Par
où commencer ? Une carte du monde, puis une carte du Japon. Une
main pose une épingle sur un coin au bord de la mer du Japon. Puis
la plage apparaît, trois paires de pieds marchent sur le sable. Il
fait soleil. Ce sont trois étudiants avec des pantalons de hippies.
Ils jouent à un jeu. Il faut un peu de mémoire pour comprendre le
jeu. L’un des trois garçons mime l’exécution à bout portant
avec un pistolet avec les plus petit des trois. Celui qui est visé
essaie de prendre le rictus de l’homme qui va se faire abattre.
Cette scène initiale se rapportait à une célèbre photo prise
pendant la guerre du Vietnam. On la voit dans la dernière partie du
Retour des trois soûlards.
Une
chanson. « le paradis est plein de belles femmes et de
délicieux saké », chante cette voix criarde et déformée sur
un rythme enfantin. D’où cela peut-il venir ? Un bruit
d’avion déchire la bande son. Les trois garçons se mettent à
parler avec une voix déformée. Les garçons se baignent. Ils ont
laissé leurs vêtements sur la plage. Des mains sortent du sol pour
piquer les habits des étudiants et poser les leurs à la place. Plan
séquence énigmatique où les nuages font de l’ombre aux nuages.
Quand les étudiants reviennent, ils sont obligés de s’habiller
avec des uniformes coréens. Ils vont au village et sont pris pour
« eux ».
« Eux »,
ce sont les immigrés clandestins qui fuient la dictature coréenne
pour aller au Japon. Mais « eux » ne sont pas les
bienvenus. Nagisa Oshima montre des Japonais prêts à les dénoncer
à la police. Il tente surtout de montrer qu’un Coréen ressemble
comme deux gouttes d’eau à un Japonais. Si l’habit fait le
moine, l’uniforme de soldat coréen fait le Coréen. A partir du
moment où les étudiants sont habillés, ils sont expulsés puis
renvoyer au Vietnam faire la guerre. Nagisa Oshima montre le parcours
avec quelques cartons indiquant les lieux.
Par
où continuer ? En reprenant la première scène in extenso.
Mais cette fois, les trois étudiants se souviennent (et eux seuls)
du reste de l’aventure que les spectateurs ont vu dans la première
partie. Et ils vont tenter de modifier l’histoire du film. Ils
veulent prendre le pouvoir du récit, mais l’un d’eux est encore
attiré par la jeune fille qui les a aidés à s’échapper et
finalement leur destin restera à peu près le même. Le
Retour des trois soûlards
garde son esprit burlesque et c’est très étonnant de réussir à
faire rire avec la guerre du Vietnam tout en évoquant le racisme
ordinaire.
L’histoire
bégaye, l’histoire se joue toujours, une fois sur le mode comique,
une autre fois sur le mode tragique. C’est comme ça que je
pourrais voir le film qui réussit à gratter là où ça fait mal.
La guerre du Vietnam est figurée comme une monstruosité qui déforme
la vie des peuples d’Asie. Le diaporama final rappelle la scène
inaugurale, ces images de guerre si lointaines, l’idée que les
Etats-Unis dirigent le monde (la plage du début est une base
militaire américaine). Et on se dit que rien n’a changé depuis
quarante ans, c’est cela qui donne la gueule de bois.
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