L'enfer
c'est une prison pour femmes à Rome. Sauf dans le premier et le
dernier plans quand un panier à salade emmène les prisonnières
devant la porte d'entrée, tout est filmé dans les cellules de cette
prison tenue par des religieuses et aidées par des femmes à
l'allure patibulaire. Quand commence L'Enfer dans la ville,
Lina (Giulietta Masina) commence sa nouvelle vie, elle n'était
jamais allée en prison de sa vie et elle ne comprend pas pourquoi
elle est là.
Affolée,
la voilà plongée dans un univers dont elle ne maîtrise pas les
codes. Giulietta Masina est parfaite pour ce rôle d'ingénue, son
petit visage rond sans cesse étonné de ce qu'elle découvre. Pour
moi, c'est la première fois que je vois l'actrice hors d'un film de
Federico Fellini. Frêle comme toujours, elle paraît comme un petit
oiseau échappé de sa cage et en proie à d'autres oiseaux plus
imposants qu'elle.
C'est
justement Egle (Anna Magnani), au prénom prédestiné qui règne sur
le couloir de la prison. Lina se retrouve dans sa cellule et va bien
devoir apprendre à vivre en communauté puisque les femmes sont à
cinq ou six dans la même pièce. Le film se veut d'abord une vision
réaliste de la prison en Italie en 1959, il est décrit une vie
faite de promiscuité, les lits doivent être pliés la journée pour
circuler, le café se prépare avec des feuilles de journal.
Anna
Magnani offre une prestation incroyable faite d'une énergie
phénoménale. Dans sa petite robe noire elle est la Reine des
geôles, elle domine les lieux, elle contrôle les filles, elle défie
les mâtones. Personne ne détermine sa façon de vivre si ce n'est
elle, elle dort la nuit et vit le jour sans ce soucier de réveiller
les autres, elle chante, elle insulte la surnommée Moby Dick, la
grosse bonne femme qui semble la seule à un peu la défier.
Derrière
ce caractère bien trempé, Egle a pourtant le secret espoir de faire
le bien, de faire en sorte que celle qui entre pour la première fois
en prison n'y revienne pas. Ainsi, Lina apprend à se codétenues
qu'elle a pris pour son amoureux, un certain Adonis (Alberto Sordi,
dans une courte scène où il incarne superbement un gros lâche) et
s'est laissée accuser de vols dans la maison de ses patrons, des
bourgeois de Rome.
Egle
prend sous son aile Lina mais la houspille, essaie de lui faire
comprendre qu'elle est le dindon de la farce, mais laisse entendre
aussi qu'elle ne doit pas moucharder cet Adonis de pacotille (quel
choix de prénom ridicule, il s'appelle en vérité Antonio). Bref
Egle secoue Lina pour qu'elle apprenne à vivre enfin, qu'elle quitte
ses petits boulots pas même payés 20000 lires (ça devait pas être
beaucoup il y a 60 ans).
Le
film ne veut pas être un film féministe mais avec cette
distribution 100% féminine, c'est toute une société de marginales
qui est représentée. Les détenues s'organisent comme une famille,
une société à part et Lina doit trouver sa place dans cette
famille. Effectivement Lina changera, elle reprendra confiance en
elle. Peut-être trop, elle ne dénoncera pas cet Antonio mais fera
tout son possible pour être libérée quitte à laisser ses nouvelle
amies.
Les
récits secondaires de plusieurs autres femmes entrent en jeu. La
Comtesse qui vole tout le monde. La jeune Marietta qui s'amourache
d'une ombre, un homme qu'elle observe grâce à un petit miroir.
Assunta qui rêve de revoir ses enfants. Et Moby Dick et d'autres
encore. L'Enfer dans la ville est ressorti en salles 60 ans
après sa réalisation, il est filmé en format scope ce qui accentue
l'idée de l'enfermement de ces femmes italiennes.
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