tellement les deux acteurs se donnent à fond dans ces interprétations. Lyle est raide comme un piquet, Chuck entame un pas de danse, ils sont affublés d'un bandeau sur le front. A la fois Simon & Garfunkel sans la conscience politique et Bruce Springsteen sans le rock. Ils croient faire un tabac mais ils ne voient les visages navrés du public. Ils veulent enregistrer un album.

Pour cela, ils décident de faire appel à un impresario encore plus tocard qu'eux. Marty Freed (Jack Weston) est un bon gros qui clame à ses deux futurs clients qu'il va en faire des stars. Jusqu'à ce qu'il les entende chanter et jouer. Il leur propose d'aller jouer au Honduras pour remplacer le groupe qui vient de se faire trucider par des rebelles pour 75$ la semaine, une fortune là-bas. Ou alors d'aller jouer au Maroc pour 95$. Chuck a le sens des affaires, il choisit d'aller au Maroc, et les voilà tous les deux embarqués dans une aventure dont ils ne maîtriseront jamais les tenants et les aboutissants, tout en parvenant à chaque coup du sort à s'en sortir.

Ishtar est le nom d'un pays imaginaire où les deux ringards atterrissent. Au milieu d'une cohue indescriptible due à l'état d'urgence instauré par l'émir local pour faire peur à ses opposants – qu'il traite évidemment de terroristes – Chuck tombe sur une résistante à l'émir, Shirra Assel (Isabelle Adjani) que Chuck prend pour un homme qui le drague (il est bigleux ou quoi?). Shirra est à la recherche d'une carte ancestrale que son frère, archéologue, a trouvé dans des fouilles (un soupçon d'aventures à la Diamant du Nil mêlé d'Indiana Jones). Cette carte sera le MacGuffin de Ishtar, pur prétexte à lancer les deux chanteurs dans un récit d'espionnage.

Comme dans une parodie, la ville grouille d'espions habilement déguisés en djellaba et lunettes de soleil. Un agent de la CIA pas très finaud (Charles Grodin) conseille Chuck sur les dangers des communistes tandis que l'émir veut s'allier à Kadhafi. Lyle veut acheter un chameau aveugle. Puis ils partent au milieu du désert déguisés en bédouins. La géopolitique se transforme en course poursuite de splastick et le film se termine sur un improbable concert de Lyle et Chuck devant des soldats médusés, sans aucun doute à l'image des spectateurs de l'époque. 30 ans plus tard, alors que je découvre ce film, j'ai trouvé ce burlesque hilarant.



















dimanche 3 avril 2016

Shampoo (Hal Ashby, 1975)

George Roundy est un coiffeur, attention, pas une shampooineuse, comme il le fait remarquer avec dédain à Norman son patron. George travaille dans un prestigieux salon de Beverly Hills où toutes ces dames, toutes blondes, toutes blanches, sont coiffées par des messieurs, tous gay, bien évidemment. George est le coiffeur vedette, celui que toutes les clientes s'arrachent, et il est tellement demandé par toutes ces femmes qu'il doit parfois interrompre son ouvrage et quitter précipitamment le salon pour traverser les collines des quartiers huppés pour aller faire un brushing à ses clientes les plus fidèles et les plus exigeantes.

George dégaine son sèche-cheveux, chevauche sa moto Triumph et les cheveux au vent court à le rescousse des chevelures éplorées. George, incarné par Warren Beatty, à la fois producteur, co-scénariste avec Robert Towne et acteur principal, pense qu'il est grand temps de fonder son propre salon. Hippie sur le retour, il troque momentanément son blouson de cuir, sa chemise blanche ouverte sur sa poitrine et ses pendentifs pour une veste et une cravate. Il va rencontrer un banquier. Il s'est mis bien propre pour montrer qu'il est capable d'être un patron. Mais quand le banquier lui cause argent et emprunt, George lui répond brushing et Barbara Rush. Il n'aura pas son prêt.

