Le
dernier film que j'ai vu au cinéma cette année est Larmes de
joie, et comme par hasard, il se déroule pendant le réveillon
du jour de l'an avec trois personnages pas piqués des hannetons.
Forcément puisqu'ils sont interprétés par Anna Magnani, Toto et
Ben Gazzara. Le film suit une construction chronologique qui part des
bas-fonds pour arriver dans les quartiers chics de la Rome de 1960.
En l'occurrence, Anna Magnani est une figurante à Cinecitta. Elle
joue dans un péplum sur les premiers chrétiens et doit crier
« Miracle ! Miracle ! ». Dès que le plan est
fini, la cohue des figurants se précipite pour prendre le métro et
préparer le réveillon.
Gioia
est le prénom du personnage de la Magnani (le titre original prend
alors un double sens, puisque ces rires ou larmes sont de joie et à
elle), mais elle se fait surnommer la Tourterelle. Elle se voit
proposer un jour de l'an avec des amis, mais uniquement pour éviter
d'être 13 à table. Quand l'un se décommande, cette bande d'amis
pose un lapin à Gioia qui décide d'appeler Umberto (Toto) à la
rescousse. Toto est lui aussi un acteur sans le sou qui doit trois
mois de loyers à sa logeuse. Il accepte l'invitation de la
Tourterelle mais aussi celle de Lello (Ben Gazzara), moins honnête
car Lello est un voleur qui va détrousser les fêtards.
A
partir du moment où nos trois personnages se rencontrent dans une
fête populaire, Mario Monicelli accélère le rythme de son film
pour ne jamais s'arrêter. Tout d'abord, il prend le parti de laisser
la naïve Gioia dans l'ignorance la plus totale du plan de Lello et
Umberto. Elle croit, fagotée dans sa robe clinquante et coiffée
d'une perruque blonde, pouvoir séduire Lello car elle se croit
irrésistible. Il faut dire que Ben Gazzara dans ce rôle de jeune
premier ténébreux est convaincant. Il incarne l'Italien dans toute
sa splendeur. Umberto, dans son costume en queue de pie trop grand
pour lui, n'ose rien avouer à la Tourterelle.
Chaque
essai de vol (portefeuilles, bijoux, étuis à cigarettes) se solde
par un échec, ce qui met en rage Lello. Umberto est d'une maladresse
incroyable et il n'est pas aidé par Gioia qui commet gaffe sur
gaffe. Bientôt, la cible sera un Américain quinqua, soûl comme un
cochon qui traverse lui aussi la ville en voiture. Comme dans La
Dolce vita, auquel Mario Monicelli fait référence avec ironie,
il veut se baigner dans la fontaine Trevi. Mais Lello et Umberto se
voit concurrencer par un autre duo qui en veut également à l'argent
de l'Américain, sauf que dans ce duo, la femme ne fait pas dans le
vol de portefeuille.
Chaque
fois, la petite troupe part dans un nouveau lieu, ou plutôt Lello
tente de semer la Tourterelle. Le trio, ensemble ou séparé,
traverse Rome en poussant la chansonnette, en passant dans un
restaurant chinois (où Gioia retrouve ses amis qui ne sont que 12),
en prenant le dernier métro, en évitant la pluie d'objets (« à
la Saint-Sylvestre, les vieilleries on défenestre ») pour
finir au petit matin, après une nuit délirante, dans son scénario
et dans sa mise en scène, chez des gens de la haute, chez qui ils ne
vont pas se sentir à l'aise. Le retour à la réalité n'en sera que
plus difficile.
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