« Vous
pouvez pas la laisser mourir en silence ? » La requête
d'Armin (Hans Löw) est un peu impérative, elle sonne comme un ordre
quand la nouvelle compagne de son père suggère qu'on mette un CD de
Mozart pour accompagner la grand-mère moribonde. Le silence est le
maître mot de In my room et avec lui la solitude, l'un ne va
pas sans l'autre. Cette scène apparaît dans la première demi-heure
du film mais le silence, en l'occurrence l'absence de paroles, était
déjà à l’œuvre dès le début du film.
Armin
est cameraman pour une chaîne de télé locale. Ce que les premières
minutes montrent est ce qu'il a filmé lors d'un congrès politique.
Soit la caméra qui se balade dans les mains d'Armin, cherche la
personne à interviewer. Cut. Retour sur l'interviewé. Le couillon
éteignait chaque fois sa caméra, confondant ON et OFF. Derrière
l'effet comique se cache non seulement la gaucherie du personnage
mais aussi un petit clin d’œil à la langue de bois des
politiques : finalement qu'ils soient du SPD ou de l'extrême
gauche, ils ne disent rien.
Les
40 minutes qui suivent montrent un personnage un peu minable mais
sympathique, un gentil maladroit (il ne sait pas draguer), un grand
dadais (il n'est pas franchement sexy dans son boxer gris), un fiston
aimant (il vient visiter sa grand-mère qui vit chez son père). Il
traîne son grand corps dans sa petite voiture et navigue entre son
studio et sa chambre d'adolescent dans une maison pavillonnaire. In
my room est alors une fiction en slow motion très cinéma
d'auteur européen qui peut se résumer à une chronique du
quotidien.
Le
film démarre après une nuit de sommeil. Armin se réveille seul au
monde, plus personne n'habite le Monde. Seul le cadavre de sa
grand-mères reste visible. La découverte du vide commence chez son
père, chez le voisin, dans la rue, dans le magasin et ensuite le
reste de la ville. Plus Armin avance au volant de sa bagnole, plus il
découvre l'absence des autres. Les véhicules sont laissés à
l'abandon, au milieu des rues et des routes, voilà comment passe la
fin du monde dans In my room. Il s'enfuit en Lamborghini non
sans avoir incinérer sa grand-mère.
Les
effets n'ont rien de spéciaux, c'est au contraire le quotidien qui
détermine cette fin du monde et les changements radicaux qu'elle
impose : plus rien de ce que l'humain faisait fonctionner n'est
disponible : eau, gaz, électricité et la bouffe. Tout
disparaît en même temps que l'homme, car Armin constate assez vite
la dépendance extrême à la société qu'on qualifiera de
consommation. Alors, il décide de tout réapprendre, en silence, et
paradoxalement loin de la ville alors qu'il est tout seul, tentant de
recréer gentiment sa vie.
In
my room propose un jeu pour cinéphiles : voir ce que le
cinéaste allemand supprime de son film pour ne pas ressembler à un
film apocalyptique hollywoodien, dont l'exemple le plus raté serait
Sans un bruit de John Krasinki qui joue précisément sur le
silence mais dans une ambition angoissante. Dans In my room,
le silence est ce qui est rassurant, en tout cas pour Armin, le
silence n'existe évidemment pas, on entend les grillons, le vent,
l'écho d'animaux mais aussi son groupe électrogène qu'Armin
cherche à supprimer en construisant un moulin à eau.
Un
film où on entend une chanson des Pet Shop Boys ne peut pas être un
mauvais film. La musique prend alors une place dangereuse, comme
Mozart à faire écouter avant de mourir. La musique arrive quand
débarque là une femme (Elena Radonicich) et pour Armin tout est à
recommencer, l'amour, le langage, la civilisation, sans qu'on sache
vraiment s'il en a vraiment envie, il va apprendre à danser devant
un gros camion (de la marque Man, remarque-t-on) qui éclaire la
scène, belle scène mélancolique et libératoire.
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