samedi 23 juillet 2016

Général Idi Amin Dada (Barbet Schroeder, 1974)

A l'origine, Barbet Schroeder ne devait faire qu'un reportage pour la télévision (FR3) et Général Idi Amin Dada est devenu un film de cinéma au succès public important, faisant écrire à Serge Daney dans les Cahiers du cinéma (période extrême gauche) que le film était raciste. En trois minutes, une voix off présente l'arrivée au pouvoir d'Amin, par un coup d'état en 1971. Il décrit trois ans de pouvoir autocratique, le passage de la prospérité aux magasins vides, du libérateur du précédent dictateur au culte de la personnalité, du militaire sympathique au mégalomane.

Avec le général, c'est le spectacle permanent. Cela donne tout son sens au sous-titre « Autoportrait » qui a pu faire croire que Barbet Schroeder s'était fait manipuler par Amin. Les mouvements de caméra (lors de la garden party dans sa résidence, il recadre l'orchestre qui joue sans passion, éloigné de sa cour qui sourit obséquieusement, l'exemple le plus frappant), le montage (arrêt sur image pour donner un renseignement qui contredit le dictateur), le panoramique (la balade au milieu des crocodiles où Amin s'est persuadé que les reptiles le comprennent) prouvent que le cinéaste maîtrise la situation.

L'Ouganda c'est le Général Idi Amin Dada et vice-versa. Et ce n'est pas parce que la nation n'a aucun accès à la mer, enclavé en Afrique orientale, que le général ne s'est pas équipé d'une armée marine. L'obsession du dictateur, comme c'est toujours le cas, c'est l'armée. Il ne parle que de ça. En treillis ou en uniforme de haut gradé, il visite ses soldats qui s'entraînent. Les futurs parachutistes s'élancent d'un toboggan. Des pauvres soldats désarçonnés par ces exercices enfantins. Plus tard, dans la brousse, il dirige des manœuvres perché sur un tank.

Amin Dada se présente comme le plus grand leader révolutionnaire et il est convaincu d'être le centre du monde, les autres chefs d'état n'étant que des satellites. Il écrit des lettres salées aux chefs d'état étrangers (au Président de la Tanzanie, il déclare sa flamme, regrettant de ne pas être une femme), à Kurt Waldheim, Secrétaire général de l'ONU, il regrette qu'Hitler n'ait pas fini le boulot. Amin Dada est obnubilé par Israël, son ancien allié, devenu son ennemi. Devant la caméra, il décline son plan d'invasion d'Israël à partir du Golan.

Le général semble croire à tout ce qu'il dit. Il fixe souvent la caméra qui zoome alors sur son visage. Et tandis qu'il dit une énormité, son regard se fait fuyant, mais poursuit ses palabres délirantes, mégalomanes et paternalistes. Le conseil des ministres est édifiant. Autour de la table, une douzaine d'hommes, leurs attaché-cases devant eux, écoutent en silence, les bons conseils du chef de l'état tout en prenant des notes. Dire que les recommandations, des ordres en vérité, sont judicieux est vrai, mais ils sont surtout en dessous de tout.

Cet autoportrait montre comment Amin Dada se voit. D'abord en bon père de famille (18 enfants), ensuite en grand démocrate demandant à chacun de donner son avis. La dernière séquence le voit écouter la question d'un médecin qui demande l'indépendance pour le président de l'ordre des médecins. Son visage se ferme soudain devant l'effronterie. Sa réponse sera claire : en Ouganda, il n'existe qu'un seul Président, lui-même. Le Général doit être le premier en tout comme le montre la scène où des nageurs le laissent gagner une course dans la piscine de son immense résidence.
















Aucun commentaire: