mardi 1 janvier 2019

L'Homme tranquille (John Ford, 1952)

Inisfree. La route d'Inisfree ? « Vous voyez cette route ? Ce n'est pas la bonne. » « Vous cherchez à pécher la truite ou le saumon ? » L'arrivée d'un train en gare de Castletown est rarement suivie de la venue d'un Américain mais ce jour-là Sean Thorton (John Wayne) débarque avec ses bagages. Cela questionne le chef de gare, le contrôleur et les deux cheminots ainsi qu'une femme du coin ne comprennent pas pourquoi ce grand costaud veut venir à Inisfree, qui plus est sans avoir envie de taquiner le poisson. Ils pensent qu'il s'est forcément trompé et tentent de lui indiquer où il serait bien mieux qu'à Inifree.

La scène d'ouverture de L'Homme tranquille annonce immédiatement le ton comique du film, un ton joyeux dont ne se départira pas le récit même dans ses moments les plus dramatiques. L'Homme tranquille est une belle comédie du mariage entre un solide Américaine, ancien boxeur revenu au pays natal dans cet Inisfree qu'il n'a jamais connu et une belle rousse à moitié sauvage qu'il découvre en train de garder les moutons. Le regard de Sean et de Mary Kate Danaher (Maureen O'Hara) dans la campagne irlandaise et le spectateur sait immédiatement que ces deux-là sont faits pour vivre ensemble. Même les personnages le savent.

La rigoureuse construction de L'Homme tranquille (un chapitre par bobine de film, soit toutes les vingt minutes environ) commence avec la voix off du prêtre du coin, le Père Peter Lonergan (Ward Bond). Le tout premier chapitre de la gare de Castletown à Inisfree se fait sur la calèche d'un sacré bon bougre, une sorte de lutin malicieux, le dénommé Michaleen Oge Flynn (Barry Fitzgerald). La passion du curé est la pèche à la ligne, celle de Flynn est la boisson alcoolisée. Ce trajet permet de découvrir à peu près tous les protagonistes mais surtout dresse la topographie du coin, ce sera essentiel pour la dernière partie du film, summum du cinéma de John Ford.

C'est sous le regard conjoint de Flynn et du Père Lonergan que Thorton et Mary Kate tombent amoureux l'un de l'autre. Mais les éléments ne sont pas avec eux. Celui qui s'oppose à Mary Kate est le vent qui dévoile ses longs cheveux roux, expression de son tempérament de feu. Le vent souffle sur elle avec furie comme la pluie tombera sur Sean le jour où il va demander en mariage Mary Kate à son grand frère, le tonitruant Will Danaher (Victor McLaglen). Mais le frangin refuse ces fiançailles pour une raison très simple : Sean a racheté la maison de son enfance à la veuve Tillane (Mildred Natwick).

A vrai dire, Will danaher apparaît comme l'unique personnage du film à ne pas avoir compris que sa sœur et Sean vont terminer ensemble, doivent vivre tous les deux en couple. Cela emmène à l'un des plus délicieux complot du cinéma, celui de la course de chevaux et des chapeaux. Tout Inisfree, ou presque, manigance pour que Will Danaher ne puisse pas s'opposer aux fiançailles, seul le curé a du mal avec ce plan et ces petits mensonges. Ce grand balourd tombe dans le piège car il voit surtout son propre intérêt. Cette petite manigance a pour but de faire avancer l'inéluctable et aussi l'improbable puisque cela concerne aussi la vie matrimoniale de Will Danaher.

Tout semble rouler, les fiançailles vont enfin avoir lieu mais le grand frère Danaher s'est rendu compte qu'il s'est fait rouler. Il refuse de donner l'argent de la dot de Mary Kate. C'est un certain poids des traditions irlandaises que décrit John Ford. Cela avait commencé avec la parade pour faire la cour, sur la calèche de Flynn, des moments volontairement ridicules pour Sean qui se voit opposer une fin de non recevoir quand il veut accélérer sa séduction. « En Amérique, ça va plus vite » dit Sean ce qui à quoi Flynn rétorque avec dégoût que pour lui l'Amérique c'est la prohibition, une abomination la prohibition.

J'évoquais le trajet entre la gare et Inisfree plus haut, le film touche au sublime avec ce double trajet effectué par nos deux tourtereaux. C'est d'abord Sean qui fait le trajet seul après que Mary Kate l'a laissé en plan. Pourtant cette journée devait bien se dérouler. Sean venait d'offrir une voiture à un cheval à son épouse mais ils se fâchent. Il rentre à pied (5 miles quand même), elle rentre en calèche et s'arrête en bord de route pour discuter avec le curé, le pauvre il est dérangé dans une partie de pèche, il a enfin retrouvé la trace de ce saumon qu'il rêve d'attraper depuis 8 années. Mais le devoir l'appelle et ses ouilles surtout.


Le deuxième trajet en fin de film est génial. Cette fois Mary Kate a fui, elle veut filer en train à Dublin. Dans la gare on retrouve les mêmes qu'en début de film. Sean vient récupérer sa femme, ils vont faire les 5 miles main dans la main au son de la comptine Mitty Matty had a hen, reprise ici en instrumental, le morceau va crescendo au fur et à mesure que le village suit le couple. Une séquence sans dialogue, du pur burlesque, de l'émotion enivrante, de l'amour éperdu jusqu'à la réplique finale. Un film idéal pour commencer l'année. Il faut maintenant espérer qu'il sera bientôt réédité en vidéo parce que le DVD date de 1999 et qu'il ne rend pas du tout justice au film.



































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