Le
premier film de Steven Spielberg que j'ai vu au cinéma était
Indiana Jones et la dernière croisade en 1989. C'était
l'histoire d'un homme en conflit avec son père qui traverse la
planète pour empêcher des ennemis de l'Amérique de devenir
immortels. 26 ans plus tard, Le Pont des espions raconte
l'histoire d'un homme en conflit avec sa patrie qui traverse
l'Atlantique pour empêcher des ennemis de l'Amérique de déclencher
la guerre. Ou à peu près. Il paraît que les frères Coen sont
scénaristes de ce film mais leur nom apparaît après celui d'un
certain Matt Charman. Peu importe, le récit spielbergien suit la
plupart du temps le même modèle, celui de l'engagement à la
Tintin.
Donovan,
l'avocat d'assurances que joue placidement et en bon père de famille
Tom Hanks, n'est ni Indiana Jones ni Tintin quand il débarque dans
le récit. L'histoire a déjà commencé bien avant son arrivée et,
comme tout héros spielbergien, il subit le récit sans en être
jamais le moteur. Donovan est celui qui fait la connexion entre les
autres. C'est lui qui est le pont entre les espions soviétiques,
américains et est-allemands qui peuplent ce foisonnant récit sur un
moment charnière de la guerre froide. Son cabinet le désigne pour
défendre Abel, un espion à la solde de l'URSS à la demande du FBI,
la CIA le conseille quand il se rend à Berlin en 1961.
Plus
que jamais, la famille au sens large du terme, est le motif central
du film de Steven Spielbrg. Donovan mène jusque là une vie bien
pépère avec son épouse, leurs deux filles et leur fils. Ce dernier
ressort complètement paranoïaque après avoir vu en classe un film
de la propagande américaine sur les bombes atomiques. Puis, il
accusera son père d'être devenu communiste en défendant cet espion
rouge. La rue et l'opinion publique harcèlent les Donovan jusque
chez eux. Leur maison devient un camp retranché. Pour Donovan, comme
il le dit à l'agent de la CIA, c'est surtout sa Patrie, protégée
par la Constitution, qui est sa famille.
Quand
il se retrouve à Berlin Est, Donovan fait la connaissance de la
famille d'Abel, famille créée par le KGB pour le piéger. C'est
l'un des moments comiques qui arrive juste après des
scènes angoissantes où l'avocat traverse la ville en proie à la
guerre froide et découvre l'horreur du mur. Ce mur brise les amours naissantes, dont celles d'un
jeune Américain amoureux d'une Berlinoise de l'est. La scène est un
peu balourde et le cinéaste s'intéresse moins au sort de ce
personnage comme de celui du pilote d'avion engagé par le FBI pour
espionner l'URSS. Donovan veut pourtant réunir tous les enfants de
sa Patrie, défiant l'agent de la CIA qui ne s'intéresse qu'au
pilote.
C'est
bien volontairement que je ne raconte pas les ressorts dramatiques du
récit, même s'il est inspiré de faits réels, Steven
Spielberg mène admirablement le suspense d'une complexité jouissive
pour le spectateur. Le film offre un superbe hommage au cinéma de
Stanley Kubrick dans une courte séquence, celle où le pilote de la
CIA est abattu par la DCA soviétique. Pastichant à la fois Dr.
Folamour (le pilote chevauche l'avion qui tombe, la menace d'une
guerre totale) et 2001 l'odyssée de l'espace (la machine
détraquée, les reflets sur le casque), cette séquence de quelques
minutes mérite à elle seule d'aller voir Le Pont des espions.
1 commentaire:
Très beau film sur la responsabilité individuel, l'intégrité et la
conviction. Spielberg se fait l'héritier du cinéma classique
américain, où le récit est celui d'une nation autant que d'un
individu. La manière dont il accorde une importance
primordiale à ce qui passe entre deux personnes face à face
est particulièrement touchante, surtout dans un récit
d'espionnage où le cinéma nous a habitué à une prolifération
technologique en guise d'absolu des échanges humains.
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