Je m'étais bien gardé d'aller voir le précédent film de Clint Eastwood, celui sur
le train avec les trois Américains, je ne sais même pas si un seul
de mes amis cinéphiles avait aimé le film. Peu importe. A 88 ans et
demi, Clint Eastwood revient devant la caméra, ça faisait un bail.
Il est Earl Stone, fringant et célèbre horticulteur, portant une
beau chapeau Panama et un chouette costume. Il se paie le luxe de
commencer son film au milieu des fleurs en 2005, dans un court
flash-back, il terminera son film autour des fleurs, des lis qui ne
fleurissent qu'une seule journée.
Pour
tout dire, ce début laisse craindre le pire, un horticulteur qui ne
pense qu'à ses plantes et pas à sa famille, un congrès où il se
rend plutôt que d'aller au mariage de sa fille, une rupture avec sa
famille pour cause d'égoïsme profond. Et 12 ans plus tard, en 2017,
aux fiançailles de sa petite fille, il fait la rencontre avec un
jeune gars qui lui propose un job, parce que Earl Stone, depuis le
temps n'a pas pris en compte la modernité (« internet, ça
marchera jamais ») et que son entreprise a fait faillite.
Heureux hasard, n'est-ce pas ?
Certes,
ces précautions narratives sur les « motivations » du
vieil Earl sont légitimes mais on s'en fout un peu, ce qui étonne
dans La Mule est le calme olympien, l'extrême douceur qui règnent dans toute la
première heure. J'en suis même venu à me demander devant tant
d'évidence de mise en scène et d'incarnation si Clint Eastwood ne
rêvait pas avec ce dernier film à faire une variation de comédie
musicale. Clint au volant de sa bagnole passe son temps à chanter
tandis qu'il traverse les USA, du Texas à Chicago. Il passe du jazz
au musical en passant par la country grass. C'est très beau.
Ces
moments chantés sont les plus agréables du film. C'est d'autant
plus remarquable qu'il est suivi par deux jeunes Mexicains qui sont
là pour le surveiller parce qu'il faut bien le dire, le grand patron
(Andy Garcia) préfère s'assurer que tout se passe bien. Il envoie
l'un de ses neveux, Julio (Ignacio Serrichio) le suivre dans ces
longs trajets. Julio se prend pour une petite frappe et il faut voir
Earl lui répondre comme un père gronde son fiston prétentieux. Au
fur et à mesure, on voit ces « suiveurs » commencer à
fredonner les chansons qu'entonne Earl dans un joyeux et communicatif
écho.
La
famille est l'un des thèmes de La Mule et cette relation
entre Earl et Julio, comme avec tous les autres membres du cartel, ne
serait-ce qu'en début de film, est l'un des atouts majeurs du film.
Il se déploie une belle camaraderie très paradoxale, car le
tempérament de Earl n'est pas un homme social, il accepte bien
volontiers d'aider son prochain mais ne possède pas le langage
social comme le montre cette séquence au milieu du désert où il
aide un jeune couple, leur voiture a un pneu crevé. Il aide avec le
sourire mais ses mots heurtent. Il n'a pas de filtre, m'enfin, il est
Clint Eastwood.
Avec
la mort de Sondra Locke à la fin de l'année dernière où il était
rappelé les rapports complexes que le cinéaste Clint Eastwood
entretient avec sa famille, il est aisé de faire le lien entre Clint
et Earl. La fille de Earl, Iris est jouée par Alison Eastwood. On
sait, sans révéler de secrets, que Clint Eastwood n'est pas le père
de famille parfait et dans le film il semble vouloir parler de cela,
sans s'excuser le moins du monde, mais expliquer que sa passion
(l'horticulture ici, le cinéma là) passait avant sa famille.
La
deuxième heure tend vers un tout autre ton. Clint Eastwood retrouve
Bradley Cooper après l'excellent American sniper. Son
personnage, qui forme un duo avec Michael Peña (pour une fois pas
dans un rpole comique, tant mieux), est là dès le début du film,
deux flics de la DEA qui cherche à mettre fin à un cartel. La
douceur de la première heure cède le pas à un film policier sec
comme un coup de trique et on se prend à rêver que tous les Sicario
du monde qui sortent régulièrement à Hollywood soient aussi bien
construits et façonnés que La Mule.
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