mercredi 4 mai 2016

Les Amants de Caracas (Lorenzo Vigas, 2015)

« Enlève ta chemise, baisse ton pantalon, pas trop ». Le rituel est toujours le même, le jeune homme qui se déshabille se met de dos dans le salon du quinquagénaire qui est allé le débaucher, contre quelques billets, dans des quartiers pauvres, puis celui qui observe la semi nudité, s'assoit sur son canapé et se soulage. Au bout de quelques secondes, il remet l'argent au jeune homme qui s'en va. Ce monsieur que joue Alfredo Castro dans Les Amants de Caracas a une tête à la Droopy, un visage qui ne semble jamais donner la moindre émotion. Il est prothésiste, il porte toujours le même genre de chemise, il se déplace lentement. Son nom ne sera donné que dans la deuxième moitié du film : Armando.

Quand le rituel se répète, toujours filmé de la même manière, en jouant sur le flou (tantôt Armando, tandis l'autre personne), sur la caméra qui suit de dos notre homme, le résultat n'est plus le même. Le jeune homme, attiré par l'argent promis, est récalcitrant à se déshabiller, il traite Armando de sale pédé et le frappe avec un gros cendrier. Il en profite pour lui prendre tout son fric, son portefeuille et une petite sculpture qui trône sur ses étagères. Le jeune gars s'appelle Elder (Luis Silva), petite frappe qui navigue entre sa petite amie, les petits larcins, les vendettas contre les frères de sa meuf et un boulot dans une carrosserie. Elder porte deux débardeurs, l'un simple marcel, l'autre vert, plus épais, avec une bande noire sur les épaules.

Avant qu'Armando ne devienne l'amant d'Elder, ce sont des sentiments de répulsion qui se dégagent entre le vieux et le gamin, une relation basée sur l'argent et des rapports de maître à esclave. Armando revient sur son lieu de drague préféré à la recherche d'Elder, ce dernier rapporte le portefeuille au boulot d'Armando. Notre Droopy visite l'appartement du jeune où il découvre que la petite sculpture est en face du lit d'Elder. Et quand Elder se fait casser la gueule par les frères de sa copine, c'est tout naturellement qu'Armando recueille et soigne son protégé. De cet animal sauvage qui boit et mange vulgairement, il va faire un gentil toutou. Ils deviendront tellement inséparables qu'Elder invitera Armando à la quinceañera de sa petite sœur.

Un intrigue secondaire traverse Les Amants de Caracas. Armando a un père, semble-t-il un homme d'affaires important, autour duquel un mystère baigne. Le film n'en dit pas plus mais ne parvient pas à passionner profondément avec ce personnage paternel. Il reste également superficiel sur l'état du Venezuela de Nicolas Madura : la pauvreté et le délabrement des bas quartiers, l'homophobie de la famille et des amis d'Elder, le règne de l'argent. Voilà ce que Lorenzo Vigas dit de son pays sur un ton glacial, sans une note de musique, dans une lumière terne. Son film sinistre et maîtrisé, bourré de qualités et de nombreux défauts, a reçu le Lion d'or au dernier Festival de Venise. Le titre français est d'une médiocre banalité.

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