jeudi 3 janvier 2019

Les Aventuriers de l'Arche perdue (Steven Spielberg, 1981)

Je crois que Les Aventuriers de l'Arche perdue est l'un des films que j'ai le plus vu dans ma vie, depuis 35 ans, bref depuis qu'il passe à la télé (je ne l'ai pas découvert au cinéma contrairement à La Dernière croisade). Le film passait en français, bien-sûr, avec cette voix nasillarde que Francis Lax donnait à Harrison Ford, histoire de le faire passer pour un semi-demeuré, ce qui contredisait ce que l'on voyait à l'écran dans la salle de classe d'Indiana Jones avec ces jeunes filles en pâmoison devant lui. L'une des étudiantes de son cours d'archéologie avait écrit sur ses paupières « Love You ».

Ce cours il le donne, dans le milieu des années 1930, en costume marron, nœud papillon et lunettes cerclées d'or. Petit sourire timide devant cette classe de harpies prêtes à tout. L'ouverture des Aventuriers de l'Arche perdue montre un tout autre Indiana Jones, tenue quasi militaire, chapeau et fouet, mais surtout tout en sueur, les yeux exorbités par la tâche qu'il est en train d'accomplir. Qu'il soit poursuivi par des étudiantes ou qu'il chasse des antiquités, Indiana Jones ne prend jamais de repos. C'est sur ce rythme effréné que fonctionne le film.

En 1981, l'action prenait cependant son temps, la longue séquence d'ouverture puis la première mission en Asie sont longues, elle décrivent des personnages plus que des situations. La recherche de la statuette dorée est sous le signe des aventures de Tintin (sans Milou) entre Vol 714 pour Sidney (les longs couloirs dans ces grottes mystérieuses ornées de statues) et Le Temple du soleil, Indiana Jones débute ses tribulations en Amérique centrale. La statuette appartient à une peuplade primitive qui défend son objet du culte.

L'une des idées de Steven Spielberg est de patienter pour montrer le visage de son héros, on découvre ses deux guides (dont Alfred Molina très jeune), la forêt vierge, les flèches empoisonnées des indigènes. Il faut quelques minutes pour croiser Indiana Jones en entier, histoire de faire patienter et de ne pas confondre l'archéologue avec Han Solo. C'est la panoplie qui est d'abord montrée pour se familiariser avec ce personnage, le fouet, le chapeau et la musique entraînante de John Williams, un air qui va crescendo tel un hymne.

L'ennemi n'est pas cette peuplade indienne, elle est manipulée par Belloq (Paul Freeman), un chasseur de trésors, un Français hautain et méprisable mais toujours très bien habillé, même dans la jungle. On ne se refait pas. On se demande bien comment il fait pour ne pas transpirer, ce sera l'apanage des crapules dans le film. On reconnaît les méchants à leur sang froid, un sang de serpent, l'animal que déteste par dessus tout Indiana Jones. Les héros positifs auxquels on s'attache ont le sang chaud, leur caractère est impulsif.

Cette dichotomie est poussée à son paroxysme lors du court séjour au fin fonds du Népal. Indiana Jones doit aller chercher un médaillon avant que les nazis s'en emparent. Là encore, Steven Spielberg prend son temps pour présenter le tableau. Une auberge insalubre, des poivrots attablés et une bataille d'eau de vie. De chaque côté de la table, on soulève lentement un verre de liqueur, on l'enfile, on pose le verre. Qui gagne ? Une jeune femme, elle est habillée en garçon, pantalon et veste, le pendant féminin d'Indiana Jones.

C'est que c'est deux-là se connaissent depuis des années. Il était le meilleur élève de son père et elle était sa petite amie, mais l'attrait des antiquités est plus fort que la bagatelle. Marion (Karen Allen) possède ce médaillon mais n'est pas prête de le donner à Indiana Jones. Quand son ombre apparaît sur le mur de l'auberge, tel un personnage d'un film d'aventure de Michael Curtiz, sa signature visuelle lorsqu'il travaillait pour la Warner, elle sait que les ennuis vont commencer. C'est ainsi qu'enfin cette lutte contre le Mal va commencer.

Le Mal débarque aussi dans l'auberge. Il porte un chapeau comme Indiana Jones, en revanche il revêt un costume bien repassé, c'est le signe de sa malfaisance. L'ignoble nazi s'appelle Toht (Ronald Lacey), un être visqueux et gluant comme un serpent. Forcément, Indiana Jones va le détester. Je remarquais dans mon texte sur Qui veut la peau de Roger Rabbit la ressemblance entre Toht (qui se prononce comme Tod, la mort en allemand) et Doom le méchant incarné par Christopher Lloyd. Tel est le hideux visage du Mal dans l'univers spielbergien.

Leur mort n'est pas si différente, la peau de leur visage fond de la même manière, dans un mélange dégoulinant et peu ragoutant. Pas de trempette chez Steven Spielberg, mais la colère divine, rien que ça, car quand il s'attaque aux nazis, le cinéaste passe soit par l'humiliation (1941) soit par la vengeance divine, ici et dans La Dernière croisade. Face à un régiment, Indiana Jones est aisé par Sallah (John Rhys-Davies), son ami égyptien qui l'aidera à retrouver cette arche de l'alliance enfoui dans une sépulture de pharaon.


C'est avec Sallah que le film s'éloigne le plus possible à la fois du film d'action basique (les gentils contre les méchants) et du film biblique (on fait pas chier Dieu impunément). Sallah apporte le supplément comique nécessaire pour faire passer les innombrables incohérences du récit, le prêchi-prêcha intrinsèque au cinéma de Spielberg et l'agacement devant le personnage de Marion dont l'impulsivité me lasse quelques fois. Ceci étant, je continue de regarder le film, pas plus tard que hier d'ailleurs.






























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