Cet
été, je n'ai envie de voir que des comédies. Pas seulement parce
que l'actu est sinistre ou que les affiches des bockbusters sont
hideuses, mon goût naturel me pousse à aller les dénicher. Guibord
s'en va-t-en guerre, c'est une autre historie de stagiaire que
celle de La Loi de la jungle d'Antonin Peretjatko. Le
stagiaire en question traverse aussi l'océan, de son Haïti natale
jusqu'au fin fonds du Québec dans le comté de Rapides-aux-Outardes
Prescott Makadewà (chouettes noms de villes imaginaires, toutes
trois représentant une entité de la province, française, anglaise
et autochtone). Le film commence par un gros plan sur la carte de
cette région.
Ce
jeune stagiaire de 22 ans, Souverain Pascal (Idens Exantus) débarque
un beau jour au local du député du cru, Steve Guibord (Patrick
Huard). L'élu ne savait pas qu'il avait engagé un stagiaire. En
vérité, Souverain avait contacté 100 députés canadiens et seul
Guibord lui avait répondu. Il n'en fallait pas plus pour que le
jeune homme vienne rendre service au député indépendant. La
judicieuse idée du film est de faire porter à Souverain le regard
du spectateur qui découvre à quoi ressemble la démocratie de la
monarchie canadienne. L'événement qui arrive est d'envergure, le
gouvernement conservateur décide d'entrer en guerre, le parlement
doit se réunir.
On
suit ainsi Souverain qui est bien loin d'être un naïf, malgré les
remarques un peu déplacées de l'épouse de Guibord, Suzanne
(Suzanne Clément). Le souci est ailleurs (Souverain répétera
d'ailleurs cette phrase de nombreuses fois « aucun souci »),
Souverain ne connaît la politique qu'à travers la philosophie. Dans
ses valises, il a ramené des bouquins de Jean-Jacques Rousseau et
Montesquieu et s'inspire d'eux pour guider le choix politique de
Guibord. Il va évidemment se fracasser en pleine face à la réalité
du terrain où les grandes phrases n'impressionnent personne.
Souverain
devient le bras droit de Guibord. On remarquera que son nom n'est pas
loin de Guy Debord, le film s'avère une belle manière de brocarder
la société de la politique sans tomber ni dans la démagogie, ni
dans la dénonciation, ni dans l'angélisme. Pas de « tous
pourris » dans ce comté grand comme trois fois Haïti où tout
le monde se connaît et se tutoie. Les deux hommes circulent
longuement en voiture sur les routes à la rencontre des habitants,
tout simplement parce que Steve Guibord a une peur noire de prendre
l'avion. Cela permet d'admirer les paysages du coin.
La
situation devait être limpide comme l'eau d'un lac du grand nord
québécois, mais, pour le plus grand plaisir du spectateur, tout va
se compliquer. Guibord, écoutant le conseil de Souverain, s'engage à
demander l'avis de la population. Et comme les commentateurs
politiques (et aussi les politiciens) le disent souvent au sujet des
référendums, le peuple répond rarement à la question posée.
Malgré l'aide de son épouse qui veut qu'il vote la guerre et de sa
fille rebelle Lune (Clémence Dufresne-Deslières) qui soutient le
non, rien ne se passe comme prévu.
Le
film poursuit sa route sinueuse en croisant des personnages hauts en
couleur. Le maire de Rapides, d'un bord politique opposé qui va
retourner les habitants en promettant des jobs avec l'argent de la
guerre. Rodrigue (Robin Aubert), un chauffeur routier qui bloque
l'unique route et des membres de la tribu autochtone des Algonquins
qui bloquent la route à un autre endroit. Sans oublier le Premier
Ministre canadien (Paul Doucet), anglophone, qui fait miroiter au
député une récompense. Le tout sous l’œil d'une journaliste
(Sonia Cordeau) qui cherche un joli scoop.
Le
ton pourrait vite tourner au thriller politique, avec ses coups bas,
ses pressions politiques, ses obstacles démocratiques nombreux et
dont Guibord et Souverain ont bien du mal à se dépêtrer. La bonne
tenue de Guibord s'en va-t-en guerre tient à sa force comique
qui consiste à opposer les contraires, la naïveté et la
roublardise, l'enjeu mondial et le chômage local, l'immensité du
territoire et la voiture qui le traverse, la vie politique et la vie
de couple, la guerre et la paix. Cela peut paraître beaucoup pour un
seul film, mais Philippe Falardeau se débrouille toujours pour
retourner une situation dramatique en comique et inversement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire