vendredi 26 août 2016

Cosmos (Andrzej Zulawski, 2015)

C'est un film époustouflant, d'une beauté sidérante et je regrette de ne pas être allé le voir à sa sortie au cinéma (parce qu'il passait alors dans un cinéma de ma bonne ville de Grenoble où les projections sont terriblement médiocres). Le plus incroyable dans Cosmos, cet ultime film d'Andrzej Zulawski, est qu'il retranscrit avec bonheur la fougue rythmique de l'écriture de ce cher bon vieux Gombro. Le résultat est hors-norme, totalement à l'opposé des la plupart des films français (ici en co-production avec le Portugal grâce à Paulo Branco), ma surprise était d'autant plus grande que je connais très mal l'œuvre de Zulawski, je n'ai vu que quelques films français, L'Important c'est d'aimer, Possession et L'Amour braque.

Marcher, avancer sans cesse, aller d'un point à l'autre, et causer pendant que l'on marche. Cosmos est un film entièrement au présent. Quand les deux jeunes hommes débarquent dans le cadre, discutant entre eux en se vouvoyant parce qu'ils ne se connaissent pas, Andrzej Zulawski ne prend à peine le temps de présenter ses personnages. Il fonce comme Witold (Jonathan Genet) un étudiant venu réviser et écrire un livre et Fuchs (Johan Libéreau) en vacances, lui bosse dans la mode. Ce qui frappe immédiatement, ce sont leurs tenues, Witold est tout en noir, cheveux longs, Fuchs arbore des costumes colorés (surtout pourpre) et des mèches blondes. Ils ont trouvé une maison d'hôtes tenue par Sabine Azéma et Jean-François Balmer, respectivement Madame et Léon.

Il serait très présomptueux de raconter l'histoire de Cosmos, comme de résumer un livre de Wiltold Gombrowicz. Zulawski se plait à ne jamais arrêter de lancer des pistes narratives, de les saborder, de les rendre mystérieuses, de les rendre comiques, de changer de ton et de point de vue. Witold remarque un oiseau mort pendu par un fil, avec Fuchs, il se lance dans un jeu de pistes. Ils suivent les signes d'un râteau posé là, ils observent une limace, le chat qui déambule dans les couloirs et escaliers de la pension de famille, véritable dédale dans lequel ils s'enferment avec un plaisir non feint. Fuchs se demande si la blessure au coin des lèvres de Catherette (Clémentine Pons) la domestique, est factice.

Les scènes les plus intrigantes de Cosmos ont lieu pendant les repas qui suivent le même rituel mais où tout se dérègle de plus en plus. Léon apporte les plats, madame s'assoit en parlant très fort puis s'interrompt, comme stupéfaite, visage sans mouvement et reprend sa conversation comme si de rien n'était. Witold est intrigué et attiré par la belle Léna (Victoria Guerra) qui, dès qu'elle est assise, allume une fine cigarette. A côté d'elle, son fiancé, le timide Lucien (Andy Gillet) à qui Fuchs fait les yeux doux et de grands sourires, d'autant plus que les verres de vin qu'il ne cesse de se servir le désinhibent. Chacun des deux invités semblent fantasmer sur ce couple. Après ces repas, Witold écrit sur son ordinateur en lisant à haute voix.

Après avoir visité chaque pièce et chaque recoin, observé les murs décrépis et enquêté tel deux limiers sur ces animaux pendus, Andrzej Zulawski fait sortir Witold et Fuchs de la maison. Ils partent d'abord sur la plage, la mer est houleuse mais des jeunes jouent au basket et Fuchs ne résiste pas à l'occasion de se frotter à ces hommes. Witold ira dans l'eau armé de son parapluie. Puis, c'est à toute la troupe d'embarquer en voiture pour une petite maison où ils sont accueillis par le deuxième personnage que joue Clémentine Pons. Son mari, habillé comme Tintin, attire encore plus Fuchs. Dans les paysages alentours, où la neige tombe, Léon devient le guide du film, bâton à la main, prend le pouvoir narratif, déclamant ses étranges dialogues où il fait se terminer de nombreux mots en latin.

Witold s'appelle comme ça car sa « mère aimait lire du Gombrowicz », étonnante mise en abyme qui se poursuit avec des réflexions sur la littérature et le cinéma entre lui et Fuchs. On cause de Grenoble, de Stendhal, de Jean-Paul Sartre, de Madame de Rénal. Fuchs achète le DVD du Rouge et le noir « il est beau garçon ce Gérard Philipe, on en fait plus des comme lui ». Fuchs préfère le cinéma, t-shirt avec le visage de Jean Gabin, serviette avec celui de James Dean. Fuchs se sent comme le visiteur de Théorème de Pasolini (il court séduire les hommes sur la plage et il revient couvert de bleus) et va câliner Witold. Et quand l'un affirme que l'important c'est d'aimer, l'autre répond « quel titre débile ». Je suis sorti épuisé de ce film généreux et sublime, mais j'ai maintenant envie de me replonger dans l’œuvre du cinéaste.




























2 commentaires:

Jacques Boudinot a dit…

Ah, ça donne envie !
Il y a déjà un moment que je veux
revoir Possession.
Mais là, un film qui s'appelle Cosmos,
Gombro, ce que tu en dis ...
Enfin un film intrigant et insaisissable ?

Jean Dorel a dit…

Oh oui, ça fait du bien de voir ça.