samedi 30 juillet 2016

Récit d'un propriétaire (Yasujiro Ozu, 1947)

En 1947, quand il entreprend Récit d'un propriétaire, Yasujiro Ozu n'avait pas tourné de film depuis cinq ans (Il était un père, un film de commande en pleine seconde guerre mondiale). La guerre est passée, le cinéaste revient à son thème de prédilection, l'enfance et livre avec son scénariste Tadao Ikeda le récit d'un gamin recueilli par une veuve aigrie. Le film, comédie douce-amère, est le récit de ce drôle de duo.

Récit d'un propriétaire sort au Japon, en mai 1947, quand le pays subit encore les terribles contrecoups de la guerre. Le paysage est en ruine, les familles sont brisées, l'argent manque, la nourriture n'est pas bonne et les enfants sont abandonnés. Là, arrive un gamin (Hoho Aoki) . C'est Toshiro (Chisu Ryu) un des locataires qui le ramène dans l'ensemble d'appartements où les voisins vivent pratiquement les uns sur les autres.

Le gamin n'aura jamais de prénom, il a une mine renfrognée, les mains constamment dans les poches et porte un calot. Il ne dit presque aucun mot de tout le film. Personne ne veut du gamin. Ni le propriétaire des appartements, ni les locataires. C'est la veuve Otané (Choko Iida) qui est forcée de récupérer le petit et ça ne la réjouit pas vraiment. Mais parce qu'elle est veuve, les voisins pensent qu'elle peut s'en occuper

Elle fronce les sourcils devant le gamin terrorisé qui détourne les yeux. Le gamin pisse au lit, le matelas est tout taché : elle fronce les yeux et le veut le chasser. Des kakis ont disparu, elle fronce les yeux en accusant le gamin. Mais, ça n'était pas lui. Le petit s'exprime en pleurant tout son sou. Un matin, il a encore pissé au lit. Il s'est enfui avant que la marâtre ne l'expulse. Elle le cherchera partout, s’inquiétera pour lui, le retrouvera.

Finalement elle l'aime bien ce môme, elle va l'adopter. Mais le chemin qui a mené vers cette affection réciproque a été semé d'embûches. Yasujiro Ozu dans Récit d'un propriétaire manie la cruauté avec un sens du sadisme assez puissant. Quand le gamin arrive, les adultes ne se gênent pour parler, en mal, de lui devant lui. « Si vous n'en voulez pas, abandonnez le » ou « Je déteste les enfants » disent les adultes.

Un matin, Otané l'emmène pour tenter de retrouver son père. En vain. Après une pause au bord de la mer, elle essaie de le semer. En vain. Yasujiro Ozu les filme dans la longueur du cadre, dans un jeu de piste. Le gamin la suit comme un chien, elle le chasse. Il sort du cadre puis, le plan suivant, il est à nouveau là. La force du film tient à la manière de filmer joyeusement ce Japon du désespoir. On en est abasourdi.

Quelques séquences bouleversent et touchent directement au cœur. D'autres font tendrement sourire, comme celle où tous les locataires accompagnent une chanson d'amour avec leurs baguettes. La fin de Récit d'un propriétaire est particulièrement poignante. En 71 minutes, Yasujiro Ozu, qui adopte la solution des plans fixes, devient à la fois conteur, moraliste et historien.




















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