jeudi 28 juillet 2016

Edward aux mains d'argent (Tim Burton, 1990)

La neige tombe sur le logo de la 20th Century Fox, une manière évidente d'annoncer que Edward aux mains d'argent sera un conte de Noël, un récit du Merveilleux. La grand-mère borde sa petite-fille, après avoir vu, de la fenêtre, la maison sur la colline. Cela lui rappelle cette histoire qu'elle va raconter à l'enfant. Et comme tout conte a un début, Tim Burton ne perd pas de temps et plante le décor : un petit lotissement américain aux villas de couleur pastel. Comme dans tous ses films de sa première période (de Pee-Wee Big adventure à Mars attacks!), l'univers est un subtil mélange de vieillot (tenues et voitures des années 1960) et d'actuel. Une Amérique qui n'existe qu'au cinéma.

Vêtue d'une beau tailleur mauve, Peg (Dianne Wiest) est « ambassadrice Avon », en clair, elle vend des produits de beauté. Et c'est chez ses voisines qu'elle sonne. Entre Helen (Conchatta Ferrell) les bigoudis aux cheveux, Joyce (Kathy Baker) occupée à draguer le plombier et Esmeralda (O-Lan Jones), la bigote solitaire, personne ne veut acheter quoi que ce soit. Dépitée malgré son enthousiasme, Peg voit la maison perchée et se propose de tenter le coup. Elle pénètre dans le jardin mal entretenu, envahi par les mauvaises herbes et les arbustes puis pousse la grille. Là, elle est émerveillée par la beauté du jardin. Les arbres sont sculptés en forme d'animaux.

Elle entre enfin dans la demeure délabrée, semblable à un château hanté. Tout à l'opposé du jardin merveilleux. Le hall est immense, recouvert de poussières, une machine étrange remplit la moitié du lieu. Un escalier aux marches anciennes montent au grenier, une géante statue fantomatique orne la rambarde. Peg appelle, demande si quelqu'un est là. Elle regarde partout, observe bien, remarque un collage d'articles de journaux. Du fond du grenier, un homme s'avance dans l'ombre, c'est Edward (Johnny Depp) qui semble sortir de son antre et qui avance vers elle, hésitant, d'un petit pas.

La première scène de Johnny Depp évoque, avec sans doute une ironie de Tim Burton, celle d'un démon et, en l'occurrence à cause des ciseaux longs à la place de ses doigts, immanquablement Freddy Kruger. Johnny Depp avait débuté au cinéma dans Les Griffes de la nuit de Wes Craven (1984). Si Peg est tout en mauve pastel, de la tête au pieds, la peau d'Edward est noire, comme une combinaison de cuir et de lanières qui n'est pas sans rappeler un tenue SM. Tim Burton passe du rictus grimaçant du Joker dans Batman au sourire timide et minuscule d'Edward au visage d'une pâleur extrême. Un personnage en noir et blanc tout droit venu du cinéma des années 1930.

Cette créature qu'est Edward aux mains d'argent voit son passé révélé par trois très courts flashbacks, sous forme de souvenirs qui reviennent à Edward lors de moments de tristesse. Son créateur est joué par Vincent Price qui apparaît six minutes, la durée du court-métrage Vincent. Première scène, où le mécanisme de fabrication des biscuits lui donne l'idée fabriquer un humain. Deuxième scène, où il lit un poème à Edward. Troisième scène, il a enfin confectionner les mains de sa créature, mais meurt devant Edward. La fulgurance avec laquelle Tim Burton visite le passé de l'inventeur est poétique et d'une tristesse infinie.

Peg décide que Edward doit vivre parmi les hommes, c'est le début de la partie comédie d'Edward aux mains d'argent. Bill le mari (Alan Arkin) et Kevin le fiston (Robert Oliveri) accueillent chaudement Edward. C'est au tour des voisines de vouloir le rencontrer. Joyce, grâce au téléphone qui sert à se répandre en commérages, force Peg à inviter le lotissement. Edward est l'attraction du barbecue, toutes les voisines se l'accaparent, les enfants veulent jouer avec lui et les voisins veulent devenir son ami. Vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir, Edward commence à se sentir à l'aise parmi les habitants tous habillés de couleur pastel, orange, mauve, jaune, vert.

Edward a un don pour utiliser ses mains en ciseaux. Il sculpte, comme on l'avait vu dans le jardin de son château (le plus gros arbre taillé était une main, ce qui précisément lui manque). Il taillera les arbres des villas, puis coupera les poils des chiens et finira par coiffer ces dames, ravies de l'attention que leur porte Edward, tandis que leurs époux partent chaque matin au boulot, à la queue leu leu dans leur voiture forcément pastel. Tout va bien dans le meilleur des mondes mais le film ne vas pas rester longtemps dans cet univers de sourires, de gentillesse et de guimauve que Tim Burton décrit comme un conformisme, comme une anomalie.

L'ambiance et le ton vont se modifier avec l'arrivée de Kim (Winona Ryder), la fille de Peg aux longs cheveux blonds. Elle était partie en week-end avec des copains et son petit-ami Jim (Anthony Michael Hall), au physique totalement opposé de celui d'Eward. La comédie se prolonge un instant avec la séquence en deux temps du retour. Kim rentre dans sa chambre où dort Edward et croit que c'est un intrus. Puis, le père offre du whisky à Edward qui s'écroule comme un enfant dès la première gorgée. Edward, qui n'avait vu Kim jusque là qu'en photo, admire la jeune fille.

Le film prend les atours d'un teenage movie, cruel et touchant. Jim ne va supporter que Kim, petit à petit, se prenne de sympathie pour Edward, qu'il considère comme un monstre. Il va le harceler et le menacer avec de plus en plus de violence. Un événement va transformer la confiance et l'amitié que toute la population avait pour Edward en animosité. Les ragots que lance Joyce seront répétés, déformés et amplifiés par chacune des voisines. Peg ne pourra plus contrôler la situation et Edward ne pourra plus contrôler son calme.

Deux scènes magnifiques montrent l'amour naissant entre Edward et Kim. La première est celle de l'émission télé où on demande à Edward s'il a une amoureuse. Il fixe la caméra tandis que Kim regarde intensément le poste télé. La deuxième est celle de la sculpture de glace où Kim danse au son de la superbe musique de Danny Elfman (sa meilleure pour Tim Burton). Face à ces deux scènes poignantes, Tim Burton oppose la vindicte populaire dans un hommage à la séquence de lynchage de la créature du Frankenstein de James Whale. Mais la grand-mère qui narre le conte décide qu'Edward est toujours vivant, au moins dans son cœur et dans ses pensées.





























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