vendredi 29 juillet 2016

Amour 65 (Bo Widerberg, 1965)

Drôle de film que Amour 65 qui semble absolument vouloir coller à la sentence « on ne peut plus faire un film avec un début, un milieu et une fin », phrase prononcée par son personnage principal, Keve Hjelm (chacun garde son propre nom), cinéaste à la recherche d'un sujet et qui cite Jean-Luc Godard et Michelangelo Antonioni, le soir après avoir fait l'amour. Bo Widerberg, toujours en lutte contre la narration classique du cinéma suédois et surtout celle d'Ingmar Bergman, champion de la grammaire cinématographique jusqu'à la révolution Persona sorti pile un an après Amour 65, évidemment en réponse à Amour 65. C'est très beau le dialogue entre films.

Bo Widerberg triture son récit, supprime les présentations des personnages, refuse l'effet dramatique, mais ses références sont si nombreuses, si voyantes qu'elles donnent de la psychologie aux personnages et le récit retombe finalement sur ses pattes. Un peu du Mépris de Godard, ce dialogue entre Keve et Ann-Mari, son épouse, la caméra placée devant une fenêtre passe de l'une à l'autre, les lunettes de Keve qui ne sont pas sans rappeler celle de Marcello Mastroianni dans 8 ½ de Federico Fellini et bien-sûr la présence de Ben Carruthers, l'acteur de Shadows de John Cassavates, engagé justement pour son sens de l'improvisation.

Dans une courte scène de tournage d'une fiction sociale que réalise Keve, Thommy Berggren (acteur fétiche de Bo Widerberg) se sent frustré de ne pas avoir le droit de regarder sa partenaire pendant qu'il dit ses répliques. La discussion tourne court entre Keve et Thommy, c'est le regard du cinéaste qui compte, pas celui de l'acteur. Bo Widerberg s'interroge sur la question du réalisme. Les dessins de sa fille Nina, affligée d'une maladie de l’œil sont-ils plus réalistes que la peinture académique de la salle de conférence ? Le cinéaste trouble la bande-son, longues discussions en voix off entre les personnages à l'écran qui ne bougent pas les lèvres.

Et l'amour dans tout cela. Entre de longues envolées lyriques sur la falaise de la Scanie où les cerf-volants flottent au gré du vent (d'ailleurs, le cameraman, que l'on aperçoit un instant, est accroché à l'un d'eux pour ces impressionnantes images vues du ciel), Keve tombent éperdument amoureux d'Eva-Britt le premier été. Un amour passionnel et physique dans l'appartement d'Eva-Briit quand son époux n'est pas là. Toujours dans le refus de l'effet dramatique, Keve dira à Björn, l'époux en question, le deuxième été, que ce qui lui manque le plus, c'est la petite cicatrice à l'aine d'Eva-Britt. L'amour n'a duré qu'un hiver.

La dernière partie d'Amour 65 est consacrée à Ben Carruthers qui débarque dans la maison de campagne, avec son air cool et son beau sourire, il dynamise le récit. Il refuse de jouer au cerf-volant et préfère faire la cuisine (il a une manière singulière de peler le concombre) avec Ann-Mari, l'épouse de Keve. Il ira danser au bal avec Inger, une amie du couple. Chacune d'elle est fasciné par l'acteur qui parle de Shadows. Quand l'acteur de Cassavetes quitte le film, Amour 65 ne s'en remet pas s'enfonçant dans la même apathie que celle de Keve. Bo Widerberg reviendra aux films avec un début, un milieu et une fin.

























2 commentaires:

Jacques Boudinot a dit…

Connais-tu le titre du morceau musical qui accompagne
la scène des cerfs volants ?

Jean Dorel a dit…

Si je ne me trompe pas, la première partie de cerf-volant est accompagnée de la musique de Bill Evans, un pianiste américain. Le deuxième partie avec l'acteur de Cassavetes est accompagnée de L'Amoroso de Vivaldi.