Drôle
de film que Amour 65 qui semble absolument vouloir coller à
la sentence « on ne peut plus faire un film avec un début, un
milieu et une fin », phrase prononcée par son personnage
principal, Keve Hjelm (chacun garde son propre nom), cinéaste à la
recherche d'un sujet et qui cite Jean-Luc Godard et Michelangelo
Antonioni, le soir après avoir fait l'amour. Bo Widerberg, toujours
en lutte contre la narration classique du cinéma suédois et surtout
celle d'Ingmar Bergman, champion de la grammaire cinématographique
jusqu'à la révolution Persona sorti pile un an après Amour
65, évidemment en réponse à Amour 65. C'est très beau
le dialogue entre films.
Bo
Widerberg triture son récit, supprime les présentations des
personnages, refuse l'effet dramatique, mais ses références sont si
nombreuses, si voyantes qu'elles donnent de la psychologie aux
personnages et le récit retombe finalement sur ses pattes. Un peu du
Mépris de Godard, ce dialogue entre Keve et Ann-Mari, son
épouse, la caméra placée devant une fenêtre passe de l'une à
l'autre, les lunettes de Keve qui ne sont pas sans rappeler celle de
Marcello Mastroianni dans 8 ½ de Federico Fellini et bien-sûr
la présence de Ben Carruthers, l'acteur de Shadows de John
Cassavates, engagé justement pour son sens de l'improvisation.
Dans
une courte scène de tournage d'une fiction sociale que réalise
Keve, Thommy Berggren (acteur fétiche de Bo Widerberg) se sent
frustré de ne pas avoir le droit de regarder sa partenaire pendant
qu'il dit ses répliques. La discussion tourne court entre Keve et
Thommy, c'est le regard du cinéaste qui compte, pas celui de
l'acteur. Bo Widerberg s'interroge sur la question du réalisme. Les
dessins de sa fille Nina, affligée d'une maladie de l’œil
sont-ils plus réalistes que la peinture académique de la salle de
conférence ? Le cinéaste trouble la bande-son, longues
discussions en voix off entre les personnages à l'écran qui ne
bougent pas les lèvres.
Et
l'amour dans tout cela. Entre de longues envolées lyriques sur la
falaise de la Scanie où les cerf-volants flottent au gré du vent
(d'ailleurs, le cameraman, que l'on aperçoit un instant, est
accroché à l'un d'eux pour ces impressionnantes images vues du
ciel), Keve tombent éperdument amoureux d'Eva-Britt le premier été.
Un amour passionnel et physique dans l'appartement d'Eva-Briit quand
son époux n'est pas là. Toujours dans le refus de l'effet
dramatique, Keve dira à Björn, l'époux en question, le deuxième
été, que ce qui lui manque le plus, c'est la petite cicatrice à
l'aine d'Eva-Britt. L'amour n'a duré qu'un hiver.
La
dernière partie d'Amour 65 est consacrée à Ben Carruthers
qui débarque dans la maison de campagne, avec son air cool et son
beau sourire, il dynamise le récit. Il refuse de jouer au
cerf-volant et préfère faire la cuisine (il a une manière
singulière de peler le concombre) avec Ann-Mari, l'épouse de Keve.
Il ira danser au bal avec Inger, une amie du couple. Chacune d'elle
est fasciné par l'acteur qui parle de Shadows. Quand l'acteur
de Cassavetes quitte le film, Amour 65 ne s'en remet pas
s'enfonçant dans la même apathie que celle de Keve. Bo Widerberg
reviendra aux films avec un début, un milieu et une fin.
2 commentaires:
Connais-tu le titre du morceau musical qui accompagne
la scène des cerfs volants ?
Si je ne me trompe pas, la première partie de cerf-volant est accompagnée de la musique de Bill Evans, un pianiste américain. Le deuxième partie avec l'acteur de Cassavetes est accompagnée de L'Amoroso de Vivaldi.
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