vendredi 11 décembre 2015

Béliers (Grímur Hákonarson, 2015)

Béliers est un film assez sympathique mais un peu fourre-tout avec pas mal de thèmes dans l'air du temps. Le jeune cinéaste islandais Grímur Hákonarson (peu de films viennent d'Islande, une bonne raison d'aller le voir) filme la campagne avec un format très large. Pas de d'arbres, des collines noires et deux fermes blanches dans lesquelles habitent deux frères. Ce paysage désertique est le nouvel exotisme, non pas celui de la pampa comme chez le cinéaste argentin Carlos Sorin (auquel on pense beaucoup devant Béliers) , mais boréal. Le cinéaste filme sans joliesse son immense cadre pour accentuer l'effet de réalisme. On a envie d'y aller en vacances pour se balader mais pas d'y vivre.

Les deux frères, bons gros gars robustes à la barbe fournie, habitent là tous les jours. Ils sont voisins mais ne se parlent plus depuis des années. Il se côtoient quand ils vont au village participer au concours du plus beau bélier. La solitude due à l'isolement est le deuxième motif du film. Tous deux sont restés célibataires. Leurs occupations sont maigres : s'occuper des moutons qu'ils élèvent dans leur ferme respective, boire de l'alcool pour rester au chaud et les puzzles. Il ne sera jamais vraiment indiqué la raison de leur fâcherie (option scénaristique de garder du mystère), mais il est fait allusion à un héritage familial mal digéré.

Le thème de l'incommunicabilité est propice à l'une des rares scènes amusantes du film qui tire quand même bien la gueule malgré une affiche française à la limite de l'arnaque publicitaire (pas celle qui est ci-dessus). Le chien d'un des frères (à moins qu'ils se le partagent, mystère) se fait pigeon voyageur en transmettant des messages que les deux frères s'envoient pour se faire des reproches. Les dialogues, toujours organiques, sont réduits à leur portion congrue, la musique est quasi absente de la bande sonore pour mieux faire entendre le vent glacial que l'on ressent profondément (là, c'est très réussi).

Une fois que le récit a bien fait le tour de leur aversion réciproque, le drame se met en mouvement. Le bélier victorieux du frère aîné est malade et menace de contaminer non seulement les autres bêtes des deux fermes mais aussi tous ceux de la vallée. Le drame est moins la maladie que le fait que ces moutons, béliers et brebis sont d'une race locale qui risque d'être exterminée. La fable écologique est touchante et forte tout autant que le désespoir des deux frères qui vont petit à petit tenter de se rabibocher pour trouver une solution à cette disparition programmée.

Le film se poursuit avec un sens aigu du suspense quand les autorités sanitaires viennent vérifier que les animaux ont été abattus et que la ferme a été nettoyée. C'est Kafka en Islande avec son lot de décisions impitoyables, son administration aveugle et ses agents qui surgissent de nulle part. Là, on ressent la douleur des deux frangins, un douleur viscérale et térébrante, car finalement s'ils n'ont plus de moutons à élever, eux aussi vont disparaître de ce grandiose paysage islandais, absorbés par des forces qu'ils ne contrôlent pas.

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