J'aimerais
parfois être une petite souris pour savoir comment Claude Lelouch
présente ses films aux interprètes qu'il choisit. « Un
+ une sera l'histoire d'un
homme et d'une femme aux caractères bien opposés qui vont faire un
long voyage ensemble. » J'imagine la réponse de Jean Dujardin
qui serait, en substance, « mais comme dans vos précédents
films, cher Claude ». Et ce serait bien de la mauvaise foi de
ma part de reprocher sa constance au cinéaste. Il a un sujet, le
couple, et il s'y tient depuis son tout premier film.
Depuis
55 ans, les titres de ses films supposent une addition. Un
homme et une femme, Les
Uns et les autres, Le
Chat et la souris, Il
y a des jours et des lunes,
Les Bons et les méchants,
Hasards et coïncidences,
Edith et Marcel.
Toujours pour être de bonne foi, certains de ses titres ne sont pas
des additions. Mais dans sa candeur extrême (parfois très
plaisante), il reste persuadé qu'additionner deux idées, deux
prénoms, deux antonymes suffit à enclencher le moteur de la
fiction, une fiction forcément positive. + et + = +, CQFD.
Si
l'on compare avec ses collègues de la Nouvelle Vague (eux, parce que
Lelouch a commencé en même temps qu'eux, eux, parce qu'il a une
obsession pour la Nouvelle Vague dans Un
+ une), les titres font appel
à la division, la soustraction, la multiplication (Une
femme est une femme de Godard
– soustraction des deux hommes, Jules
et Jim de Truffaut –
soustraction de Jeanne Moreau, Quatre
aventures de Reinette et Mirabelle
de Rohmer – multiplication de l'action, Céline
et Julie vont en bateau de
Rivette – division de l'action par deux). Des titres proches mais
totalement opposés dans le fond.
Dans
Un + une,
Jean Dujardin incarne un compositeur de musique de films. Il doit
s'atteler à celle d'un cinéaste de la Nouvelle Vague indienne qui
tourne Juliette et Roméo
(décidément, on n'en sort pas). Il est joyeusement accueilli dans
un Mumbai coloré et animé par l'ambassadeur de France (Christophe
Lambert) et Anna, son épouse (Elsa Zylberstein). Dujardin s'appelle
Antoine Abeilard, nom qui m'évoque La
Belle histoire avec ses
histoires d'abeilles qui, de Jésus à Gérard Lanvin, étaient
racontées par Paul Préboist.
C'est
sans doute à La Belle
histoire, ce sublime film
choral de 1992, que Un + une
ressemble le plus, mais avec une plus grande modestie. Antoine et
Anna partent en train dans l'Inde profonde à la conquête de leur
destin, ce fatum de la réincarnation qui va coloniser les dialogues
des deux personnages. Le cinéaste n'a plus besoin de 2000 ans
d'histoire, de vingt personnages pour aborder son sujet fétiche, les
couples qui se forment parce qu'ils n'avaient pas d'autre destinée.
La démonstration se fait avec moins de grandiloquence qu'avant.
En
abandonnant la choralité de ses films précédents, Claude Lelouch
permet à Jean Dujardin de se lover totalement et avec aisance dans
son univers. Son bagout, son sens de la répartie et ses mimiques
écrasent totalement Elsa Zylberstein, un peu perdue dans toutes les
digressions et les improvisations sur lesquelles repose le cinéma de
Claude Lelouch depuis 25 ans. Les meilleures scènes du film sont
celles entre Jean Dujardin et Venantino Venantini, revenant du cinéma
de papa, qui joue son père. PS : le générique de fin commence par le nom de l'auteur des « aphorismes » (sic).
3 commentaires:
Oaah, Jean, tu connais super bien Claude Lelouch.
J'aurai jamais imaginé.
Je n'irai quand même pas le voir, faut pas pousser.
Le PS est très énigmatique ...(c'est de circonstance)
Je n'ai fait qu'une liste de titre (l'âne à listes). Mais cette constance thématique prouve que Lelouch est un auteur, non ?
Oui, il n'y a pas de doute. Lelouch nous parle toujours de
la même chose, avec la même ivresse et la même naiveté.
Par-contre, s'il y a bien un truc sur lequel il est inconstant,
c'est sur la qualité de ses films.
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