« Enlève
ta chemise, baisse ton pantalon, pas trop ». Le rituel est
toujours le même, le jeune homme qui se déshabille se met de dos
dans le salon du quinquagénaire qui est allé le débaucher, contre
quelques billets, dans des quartiers pauvres, puis celui qui observe
la semi nudité, s'assoit sur son canapé et se soulage. Au bout de
quelques secondes, il remet l'argent au jeune homme qui s'en va. Ce
monsieur que joue Alfredo Castro dans Les Amants de Caracas a
une tête à la Droopy, un visage qui ne semble jamais donner la
moindre émotion. Il est prothésiste, il porte toujours le même
genre de chemise, il se déplace lentement. Son nom ne sera donné
que dans la deuxième moitié du film : Armando.
Quand
le rituel se répète, toujours filmé de la même manière, en
jouant sur le flou (tantôt Armando, tandis l'autre personne), sur la
caméra qui suit de dos notre homme, le résultat n'est plus le même.
Le jeune homme, attiré par l'argent promis, est récalcitrant à se
déshabiller, il traite Armando de sale pédé et le frappe avec un
gros cendrier. Il en profite pour lui prendre tout son fric, son
portefeuille et une petite sculpture qui trône sur ses étagères.
Le jeune gars s'appelle Elder (Luis Silva), petite frappe qui navigue
entre sa petite amie, les petits larcins, les vendettas contre les
frères de sa meuf et un boulot dans une carrosserie. Elder porte
deux débardeurs, l'un simple marcel, l'autre vert, plus épais, avec
une bande noire sur les épaules.
Avant
qu'Armando ne devienne l'amant d'Elder, ce sont des sentiments de
répulsion qui se dégagent entre le vieux et le gamin, une relation
basée sur l'argent et des rapports de maître à esclave. Armando
revient sur son lieu de drague préféré à la recherche d'Elder, ce
dernier rapporte le portefeuille au boulot d'Armando. Notre Droopy
visite l'appartement du jeune où il découvre que la petite
sculpture est en face du lit d'Elder. Et quand Elder se fait casser
la gueule par les frères de sa copine, c'est tout naturellement
qu'Armando recueille et soigne son protégé. De cet animal sauvage
qui boit et mange vulgairement, il va faire un gentil toutou. Ils
deviendront tellement inséparables qu'Elder invitera Armando à la
quinceañera de sa petite sœur.
Un
intrigue secondaire traverse Les Amants de Caracas. Armando a
un père, semble-t-il un homme d'affaires important, autour duquel un
mystère baigne. Le film n'en dit pas plus mais ne parvient pas à
passionner profondément avec ce personnage paternel. Il reste
également superficiel sur l'état du Venezuela de Nicolas Madura :
la pauvreté et le délabrement des bas quartiers, l'homophobie de la
famille et des amis d'Elder, le règne de l'argent. Voilà ce que
Lorenzo Vigas dit de son pays sur un ton glacial, sans une note de
musique, dans une lumière terne. Son film sinistre et maîtrisé,
bourré de qualités et de nombreux défauts, a reçu le Lion d'or au
dernier Festival de Venise. Le titre français est d'une médiocre
banalité.
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