Depuis
quelques films, Stephen Frears se coltine le même sujet, sous
différentes angles, chaque fois tiré d'histoires vraies. Mensonges,
tromperies, dissimulations, escroqueries. Philomena en 2014
sur le mensonge des religieuses concernant le destin de son fils, The Program en 2015 sur le dopage de Lance Armstrong et cette année
Florence Foster Jenkins, la Castafiore américaine. Cette
dernière histoire vraie a déjà été largement adaptée dans
Marguerite de Xavier Gianolli, une femme qui chante comme une
casserole mais persuadée d'avoir un don. Tout son entourage lui
ment. Je ne vais pas comparer les deux films, mais seulement
constater que le cinéaste français déploie ces mêmes thématiques
dans ses films (ce que Stephen Frears avait souvent fait dans sa
période la plus féconde de My beautiful laundrette à The
Snapper), mais il n'est pas encore le Stephen Frears hexagonal.
L'entourage
de Florence (Meryl Streep), née en 1868, décédée en 1944, année
où se déroule le film, c'est tout simplement son époux légitime,
St-Clair Bayfield (Hugh Grant), dont les rides entourent maintenant
ses yeux bleus. Vieux beau, il couve Florence, l'appelant Bunny,
l'encourageant à prendre des cours de chant et paie, depuis, 25 ans,
le public (surtout des vieilles dames sourdes) et les critiques, pour
venir applaudir aveuglément la cantatrice. St-Clair quitte chaque
soir le domicile conjugal après avoir couché son épouse atteinte
d'un cancer, lui avoir récité quelques vers (l'homme se prétend
acteur shakespearien), la laissant aux bons soins de leur bonne. Il
part alors rejoindre son propre logement et retrouve sa maîtresse,
la jeune et en bonne santé Kathleen (Rebecca Ferguson). Hugh Grant
joue en douceur ce personnage toujours en mouvement, toujours debout.
On ne saura jamais vraiment s'il est un épouvantable cynique ou un
simple mari volage lassé des excentricités de sa femme.
Le
film décrit les derniers mois de Florence Foster Jenkins et son idée
de faire un récital de ses airs préférés. Entre deux conseils de
Toscanini, une réception mondaine (la femme était très fortunée)
et un concert au Carnegie Hall, Florence et St-Clair engage un jeune
pianiste, Cosmé McMoon (Simon Helberg, le Howard Wolowitz de The
Big Bang theory). Si on peut admirer l'interprétation de Meryl
Streep, mais c'est habituel, avec sa voix de crécelle (c'est elle
qui chante vraiment), sa capacité à porter dignement des tenues et
bijoux ridicules, il faut remarquer que le jeu de Simon Helberg est
l'attrait majeur du film. Tout en timidité honteuse, poussant des
petits cris, des rires contenus quand il découvre la voix de sa
nouvelle patronne, son personnage offre un mystère (notamment sur sa
sexualité) qui manque aux autres. Complice involontaire d'une
escroquerie artistique, Cosmé McMoon prendra de l'assurance jusqu'à
la séquence finale, une succession de quiproquos au tempo
infaillible, où Stephen Frears montre que quand il s'en donne encore
la peine, il est brillant.
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