L'apothéose
du jeu de Will Ferrell, super héros du cinéma comique américain,
se trouve dans The Other guys (j'utilise ce titre original
plutôt que le titre français, Very bad cops).
Il possède dans ce film, que je considère comme sa dernière
interprétation grandiose, une maîtrise remarquable de l'alchimie du
gag, du burlesque et de la comédie, tout en sous-jeu puis en
sur-jeu, comme personne. Pour que cela fonctionne, Adam McKay a une
idée brillante, faire de The Other guys une
l'illustration des clichés les plus courus et communs vus dans les
films de flics.
Cela
commence par un faux début, un démonstration de ce qui existe de
pire dans le cinéma d'action : les flics qui se prennent pour
des super héros. Soit Christopher Danson (Dwayne Johnson) et P.K.
Highsmith (Samuel L. Jackson), deux mecs qui en ont, lunettes de
soleil au volant, traversant tout New York dans une bagnole rutilante
pour « servir et protéger » le citoyen. Après une
course poursuite semée d'explosion, de voitures cabossées et la
Trump Tower en feu, un journaliste ose poser la question « est-ce
qu'arrêter deux vendeurs de shit valait de détruire pour 13
millions de dollars la ville ? ».
La
routine du film d'action est bien là. Ce cliché que tout parte en
fumée pour ça est tellement omniprésent dans le cinéma
hollywoodien aujourd'hui et depuis quelques années qu'il fallait
bien qu'un cinéaste le clame haut et fort. Pas un film Marvel, DC
Comics, un Avengers ou une Planète des singes où la
moitié de la ville ne soit détruite. Il y avait de quoi se moquer
dans Captain America Civil War que les patrons des Avengers
regrettent que les héros ne fassent pas attention à la population
et que plusieurs victimes collatérales se vengent.
Danson
et Highsmith sont des super flics mais ils sont surtout d'une
stupidité à toute épreuve. Quand, tels Iron Man, ils sautent du
haut d'un immeuble pensant arriver sains et saufs en bas, le film se
débarrasse de ces personnages 1000 fois vus dans n'importe quel
autre film d'action. Le but du jeu de The Other guys est
justement de trouver ces autres mecs qui vont devenir les héros du
film et des spectateurs. A ce petit jeu, deux équipes sont sur les
starting-blocks sous l’œil peu amène et désinvolte du patron, le
capitaine Gene Mauch (Michael Keaton).
Les
premiers prétendants sont les inspecteurs Fosse (Damian Wayans Jr)
et Martin (Rob Riggles), déjà partenaires, qui se moquent de
l'autre équipe formée par Terry Hoitz (Mark Wahlberg) et Allen
Gamble (Will Ferrell). Ce sera à celui qui aura la meilleure
affaire. Terry veut de l'action, il pense qu'il le mérite et qu'il
est fait pour ça. Allen voit son boulot d'une bien autre manière.
Il aime rester derrière son ordinateur à taper des dossiers (et
souvent il écrivait ceux de Danson et Highsmith, récompense
suprême). Il déteste le terrain.
L'habit
fait le moine et la tenue complet veston digne des années 1980
compose la personnalité d'Allen. Il faut ajouter une paire de
lunettes grosse comme un paquebot. A côté, Terry fait jeune chien
fou, mèche de cheveu rebelle, veste en cuir. Will Ferrell campe son
personnage comme un rond de cuir, jamais un mot plus haut que
l'autre, dans un ton monocorde qui contraste avec le ton énervé et
furieux de Terry. Allen ne s'énerve jamais et Terry est toujours en
colère. Le duo comique est complémentaire parce que totalement
opposé.
Là
où le film devient très fort et surprenant concerne la vie hors du
bureau, la vie privée d'Allen. Il réside dans une villa cossue de
banlieue chic où il se rend dans sa Ford Prius rouge, pas un bolide
pour poursuivre les délinquants. Allen invite Terry à dîner chez
lui. Mais Allen est persuadé que son épouse va encore rater le
repas et faire des impairs. Quand Terry découvre que l'épouse
soumise mais amoureuse est une bombe sexuelle (Eva Mendes), il croit
que son collègue a engagé une escort girl et ne peut s'empêcher de
mater ses seins.
Chacun
va apporter un peu de son univers à l'autre. Terry va apprendre à
boire à Allen dans cette fameuse scène au son de Imma Be des Black
Eyed Peas en images arrêtées et circulaires. Ils vont pouvoir
travailler ensemble mais les méthodes divergent radicalement au
début. Allen est maladroit avec son arme et le capitaine Mauch
(qu'Allen s'entête à appeler par son prénom, s'attribuant les
foudres de son supérieur) décide, en guise de punition, de lui
attribuer un revolver en bois, objet qui sera régulièrement perdu
et retrouvé par miracle. Ce joujou vaudra les moqueries de Fosse et
Martin.
Puisque
Terry veut une affaire, Allen l'embringue dans une histoire de permis
de construire illégaux. Terry n'est pas motivé par cette enquête
peu conforme aux standards des films de flics plus habitués à
combattre le terrorisme, le grand banditisme ou les trafics de
drogue. De fil en aiguille, en suivant l'homme d'affaires David
Ershon (Steve Coogan), l'affaire devient plus intéressante pour
Terry. Il faut voir Will Ferrell, droit dans ses bottes, défendre
une enquête minable comme si la démocratie du monde libre en
dépendait. Il trouve le ton parfait pour ses répliques de mec
ringard.
Derrière
la parodie du film de flics, qui irait de L'Arme fatale à Die
Hard 3 Une journée en enfer, se cache une solide réflexion sur
la corruption de la police, sur le lobbying des hommes d'affaires,
sur l'affairisme financier à tout crin. The Other guys ne
parle rien d'autre que de la crise de 2008, des scandales des
capitaux à risques à la Bernard Madoff. Le générique de fin
explique avec clarté le système de Ponzi et celui de Goldman Sachs.
Dans The Big short, Adam McKay tapera encore plus fort sur la
crise des subprimes. Autant dire que c'est un cinéaste précieux.
1 commentaire:
Le film est exactement conforme à ce que tu en dis.
Un jeu de massacre hilarant sur les clichés usés et usant du
cinéma ricain qui vire à des préoccupations autrement plus
importante. Comment faire du très bon cinéma à destination
du plus grand nombre.
À signaler aussi Ricky Bobby roi du circuit, du même
réalisateur,
toujours avec le grand Will , qui mérite largement le détour.
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