La
Zizanie est l'un des rares cas
dans la carrière de Louis de Funès où son univers comique est
confronté à une femme, jadis Bourvil, Montand, Galabru, Coluche, le
voici face à Annie Girardot mais dans un couple. Contrairement à
son habitude, Guillaume Daubray-Lacaze tutoie son épouse Bernadette.
Ça m'étonnait toujours dans Les
Aventures de Rabbi Jacob que
Louis de Funès vouvoie Suzy Delair, Monsieur et Madame Pivert. On a
beau se tutoyer, on dort dans des lits séparés, mais cela entrera
dans la fabrication du comique de La
Zizanie.
Cette
intimité qu'a le couple Daubray-Lacaze (d'ailleurs lui est Daubray,
elle Lacaze entend-on lors de l'élection), cette complicité va être
mise à mal par la crise économique. Finies les années glorieuses
de l'ère Pompidou dont Claude Zidi se moquait dans ses films avec
les Charlots, voici désormais la mondialisation. Pour vendre sa
camelote, soit un robot qui doit dépolluer, Daubray crée dans sa
commune, un bon bourg dont il est le maire, une pollution intense. Il
fait cramer des pneus dans son usine pour montrer à ses clients
combien ses machines fonctionnent bien.
Les
clients sont Japonais, on enfile deux trois clichés (sur leur manie
de prendre des photos de tout). Dans
L'Aile ou la cuisse, Louis de
Funès critique culinaire découvrait la cuisine japonaise, dans La
Zizanie, Annie Girardot ainsi
que sa cuisinière se grime en geisha et on mange japonais, histoire
de bien amadouer ces clients potentiels. Certes Guillaume n'est pas
ravi que le repas éclipse la signature des contrats, mais il a sa
parade. Au lieu du saké, il fait boire du calvados au moment du trou
normand « cul sec » crie Annie Girardot avec sa voix
stridente.
Cette
voix si particulière de l'actrice est l'atout comique de La
Zizanie. Louis de Funès en
fait certes des tonnes mais Annie Girardot pour donner dans le ton
n'est pas mal non plus. Ses variations vocales vont de la plus grande
douceur, dans la chambre à coucher elle doit calmer son époux
stressé « tu n'as qu'à compter tes ouvriers », au
hurlement sec « sabotage » quand son époux de maire
pense pouvoir l'empêcher de se présenter aux municipales en
prétendant ne plus avoir de formulaire pour les candidats.
Comme
dans L'Aile ou la cuisse,
Julien Guiomar joue le trouble-fête dans La
Zizanie. J'adore son rôle de
médecin écolo avec son petit air pincé. Il débarque chez les
Daubeay-Lacaze en cheval, récupère le crottin pour le jardin de
Bernadette. Elle a deux jardins, un potager et une serre tropicale.
Elle consacre beaucoup de son temps à ces jardins. Le film hume
l'air du temps, l'écologie qui commence lentement mais sûrement à
arriver dans les esprits. Bernadette, avec le médecin, se présente
aux élections sous cette étiquette « défense de la nature ».
Elle
ne rêve que de calme et d'espace, il n'aime rien d'autre que
l'agitation et la foule. Il conspue la défense de la nature et
réclame « le plein emploi » au risque de foutre en l'air
son couple. La maison est occupée par la fabrication de sa nouvelle
machine. L'anniversaire du mariage, les nuits (désormais dans des
lits superposés), les jardins sont envahis par les machines pour un
travail à la chaîne. Guillaume est ravi, il complote dans le dos de
sa femme avec son larbin (Maurice Risch) à qui il demande de saboter
tout ce à quoi tient Bernadette.
Depuis
40 ans que je regarde La
Zizanie, je n'ai pas encore
bien pu décider si le film soutenait Bernadette l'écologiste ou
Guillaume l'industriel, un peu des deux. Le maire en prend un peu
pour son grade dans la scène du bal à l'hôtel Au lion d'or. Louis
de Funès porte un masque de lui-même et se fait imiter par un type
sur scène. En revanche, Julien Guiomar reste, avec un génie
incomparable, l'enquiquineur parfait. Moins ordure que Tricatel mais
moins truculent que dans son film de Philippe de Broca avec Jean-Paul
Belmondo, L'Incorrigible.
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