Mon
mois de mai va être (entre autres) consacré à Paul Verhoeven, avec
comme point d'orgue (je l'espère en tout cas) la sortie de Elle,
avancée de trois mois pour cause de compétition à Cannes. En
attendant, je continue ma petite rétrospective entamée en janvier
avec son dernier film (parlé en) hollandais avant son départ pour
Hollywood. Dès le générique du Quatrième homme, le ton est
donné, on sera à fond dans le symbolisme. D'abord une belle
araignée qui se jette sur sa proie suivi d'un crucifix.
Il
se trouve que ce crucifix sur lequel cette araignée tisse sa toile
est l'un des décors de Gerard Reve (Jeroen Krabbé qui porte le nom
de l'auteur du roman dont est tiré le film). Comme dans Turkish
delight, Gerard se lève de son lit en ne portant qu'un t-shirt,
rien sous la ceinture, comme Rutger Hauer, il fantasme (ou rêve
comme son patronyme l'indique) qu'il tue son compagnon qui joue du
violon. Mais ce n'est qu'un rêve et, dès qu'il a bu un verre de
vin, Gerard cesse de trembler et démarre sa journée.
On
ne reverra jamais cet homme qui était dans son appartement, Gerard
quitte Amsterdam pour répondre à une invitation. Il va se rendre en
train dans une petite ville du bord de mer. Dans la gare, il croise
un superbe jeune homme qu'il toise du regard. Ce jeune gars regarde
un magazine de cul genre Lui, Gerard effleure le magazine L'Uomo, comme s'il lui faisait une proposition. Mais l'autre homme file
dans son train qui part à Cologne. Gerard court sur le quai, il
pense attirer son regard, en vain.
Gerard
est l'objet de vision encore une fois dans son train. Images
religieuses à gogo. Une femme avec son jeune bambin qui pleure
s'assit dans le même wagon que lui. Elle pelle une pomme et, de la
pelure, fait une auréole derrière la tête du bébé. Il voit une
reproduction d'un tableau hollandais à caractère biblique (Samson
et Dalila), une publicité sur le quai (Jésus est partout). Un
tableau représentant un hôtel attire Gerard. Il en traverse le
couloir, une porte éructe un œil ensanglanté. Gerard retourne à
la réalité, le sang n'était que de la tomate.
La
conférence que donne Gerard est autour de son métier : il est
écrivain. Le public est bien vieux, bien jovial, demande des
autographes, parmi toutes ces personnes sans intérêt, Gerard repère
une jeune femme blonde qui le filme au 8mm. Elle s'appelle Christine
Hasslag (Renée Soutendjik), elle porte une robe rouge vif comme le
sang. Elle doit conduire Gerard à l'hôtel Bellevue, précisément
celui dont il a vu la reproduction dans son train. Elle décide de
l'inviter chez elle pour passer la nuit. C'est pleine lune.
Christine
tient dans son immense demeure de bord de mer, un salon de beauté
qui s'appelle le Sphinx. Mais le H et le X du néon rouge ne
fonctionne plus. SPIN peut-on lire, soit araignée en néerlandais.
Le voici plongé dans l'antre de l'araignée, mais si Paul Verhoeven
l'annonce déjà au spectateur, Gerard ne le sait pas encore. Le
cinéaste ménage le suspense, à savoir qui va tendre un piège à
l'autre, chacun a des regards mystérieux. Gerard a sa folie et ses
rêves qui le submergent, Christine des yeux fascinants.
Ils
vont faire l'amour. Gerard est ravi que Christine ait les cheveux
(blonds) très courts, elle ressemble à un garçon. Gerard tire les
seins de sa partenaire pour aplatir sa poitrine, elle ressemble
encore plus à un homme. Elle parle de son amant, Herman (Thom
Hoffman) qui se trouve être le jeune macho croisé par Gerard à la
gare, elle évoque sa brutalité quand ils font l'amour, elle cause
de ses éjaculations précoces. Gerard découvre une photo d'Herman
en slip, il veut aider Christine et rencontrer son amant.
Elle
va chercher le bellâtre à Cologne. Pendant l'absence de Christine,
en vidant des bouteilles de whisky, Gerard ouvre une commode où se
trouve trois films. Il se les projette. Cette séquence où il
découvre la véritable nature de Christine est l'une des plus drôles
du Quatrième homme. Paul Verhoeven la met en scène comme un
court-métrage burlesque, et comme toujours dans le burlesque, le
comique naît de l'inquiétude et du danger qui menacent de s'abattre
sur le héros quand il comprend le secret enfoui.
Film
extrêmement foisonnant, Le Quatrième homme est composé de
signes qui prennent forme petit à petit et trouvent leur sens sous
le regard de Gerard. L'une des scènes les plus remarquables, et
l'une des plus iconiques du cinéma de Paul Verhoeven, est celle de
l'église où Herman, en simple slip, prend la place du Christ sur un
immense crucifix. Gerard s'en approche, baisse le slip, caresse
Herman sous les yeux médusés d'une petite vieille. Tout le génie
de Paul Verhoeven est de faire des rêves éveillés des réalités
de cauchemar.
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