lundi 2 mai 2016

Le Quatrième homme (Paul Verhoeven, 1983)

Mon mois de mai va être (entre autres) consacré à Paul Verhoeven, avec comme point d'orgue (je l'espère en tout cas) la sortie de Elle, avancée de trois mois pour cause de compétition à Cannes. En attendant, je continue ma petite rétrospective entamée en janvier avec son dernier film (parlé en) hollandais avant son départ pour Hollywood. Dès le générique du Quatrième homme, le ton est donné, on sera à fond dans le symbolisme. D'abord une belle araignée qui se jette sur sa proie suivi d'un crucifix.

Il se trouve que ce crucifix sur lequel cette araignée tisse sa toile est l'un des décors de Gerard Reve (Jeroen Krabbé qui porte le nom de l'auteur du roman dont est tiré le film). Comme dans Turkish delight, Gerard se lève de son lit en ne portant qu'un t-shirt, rien sous la ceinture, comme Rutger Hauer, il fantasme (ou rêve comme son patronyme l'indique) qu'il tue son compagnon qui joue du violon. Mais ce n'est qu'un rêve et, dès qu'il a bu un verre de vin, Gerard cesse de trembler et démarre sa journée.

On ne reverra jamais cet homme qui était dans son appartement, Gerard quitte Amsterdam pour répondre à une invitation. Il va se rendre en train dans une petite ville du bord de mer. Dans la gare, il croise un superbe jeune homme qu'il toise du regard. Ce jeune gars regarde un magazine de cul genre Lui, Gerard effleure le magazine L'Uomo, comme s'il lui faisait une proposition. Mais l'autre homme file dans son train qui part à Cologne. Gerard court sur le quai, il pense attirer son regard, en vain.

Gerard est l'objet de vision encore une fois dans son train. Images religieuses à gogo. Une femme avec son jeune bambin qui pleure s'assit dans le même wagon que lui. Elle pelle une pomme et, de la pelure, fait une auréole derrière la tête du bébé. Il voit une reproduction d'un tableau hollandais à caractère biblique (Samson et Dalila), une publicité sur le quai (Jésus est partout). Un tableau représentant un hôtel attire Gerard. Il en traverse le couloir, une porte éructe un œil ensanglanté. Gerard retourne à la réalité, le sang n'était que de la tomate.

La conférence que donne Gerard est autour de son métier : il est écrivain. Le public est bien vieux, bien jovial, demande des autographes, parmi toutes ces personnes sans intérêt, Gerard repère une jeune femme blonde qui le filme au 8mm. Elle s'appelle Christine Hasslag (Renée Soutendjik), elle porte une robe rouge vif comme le sang. Elle doit conduire Gerard à l'hôtel Bellevue, précisément celui dont il a vu la reproduction dans son train. Elle décide de l'inviter chez elle pour passer la nuit. C'est pleine lune.

Christine tient dans son immense demeure de bord de mer, un salon de beauté qui s'appelle le Sphinx. Mais le H et le X du néon rouge ne fonctionne plus. SPIN peut-on lire, soit araignée en néerlandais. Le voici plongé dans l'antre de l'araignée, mais si Paul Verhoeven l'annonce déjà au spectateur, Gerard ne le sait pas encore. Le cinéaste ménage le suspense, à savoir qui va tendre un piège à l'autre, chacun a des regards mystérieux. Gerard a sa folie et ses rêves qui le submergent, Christine des yeux fascinants.

Ils vont faire l'amour. Gerard est ravi que Christine ait les cheveux (blonds) très courts, elle ressemble à un garçon. Gerard tire les seins de sa partenaire pour aplatir sa poitrine, elle ressemble encore plus à un homme. Elle parle de son amant, Herman (Thom Hoffman) qui se trouve être le jeune macho croisé par Gerard à la gare, elle évoque sa brutalité quand ils font l'amour, elle cause de ses éjaculations précoces. Gerard découvre une photo d'Herman en slip, il veut aider Christine et rencontrer son amant.

Elle va chercher le bellâtre à Cologne. Pendant l'absence de Christine, en vidant des bouteilles de whisky, Gerard ouvre une commode où se trouve trois films. Il se les projette. Cette séquence où il découvre la véritable nature de Christine est l'une des plus drôles du Quatrième homme. Paul Verhoeven la met en scène comme un court-métrage burlesque, et comme toujours dans le burlesque, le comique naît de l'inquiétude et du danger qui menacent de s'abattre sur le héros quand il comprend le secret enfoui.

Film extrêmement foisonnant, Le Quatrième homme est composé de signes qui prennent forme petit à petit et trouvent leur sens sous le regard de Gerard. L'une des scènes les plus remarquables, et l'une des plus iconiques du cinéma de Paul Verhoeven, est celle de l'église où Herman, en simple slip, prend la place du Christ sur un immense crucifix. Gerard s'en approche, baisse le slip, caresse Herman sous les yeux médusés d'une petite vieille. Tout le génie de Paul Verhoeven est de faire des rêves éveillés des réalités de cauchemar.


















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