On
voit bien ce que Chaplin a voulu faire dans Charlot musicien
(3ème production chez Mutual, sortie le 10 juillet 1916) :
injecter du sentimentalisme dans son burlesque. Le titre original The
Vagabond place son personnage, chapeau melon, veste étriquée,
petite canne dans la lignée de ce qu'il a fait précédemment. Il
ajoute à sa panoplie un violon et fait la manche dans un café. Mais
une fanfare, semble-t-il bien meilleure, retient plus l'attention des
piliers de bar que son morceau de violon. Il tente de récolter la
recette de la fanfare ce qui provoque une course poursuite dans
l'établissement. Et le vagabond s'enfuit.
Cette
entrée en matière permet d'emmener le public venu assister à des
numéros comiques vers un autre terrain, celui qui va intéresser
Chaplin, une douceur et une part d'humanité plus importante.
Première étape, la mère au visage triste qui contemple le portrait
d'une enfant. Scène suivante, une femme (Edna Purviance) devant une
roulotte de gitans obligée de faire la lessive. Telle une Cendrillon
moderne, elle est martyrisée par une vieille femme dont on dirait
une sorcière et un terrible bonhomme (Eric Campbell) qui la frappe,
la fouette pour qu'elle accomplisse cette corvée. On imagine
aisément que les gitans ont enlevé la fille du portrait et
l'exploitent.
C'est
ce moment-là, puisque la ville ne veut pas de lui, que le vagabond
arrive et propose, contre quelques sous, de jouer du violon à la
jeune femme. Elle n'a rien à lui offrir. Passés quelques gags
comiques (le cul dans le baquet d'eau), Charlot comprend qu'elle est
la souffre-douleur de la mégère et de l'affreux jojo. Il troque son
inoffensive canne pour un gourdin et assomme toute la troupe. Je ne
m'étendrai pas sur l'imagerie des gitans que suggère, sans aucune
nuance, Charlot musicien. Il s'agit d'un burlesque qui tend à
l'exagération extrême. Charlot libère la jeune femme de son joug
et vole la roulotte.
Cela
amène ensuite à une esquisse de romance entre Edna et son
libérateur. Ce dernier veut bien faire et la gâte en lui préparant
en copieux déjeuner. Edna croise alors un peintre qui décide
immédiatement de faire son portrait. Sur le bras d'Edna, il remarque
un marque de naissance en forme de trèfle. Lors de l'exposition, la
mère voit le portrait et retrouve sa fille. Il faut bien le dire, le
système de Charles Chaplin n'est pas encore tout à fait au point,
son sentimentalisme reste un peu mièvre. Le film est trop court (25
minutes) pour vraiment développer la partie des retrouvailles. On
sait qu'il s'améliorera.
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