Depuis
Change pas de main,
vu fin mai, j'ai regardé deux autres films de Paul Vecchiali,
L'Etrangleur
puis Nuits blanches sur la
jetée. Je les ai copieusement
détestés tous les deux. J'ai cependant remarqué le jeu et le
physique très similaires de Jacques Perrin et Pascal Cervo, comme
quoi en 44 ans, le cinéaste ne change pas de style. Je retente avec
La Machine,
film très impressionnant de maîtrise formelle sur un sujet toujours
aussi brûlant, la peine de mort. Mais pas seulement, Paul Vecchiali
aborde bien d'autres choses dans son film qui sont un peu écrasés
par le thème principal.
La
parti pris formel est de constituer le film en cinq blocs qui vont du
poétique au sordide, soit une descente aux enfers pour Pierre
Lentier (Jean-Christophe Bouvet), jeune ouvrier de Maisons-Alfort qui
commet un crime horrible et se voit condamner à mort. Les premiers
plans sont dévolus à son travail qu'on imagine harassant, une usine
de sidérurgie, du bruit, de la chaleur. Mais l'ambiance est bonne.
Lentier vit avec sa mère Jeanne Dumont (Sonia Saviange), divorcée
depuis longtemps. Elle travaille dans une crèche. Lentier, de dos,
veste à carreaux rouges et noirs, observe les enfants en bord de
Marne.
Dans
cette première partie de présentation de Lentier, de son
environnement, de sa vie familiale, qui n'a pas valeur d'explication
de son geste, le long plan séquence du café rappelle le réalisme
poétique. Dans ce café, des Titis parisiens, des grandes gueules,
des timides, des vieux, des jeunes, des femmes et des hommes. On
reconnaît Marie-Claude Treilhou, Michel Delahaye ou Jean-Claude
Guiguet. Chacun se donne un surnom. Ils discutent de la vie, se
chamaillent joyeusement. Soudain, une chanson triste se joue sur le
juke-box et un couple entonne de concert le refrain, comme dans une
comédie musicale.
La
présentation de ce groupe pourrait paraître gratuite. Au contraire,
elle va s'inclure dans le deuxième bloc narratif. Paul Vecchiali ne
filme pas le crime de Lentier. Il passe directement du plan de la
Renault orange au gros titre du journal. La machine médiatique est
lancée. Gérard Blain ou Noël Simsolo jouent des reporters télé
qui vont interroger des témoins (dont Jean-Claude Biette) et
questionner les amis de Lentier (dont ces gens du café). Le cinéaste
filme le poste de télé qui diffuse ces interviews, il cadre les
unes des journaux de plus en plus sensationnalistes. L'opinion
publique a tôt fait de condamner à mort Lentier, selon la presse.
Au
cas où douterait de l'opinion de Paul Vecchiali, il apporte une
réponse claire et nette. C'est lui-même qui joue l'avocat de
Lentier. Lors du bloc consacré à la reconstitution du crime, de la
voiture jusqu'à l'usine désaffectée où la fillette est morte,
l'avocat s'oppose régulièrement à la juge d'instruction (Monique
Mélinand). Lentier semble d'abord sans émotion, regard froid,
gestes mécaniques. Plus la reconstitution se précise, plus la
tension s'affirme. Lentier finit par craquer devant la marionnette
qu'il doit frapper d'une brique.
Ce
que montre La Machine,
la machine médiatique, la machine judiciaire, la machine guillotine,
je ne l'avais vu dans aucun film. D'habitude, on voit le crime, la
chasse au meurtrier et le procès mise en scène de la même manière,
comme un thriller bourré de pathos. L'évaluation psychologique de
Lentier tourne au comique : les quatre psychiatres semblent
confus devant les propos de Lentier. Le procès est réduit à sa
portion congrue avec une plaidoirie sur la sexualité des enfants qui
a dû faire grincer bien des dents. L'enchaînement des faits est
d'une grande rigueur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire