A
l'origine, Barbet Schroeder ne devait faire qu'un reportage pour la
télévision (FR3) et Général
Idi Amin Dada est devenu un
film de cinéma au succès public important, faisant écrire à Serge
Daney dans les Cahiers du cinéma (période extrême gauche) que le
film était raciste. En trois minutes, une voix off présente
l'arrivée au pouvoir d'Amin, par un coup d'état en 1971. Il décrit
trois ans de pouvoir autocratique, le passage de la prospérité aux
magasins vides, du libérateur du précédent dictateur au culte de
la personnalité, du militaire sympathique au mégalomane.
Avec
le général, c'est le spectacle permanent. Cela donne tout son sens
au sous-titre « Autoportrait » qui a pu faire croire que
Barbet Schroeder s'était fait manipuler par Amin. Les mouvements de
caméra (lors de la garden party dans sa résidence, il recadre
l'orchestre qui joue sans passion, éloigné de sa cour qui sourit
obséquieusement, l'exemple le plus frappant), le montage (arrêt sur
image pour donner un renseignement qui contredit le dictateur), le
panoramique (la balade au milieu des crocodiles où Amin s'est
persuadé que les reptiles le comprennent) prouvent que le cinéaste
maîtrise la situation.
L'Ouganda
c'est le Général Idi Amin Dada et vice-versa. Et ce n'est pas parce
que la nation n'a aucun accès à la mer, enclavé en Afrique
orientale, que le général ne s'est pas équipé d'une armée
marine. L'obsession du dictateur, comme c'est toujours le cas, c'est
l'armée. Il ne parle que de ça. En treillis ou en uniforme de haut
gradé, il visite ses soldats qui s'entraînent. Les futurs
parachutistes s'élancent d'un toboggan. Des pauvres soldats
désarçonnés par ces exercices enfantins. Plus tard, dans la
brousse, il dirige des manœuvres perché sur un tank.
Amin
Dada se présente comme le plus grand leader révolutionnaire et il
est convaincu d'être le centre du monde, les autres chefs d'état
n'étant que des satellites. Il écrit des lettres salées aux chefs
d'état étrangers (au Président de la Tanzanie, il déclare sa
flamme, regrettant de ne pas être une femme), à Kurt Waldheim,
Secrétaire général de l'ONU, il regrette qu'Hitler n'ait pas fini
le boulot. Amin Dada est obnubilé par Israël, son ancien allié,
devenu son ennemi. Devant la caméra, il décline son plan d'invasion
d'Israël à partir du Golan.
Le
général semble croire à tout ce qu'il dit. Il fixe souvent la
caméra qui zoome alors sur son visage. Et tandis qu'il dit une
énormité, son regard se fait fuyant, mais poursuit ses palabres
délirantes, mégalomanes et paternalistes. Le conseil des ministres
est édifiant. Autour de la table, une douzaine d'hommes, leurs
attaché-cases devant eux, écoutent en silence, les bons conseils du
chef de l'état tout en prenant des notes. Dire que les
recommandations, des ordres en vérité, sont judicieux est vrai,
mais ils sont surtout en dessous de tout.
Cet
autoportrait montre comment Amin Dada se voit. D'abord en bon père
de famille (18 enfants), ensuite en grand démocrate demandant à
chacun de donner son avis. La dernière séquence le voit écouter la
question d'un médecin qui demande l'indépendance pour le président
de l'ordre des médecins. Son visage se ferme soudain devant
l'effronterie. Sa réponse sera claire : en Ouganda, il n'existe
qu'un seul Président, lui-même. Le Général doit être le premier
en tout comme le montre la scène où des nageurs le laissent gagner
une course dans la piscine de son immense résidence.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire