Béliers
est un film assez sympathique mais un peu fourre-tout avec pas mal de
thèmes dans l'air du temps. Le jeune cinéaste islandais Grímur
Hákonarson (peu de films viennent d'Islande, une bonne raison
d'aller le voir) filme la campagne avec un format très large. Pas de
d'arbres, des collines noires et deux fermes blanches dans lesquelles
habitent deux frères. Ce paysage désertique est le nouvel exotisme,
non pas celui de la pampa comme chez le cinéaste argentin Carlos
Sorin (auquel on pense beaucoup devant Béliers) , mais
boréal. Le cinéaste filme sans joliesse son immense cadre pour
accentuer l'effet de réalisme. On a envie d'y aller en vacances pour
se balader mais pas d'y vivre.
Les
deux frères, bons gros gars robustes à la barbe fournie, habitent
là tous les jours. Ils sont voisins mais ne se parlent plus depuis
des années. Il se côtoient quand ils vont au village participer au
concours du plus beau bélier. La solitude due à l'isolement est le
deuxième motif du film. Tous deux sont restés célibataires. Leurs
occupations sont maigres : s'occuper des moutons qu'ils élèvent
dans leur ferme respective, boire de l'alcool pour rester au chaud et
les puzzles. Il ne sera jamais vraiment indiqué la raison de leur
fâcherie (option scénaristique de garder du mystère), mais il est
fait allusion à un héritage familial mal digéré.
Le
thème de l'incommunicabilité est propice à l'une des rares scènes
amusantes du film qui tire quand même bien la gueule malgré une
affiche française à la limite de l'arnaque publicitaire (pas celle
qui est ci-dessus). Le chien d'un des frères (à moins qu'ils se le
partagent, mystère) se fait pigeon voyageur en transmettant des
messages que les deux frères s'envoient pour se faire des reproches.
Les dialogues, toujours organiques, sont réduits à leur portion
congrue, la musique est quasi absente de la bande sonore pour mieux
faire entendre le vent glacial que l'on ressent profondément (là,
c'est très réussi).
Une
fois que le récit a bien fait le tour de leur aversion réciproque,
le drame se met en mouvement. Le bélier victorieux du frère aîné
est malade et menace de contaminer non seulement les autres bêtes
des deux fermes mais aussi tous ceux de la vallée. Le drame est
moins la maladie que le fait que ces moutons, béliers et brebis sont
d'une race locale qui risque d'être exterminée. La fable écologique
est touchante et forte tout autant que le désespoir des deux frères
qui vont petit à petit tenter de se rabibocher pour trouver une
solution à cette disparition programmée.
Le
film se poursuit avec un sens aigu du suspense quand les autorités
sanitaires viennent vérifier que les animaux ont été abattus et
que la ferme a été nettoyée. C'est Kafka en Islande avec son lot
de décisions impitoyables, son administration aveugle et ses agents
qui surgissent de nulle part. Là, on ressent la douleur des deux
frangins, un douleur viscérale et térébrante, car finalement s'ils
n'ont plus de moutons à élever, eux aussi vont disparaître de ce
grandiose paysage islandais, absorbés par des forces qu'ils ne
contrôlent pas.
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