mercredi 30 janvier 2019

La Zizanie (Claude Zidi, 1978)

La Zizanie est l'un des rares cas dans la carrière de Louis de Funès où son univers comique est confronté à une femme, jadis Bourvil, Montand, Galabru, Coluche, le voici face à Annie Girardot mais dans un couple. Contrairement à son habitude, Guillaume Daubray-Lacaze tutoie son épouse Bernadette. Ça m'étonnait toujours dans Les Aventures de Rabbi Jacob que Louis de Funès vouvoie Suzy Delair, Monsieur et Madame Pivert. On a beau se tutoyer, on dort dans des lits séparés, mais cela entrera dans la fabrication du comique de La Zizanie.

Cette intimité qu'a le couple Daubray-Lacaze (d'ailleurs lui est Daubray, elle Lacaze entend-on lors de l'élection), cette complicité va être mise à mal par la crise économique. Finies les années glorieuses de l'ère Pompidou dont Claude Zidi se moquait dans ses films avec les Charlots, voici désormais la mondialisation. Pour vendre sa camelote, soit un robot qui doit dépolluer, Daubray crée dans sa commune, un bon bourg dont il est le maire, une pollution intense. Il fait cramer des pneus dans son usine pour montrer à ses clients combien ses machines fonctionnent bien.

Les clients sont Japonais, on enfile deux trois clichés (sur leur manie de prendre des photos de tout). Dans L'Aile ou la cuisse, Louis de Funès critique culinaire découvrait la cuisine japonaise, dans La Zizanie, Annie Girardot ainsi que sa cuisinière se grime en geisha et on mange japonais, histoire de bien amadouer ces clients potentiels. Certes Guillaume n'est pas ravi que le repas éclipse la signature des contrats, mais il a sa parade. Au lieu du saké, il fait boire du calvados au moment du trou normand « cul sec » crie Annie Girardot avec sa voix stridente.

Cette voix si particulière de l'actrice est l'atout comique de La Zizanie. Louis de Funès en fait certes des tonnes mais Annie Girardot pour donner dans le ton n'est pas mal non plus. Ses variations vocales vont de la plus grande douceur, dans la chambre à coucher elle doit calmer son époux stressé « tu n'as qu'à compter tes ouvriers », au hurlement sec « sabotage » quand son époux de maire pense pouvoir l'empêcher de se présenter aux municipales en prétendant ne plus avoir de formulaire pour les candidats.

Comme dans L'Aile ou la cuisse, Julien Guiomar joue le trouble-fête dans La Zizanie. J'adore son rôle de médecin écolo avec son petit air pincé. Il débarque chez les Daubeay-Lacaze en cheval, récupère le crottin pour le jardin de Bernadette. Elle a deux jardins, un potager et une serre tropicale. Elle consacre beaucoup de son temps à ces jardins. Le film hume l'air du temps, l'écologie qui commence lentement mais sûrement à arriver dans les esprits. Bernadette, avec le médecin, se présente aux élections sous cette étiquette « défense de la nature ».

Elle ne rêve que de calme et d'espace, il n'aime rien d'autre que l'agitation et la foule. Il conspue la défense de la nature et réclame « le plein emploi » au risque de foutre en l'air son couple. La maison est occupée par la fabrication de sa nouvelle machine. L'anniversaire du mariage, les nuits (désormais dans des lits superposés), les jardins sont envahis par les machines pour un travail à la chaîne. Guillaume est ravi, il complote dans le dos de sa femme avec son larbin (Maurice Risch) à qui il demande de saboter tout ce à quoi tient Bernadette.


Depuis 40 ans que je regarde La Zizanie, je n'ai pas encore bien pu décider si le film soutenait Bernadette l'écologiste ou Guillaume l'industriel, un peu des deux. Le maire en prend un peu pour son grade dans la scène du bal à l'hôtel Au lion d'or. Louis de Funès porte un masque de lui-même et se fait imiter par un type sur scène. En revanche, Julien Guiomar reste, avec un génie incomparable, l'enquiquineur parfait. Moins ordure que Tricatel mais moins truculent que dans son film de Philippe de Broca avec Jean-Paul Belmondo, L'Incorrigible.




















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