mardi 22 janvier 2019

In my room (Ulrich Köhler, 2018)


« Vous pouvez pas la laisser mourir en silence ? » La requête d'Armin (Hans Löw) est un peu impérative, elle sonne comme un ordre quand la nouvelle compagne de son père suggère qu'on mette un CD de Mozart pour accompagner la grand-mère moribonde. Le silence est le maître mot de In my room et avec lui la solitude, l'un ne va pas sans l'autre. Cette scène apparaît dans la première demi-heure du film mais le silence, en l'occurrence l'absence de paroles, était déjà à l’œuvre dès le début du film.

Armin est cameraman pour une chaîne de télé locale. Ce que les premières minutes montrent est ce qu'il a filmé lors d'un congrès politique. Soit la caméra qui se balade dans les mains d'Armin, cherche la personne à interviewer. Cut. Retour sur l'interviewé. Le couillon éteignait chaque fois sa caméra, confondant ON et OFF. Derrière l'effet comique se cache non seulement la gaucherie du personnage mais aussi un petit clin d’œil à la langue de bois des politiques : finalement qu'ils soient du SPD ou de l'extrême gauche, ils ne disent rien.

Les 40 minutes qui suivent montrent un personnage un peu minable mais sympathique, un gentil maladroit (il ne sait pas draguer), un grand dadais (il n'est pas franchement sexy dans son boxer gris), un fiston aimant (il vient visiter sa grand-mère qui vit chez son père). Il traîne son grand corps dans sa petite voiture et navigue entre son studio et sa chambre d'adolescent dans une maison pavillonnaire. In my room est alors une fiction en slow motion très cinéma d'auteur européen qui peut se résumer à une chronique du quotidien.

Le film démarre après une nuit de sommeil. Armin se réveille seul au monde, plus personne n'habite le Monde. Seul le cadavre de sa grand-mères reste visible. La découverte du vide commence chez son père, chez le voisin, dans la rue, dans le magasin et ensuite le reste de la ville. Plus Armin avance au volant de sa bagnole, plus il découvre l'absence des autres. Les véhicules sont laissés à l'abandon, au milieu des rues et des routes, voilà comment passe la fin du monde dans In my room. Il s'enfuit en Lamborghini non sans avoir incinérer sa grand-mère.

Les effets n'ont rien de spéciaux, c'est au contraire le quotidien qui détermine cette fin du monde et les changements radicaux qu'elle impose : plus rien de ce que l'humain faisait fonctionner n'est disponible : eau, gaz, électricité et la bouffe. Tout disparaît en même temps que l'homme, car Armin constate assez vite la dépendance extrême à la société qu'on qualifiera de consommation. Alors, il décide de tout réapprendre, en silence, et paradoxalement loin de la ville alors qu'il est tout seul, tentant de recréer gentiment sa vie.

In my room propose un jeu pour cinéphiles : voir ce que le cinéaste allemand supprime de son film pour ne pas ressembler à un film apocalyptique hollywoodien, dont l'exemple le plus raté serait Sans un bruit de John Krasinki qui joue précisément sur le silence mais dans une ambition angoissante. Dans In my room, le silence est ce qui est rassurant, en tout cas pour Armin, le silence n'existe évidemment pas, on entend les grillons, le vent, l'écho d'animaux mais aussi son groupe électrogène qu'Armin cherche à supprimer en construisant un moulin à eau.

Un film où on entend une chanson des Pet Shop Boys ne peut pas être un mauvais film. La musique prend alors une place dangereuse, comme Mozart à faire écouter avant de mourir. La musique arrive quand débarque là une femme (Elena Radonicich) et pour Armin tout est à recommencer, l'amour, le langage, la civilisation, sans qu'on sache vraiment s'il en a vraiment envie, il va apprendre à danser devant un gros camion (de la marque Man, remarque-t-on) qui éclaire la scène, belle scène mélancolique et libératoire.

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