A
peine décédé, le couple Maitland, Adam (Alec Baldwin) et Barbara
(Geena Davis), apprend qu'il va devoir hanter sa propre maison
pendant 125 ans. Tim Burton expédie les présentations des jeunes
mariés. Une petite bourgade perdue dans le Connecticut, un charmant
couple qui se fait des mamours dans le grenier où Adam a construit,
avec minutie, une maquette du village, des courses au volant de leur
break, et hop, à cause d'un gentil toutou qui se trouvait là, les
Maitland meurent noyés.
De
la même manière, Beetlejuice
ne prolonge pas le suspense pour qu'Adam et Barbara se rendent
compte, miroir à l'appui où ils ne voient pas leur reflet, qu'ils
sont devenus des fantômes. Adam tente de sortir de la maison. Il
découvrira que l'extérieur est désormais un vaste désert de sable
peuplé d'un serpent qui cherche à l'engloutir. Un serpent rayé en
animation image par image, à l'ancienne. Pourquoi vouloir s'enfuir à
toutes jambes ? Parce qu'une nouvelle famille a acheté leur
maison et s'y installe.
Il
est évident que Tim Burton s'intéresse plus à cette nouvelle
famille qu'aux gentils mais insipides Maitland. Le père Charles
Deetz (Jeffrey Jones), un homme d'affaires venu s'installer là dans
l'espoir d'investir dans le village comme lieu de villégiature des
New-yorkais. La mère Delia Deetz (Catherine O'Hara), une hystérique
rousse qui se prend pour une artiste, elle crée des sculptures en
métal, horribles et difformes. Et la fille Lydia (Winona Ryder),
tout en noir, gothique dépressive qui traîne sa mélancolie armée
d'un appareil photo.
Delia
a décidé de refaire la déco de la grande maison. Adieu les papiers
peints anciens, bonjour les couleurs mauve et verte, au revoir les
meubles en bois, bienvenues les chaises et tables à la mode et
grises. Avec l'aide de son ami grassouillet Otho (Glenn Chadix),
prétendu architecte, prétentieux et imbu de sa personne, elle
parcoure les couloirs, menton en l'air, inspirée comme une artiste
d'art contemporain forte de son goût. Tim Burton se moque gentiment
de ces parvenus, de leur kitsch clinquant, de leur faute de goût,
sous le regard navré de Lydia qui porte le point de vue du cinéaste.
Lydia
sera la seule à voir les Maitland, cachés dans le grenier. Elle
veut les rencontrer. Adam et Barbara avaient superficiellement
feuilleté le « Manuel pour les nouveaux défunts » et lu
que les vivants ne peuvent pas les voir. Sauf Lydia, intriguée, qui
s'affirme comme une personne spéciale. Elle les prendra en photo
lors d'une nuit où, revêtus de draps chic à 300$ pièce, ils
tentaient de faire peur aux Deetz. Le père croit que c'est Lydia qui
fait une farce, la mère a avalé un somnifère et Lydia n'a pas
peur. Bien au contraire.
Ils
tentent de jour d'effrayer Delia. Elle continue de modifier la
maison. L'un des meilleurs gags de Beetlejuice
montre Delia et Otho ouvrant les placards. Barbara est caché dans
l'un d'eux. Quand Delia ouvre la porte, Barbara s'arrache le visage
devant elle. Delia et Otho hurle de peur. Barbara croit avoir gagné
la partie. Mais l'apprentie artiste et son ami criaient, non pas à
cause du visage défigurée du fantôme, mais parce que la taille du
placard est minuscule à leurs yeux. Coup d'épée dans l'eau pour
les Maitland.
Quelqu'un
veut absolument les aider. Betelgeuse (Michael Keaton). En début de
film, Betelgeuse est filmé uniquement de dos, lisant la rubrique
nécrologique du journal des fantômes. « Gentils mais
stupides », se dit-il quand il voit les Maitland. Il va pouvoir
les manipuler. Coincé dans la maquette du village du grenier, il
attire l'attention du couple. Il fait clignoter une maison de la
maquette, lance une publicité dans le vieux poste télé et glisse
dans le manuel des morts une annonce pour qu'ils fassent appel à
lui.
Michael
Keaton, alors essentiellement connu pour sa série comique à la
télé, s'en donne à cœur joie dans le cabotinage, débitant ses
répliques à toute vitesse. Son personnage met du temps à arriver
dans le film, mais chaque apparition est plus hilarante que la
précédente. Les cheveux hirsutes approchant le verdâtre, le visage
blanc et les yeux cernés de rouge, il se présente comme un
bio-exorciste diplômé, le seul capable de chasser les Deetz. Pour
qu'il puisse agir, son nom doit être prononcé trois fois de suite.
« Beetlejuice, Beetlejuice, Beetlejuice » et le charme
sera lancé.
Adam
et Barbara s'en apercevront vite, les méthodes de Beetlejuice ne
sont pas les plus pacifiques du monde. Il se transforme en serpent
géant et effraye les Deetz avec violence. Les intentions de
Beetlejuice ne sont pas gratuites. Malgré toutes ses blagues et son
boniment, il cherche à sortir du purgatoire dans lequel il est
enfermé depuis des siècles. Les méfaits du bio-exorciste sont
repérés par les instances de l'au-delà et leur intendant en chef,
une vieille dame prénommée Juno (Sylvia Sidney) qui vient, clope au
bec et fumée qui sort de sa gorge, sermonner les Maitland.
La
beauté et l'originalité de Beetlejuice
tient dans l'univers des morts inventé par Tim Burton. Loin des
espaces nuageux et bleutés des films de fantômes se rendant au
paradis (exemple typique dans toutes les mémoires, Le
Ciel peut attendre de Warren
Beatty), Tim Burton propose un au-delà cohérent, ludique et
inventif. Si le couloir est inspiré du Cabinet
du Docteur Caligari,
son parquet en carrés noirs
et blanc raccordant, ironiquement, avec la chemise d'Adam Maitland,
l'au-delà de Beetlejuice
s'aventure vers une autre cosmogonie.
L'au-delà
que visite les Maitland est une salle d'attente comme dans n'importe
quelle administration du monde où l'on prend son ticket en attendant
son tour. Sauf qu'ici, l'attente peut prendre des siècles. Assis
dans la salle, de nombreux morts, un chasseur de safari à la tête
réduite, l'assistante d'un magicien coupée en deux, un pêcheur de
requin encore encastré dans la mâchoire du prédateur. Ou encore
toute une équipe de football américain d'une grande stupidité qui
harcèle Juno de questions, elle est prise pour leur coach.
Juno
gronde les Maitland de n'avoir pas lu correctement le manuel, puis
elle les réprimande pour avoir fait appel à Betelgeuse, son ancien
assistant démoniaque et délirant. Ces séquences comptent parmi les
meilleurs du film. Elles seront suivies du grand numéro de
Betelgeuse, portant un chapeau en forme de carrousel, des oreilles en
chauve-souris et transformant ses bras en marteaux gigantesques pour
terrifier les Deetz. Le scénario est souvent bancal mais toujours
très amusant, à l'image des danses surnaturelles sur les chansons
exotiques d'Harry Belafonte.
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