mercredi 27 juillet 2016

Guibord s'en va-t-en guerre (Philippe Falardeau, 2015)

Cet été, je n'ai envie de voir que des comédies. Pas seulement parce que l'actu est sinistre ou que les affiches des bockbusters sont hideuses, mon goût naturel me pousse à aller les dénicher. Guibord s'en va-t-en guerre, c'est une autre historie de stagiaire que celle de La Loi de la jungle d'Antonin Peretjatko. Le stagiaire en question traverse aussi l'océan, de son Haïti natale jusqu'au fin fonds du Québec dans le comté de Rapides-aux-Outardes Prescott Makadewà (chouettes noms de villes imaginaires, toutes trois représentant une entité de la province, française, anglaise et autochtone). Le film commence par un gros plan sur la carte de cette région.

Ce jeune stagiaire de 22 ans, Souverain Pascal (Idens Exantus) débarque un beau jour au local du député du cru, Steve Guibord (Patrick Huard). L'élu ne savait pas qu'il avait engagé un stagiaire. En vérité, Souverain avait contacté 100 députés canadiens et seul Guibord lui avait répondu. Il n'en fallait pas plus pour que le jeune homme vienne rendre service au député indépendant. La judicieuse idée du film est de faire porter à Souverain le regard du spectateur qui découvre à quoi ressemble la démocratie de la monarchie canadienne. L'événement qui arrive est d'envergure, le gouvernement conservateur décide d'entrer en guerre, le parlement doit se réunir.

On suit ainsi Souverain qui est bien loin d'être un naïf, malgré les remarques un peu déplacées de l'épouse de Guibord, Suzanne (Suzanne Clément). Le souci est ailleurs (Souverain répétera d'ailleurs cette phrase de nombreuses fois « aucun souci »), Souverain ne connaît la politique qu'à travers la philosophie. Dans ses valises, il a ramené des bouquins de Jean-Jacques Rousseau et Montesquieu et s'inspire d'eux pour guider le choix politique de Guibord. Il va évidemment se fracasser en pleine face à la réalité du terrain où les grandes phrases n'impressionnent personne.

Souverain devient le bras droit de Guibord. On remarquera que son nom n'est pas loin de Guy Debord, le film s'avère une belle manière de brocarder la société de la politique sans tomber ni dans la démagogie, ni dans la dénonciation, ni dans l'angélisme. Pas de « tous pourris » dans ce comté grand comme trois fois Haïti où tout le monde se connaît et se tutoie. Les deux hommes circulent longuement en voiture sur les routes à la rencontre des habitants, tout simplement parce que Steve Guibord a une peur noire de prendre l'avion. Cela permet d'admirer les paysages du coin.

La situation devait être limpide comme l'eau d'un lac du grand nord québécois, mais, pour le plus grand plaisir du spectateur, tout va se compliquer. Guibord, écoutant le conseil de Souverain, s'engage à demander l'avis de la population. Et comme les commentateurs politiques (et aussi les politiciens) le disent souvent au sujet des référendums, le peuple répond rarement à la question posée. Malgré l'aide de son épouse qui veut qu'il vote la guerre et de sa fille rebelle Lune (Clémence Dufresne-Deslières) qui soutient le non, rien ne se passe comme prévu.

Le film poursuit sa route sinueuse en croisant des personnages hauts en couleur. Le maire de Rapides, d'un bord politique opposé qui va retourner les habitants en promettant des jobs avec l'argent de la guerre. Rodrigue (Robin Aubert), un chauffeur routier qui bloque l'unique route et des membres de la tribu autochtone des Algonquins qui bloquent la route à un autre endroit. Sans oublier le Premier Ministre canadien (Paul Doucet), anglophone, qui fait miroiter au député une récompense. Le tout sous l’œil d'une journaliste (Sonia Cordeau) qui cherche un joli scoop.

Le ton pourrait vite tourner au thriller politique, avec ses coups bas, ses pressions politiques, ses obstacles démocratiques nombreux et dont Guibord et Souverain ont bien du mal à se dépêtrer. La bonne tenue de Guibord s'en va-t-en guerre tient à sa force comique qui consiste à opposer les contraires, la naïveté et la roublardise, l'enjeu mondial et le chômage local, l'immensité du territoire et la voiture qui le traverse, la vie politique et la vie de couple, la guerre et la paix. Cela peut paraître beaucoup pour un seul film, mais Philippe Falardeau se débrouille toujours pour retourner une situation dramatique en comique et inversement.

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