En
regardant P'tit Quinquin puis Ma Loute de Bruno Dumont,
je ne peux pas m'empêcher de penser à certains films de Jean-Pierre
Mocky, et en conséquence de les comparer (en général, Mocky gagne
haut la main). C'est surtout à L'Etalon auquel les deux films
de « trogne » de Dumont ressemblent. Jean-Pierre Mocky ne
filme pas dans le Nord, mais à Cerbère, ville frontalière avec
l'Espagne, et il mêle les habitants de la commune à des acteurs
vedettes de l'époque et de ses gueules habituelles.
Bourvil,
très malade, tourne son troisième film avec Jean-Pierre Mocky. Son
cancer oblige le cinéaste à changer sa manière de filmer, il
tourne dans l'urgence, caméra portée à l'épaule, presque sur le
qui-vive, son scénario où l'acteur incarne, dans un costume blanc
sur une chemise noire, chapeau sur son crâne chauve, lunettes
dorées, un voyageur qui s'arrête dans la ville. Cheminade est son
nom, vétérinaire est son métier. Il est appelé par les clients
d'un café pour aider une femme qui s'est jetée du balcon.
Ce
sont les vacances, et les vacanciers vaquent à leur loisirs de
vacances : jouer à la pétanque, nettoyer la voiture, boire un
pastis. Voilà ce que font les hommes. Pointard (Jacques Legras) joue
aux boules avec Dubois (Francis Blanche), percepteur de métier qui
reproche à son adversaire d'avoir fait des paris. « On veut
escroquer le fisc », dit-il avec sa voix pincée qui fait
merveille. Pointard, dont l'épaule gauche laisse apparaître son
bronzage de pétanquier, lève les yeux mollement. Pendant ce temps,
les épouses tricotent.
Ce
que remarque Cheminade et qui le pousse à prolonger son séjour à
Cerbère, c'est que les femmes s'ennuient, surtout sexuellement.
Quand le chanteur de rue Lionel fredonne avec sa guitare « Amour,
tambour, toujours, toujours, le troubadour aime l'amour » (une
chanson écrite par François de Roubaix), toutes les femmes
succombent à son charme. Cheminade propose à l'épouse de Pointard
d'aller retrouver Lionel pour passer quelques moments complices. Mais
les deux maris ne l'entendent pas de cette oreille.
Ils
appellent à la rescousse le commissaire Both (Michel Londasle).
C'est parti pour une chasse à l'homme qui consiste à empêcher
Cheminade d'aider les femmes délaissées, « mariées mais
fidèles ». Quand Dubois et Both l'accusent de créer des
relations adultérines, Cheminade affirme au contraire que cela
permettra de redonner de l'engouement au couple : en effet, la
femme sera satisfaite et pourra se consacrer toute entière à son
mariage, donc à son époux. Cheminade juge tout cela d'une extrême
moralité et il n'en faut pas plus pour lancer son affaire.
Quand
Jean-Pierre Mocky tourne son film en 1969, un an tout pile après mai
68, c'est un constat d'échec qu'il établit. Dans la France moyenne,
rien n'a changé, les femmes sont toujours dominées par les hommes.
Sur ce point, les répliques du film débitées par les personnages,
ne font pas de doute sur le jugement sévère que porte Mocky sur la
France de De Gaulle et Pompidou. Ces répliques, ce sont celles que
sortaient à l'époque les politiques, et que l'on retrouve dans la
séquence finale à l'Assemblée Nationale.
Pour
mener à bien son projet de trouver des suppléants aux maris,
Cheminade s'entoure de toute une brochette de personnages divers. Un
docteur barbu, un chauffeur qui tire sur son vieux mégot, une
infirmière qui teste les futurs étalons, et Jean-Claude Rémoleux
en député muet qui cultive des fleurs dans son jardin. Et Both et
Dubois se déguisent en rombières pour piéger le bienfaiteur. Il
devra déplacer son centre, d'une vieille cabane aux cabines de plage
en passant l'aquarium municipal avec un sens du comique qui fait
mouche encore aujourd'hui.
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