George a d'autres ressources : lui-même en tout premier lieu et ses nombreuses maîtresses. Car si toues les coiffeurs sont gay pour les habitants de Beverly Hills, George est un homme à femmes. Parmi ses fidèles clientes, Felicia Karpf (Lee Grant) épouse d'un homme d'affaires qui pourra l'aider dans ses finances, surtout s'il ne révèle pas son hétérosexualité. Shampoo s'ouvre avec une scène de lit, au beau milieu de la nuit où Felicia et George font l'amour. D'abord totalement noir, l'écran s'éclaircit peu à peu quand le téléphone sonne et que George file en vitesse laissant sa maîtresse en plan.

Dans Shampoo, George passe d'une femme à l'autre avec allégresse. Felicia, cette épouse mère de famille qui s'ennuie dans sa grande maison. Elle a une fille Loran (Carrie Fisher, dans son premier rôle) avec qui il couchera aussi. Jill (Goldie Hawn), jeune femme pimpante mais vite angoissée, sa petite copine « officielle » qu'il va justement retrouver quand il quitte Felicia. Et enfin, Jackie (Julie Christie) qui se trouve être une amie très proche de Jill mais aussi la maîtresse de Lester Karpf (Jack Warden), le mari de Felicia. Tout ce petit monde s'observe, s'échange les faveurs de George et surtout de son corps.

Tout le film d'Hal Ashby se déroule sur quelques heures, un peu plus d'une journée. Mais pas n'importe quelle journée. Le récit commence la veille de l'élection de Richard Nixon, candidat pour la deuxième fois. Dans son fief de Californie, où Ronald Reagan venait de se faire élire gouverneur, tout le monde fait campagne pour Nixon, et en tout premier lieu les Karpf. Lester, qui a accepté d'aider George à ouvrir son salon, lui demande de venir accompagnée de Jackie (à qui il fait pour l'occasion une permanente d'enfer). Jill viendra avec Johnny Pope (Tony Bill), un producteur qui peut l'aider pour sa carrière d'actrice.

Le meeting républicain est le moment le plus drôle de Shampoo. Le discours d'un leader du Parti républicain n'est pas piqué des hannetons, il annone des borborygmes et se met à fredonner un chant incompréhensible, sans que personne ne semble vouloir l'interrompre. Jackie qui passe son temps à boire du Chablis se dévergonde et passe sous la table « pour sucer la bite » de George. Avec une longue robe noire qui laisse apparaître tout son dos nu, elle décide de provoquer Lester qui est venu accompagné de Felicia. Tout cela crée un bel esclandre, Jackie et George doivent fuir à toute vitesse, vite suivis de Jill, Lester et le producteur.

Ce meeting, filmé avec causticité, est immédiatement suivi par une soirée de hippies, très excentrique. Hal Ashby a plus de tendresse pour les hippies que pour les Républicains. Les corps s'entassent les uns sur les autres dans le salon d'une immense demeure, les vêtements sont bariolés, les joints tournent, les gens baisent partout. George était incongru au meeting républicain, c'est au tour de Lester d'être lâché au beau milieu de cette faune qu'il n'avait jamais approchée. Dans ces deux séquences, la musique des Beatles scande chaque soirée, Lucy In The Sky With Diamonds chez les hippies, Yesterday chez les Républicains.

La veille les USA étaient dirigés par un Démocrate, le lendemain Nixon est élu Président. Toutes les cartes sont rebattues. Pour George c'est également une rupture, sa gentillesse qui confine parfois à la naïveté va s'éteindre après cette folle nuit. Il perdra ses trois maîtresses, sans doute Lester ne l'aidera pas à créer son salon de coiffure. Ce 4 novembre 1968 amorce la fin de l'innocence pour toute une génération et la poursuite du cynisme dans la glorieuse Amérique unie de Richard Nixon. Cette fin, Hal Ashby la filme avec une infinie tristesse.