dimanche 3 juillet 2016

Le Canardeur (Michael Cimino, 1974)

Michael Cimino est mort samedi 2 juillet. Sept films, du Canardeur en 1974 à The Sunchaser en 1996, auquel il faut ajouter un sketch du film Chacun son cinéma produit par Gilles Jacob en 2007. Voyage au bout de l'enfer (1978) est son plus grand film, le plus connu, immense succès public, réussite artistique, engouement critique, Oscar à la clé et la scène de la roulette russe passée à la postérité, résumé parfait du traumatisme de la guerre du Viet Nam. Scène reprise, parodiée, emblématique. La Porte du paradis est une autre histoire. Mutilé par United Artists, détruit par la critique, d'une durée inhabituelle pour l'époque, son film marque en 1980 la fin du Nouvel Hollywood et la violente reprise en main par les studios de la liberté artistique de nombreux cinéastes.

Les années suivantes sont difficiles pour Michael Cimino. L'Année du dragon (1985) met en scène Mickey Rourke dans son meilleur rôle, l'air constamment hébété. Les trois derniers films, Le Sicilien (1987) avec Christophe Lambert, La Maison des otages (1990) à nouveau avec Mickey Rourke, remake d'un polar avec Humphrey Bogart, puis The Sunchaser (1996) sortent au mieux dans une défense polie de la critique au pire sous les moqueries de ses contempteurs. Ces trois derniers films, rarement vus par le public (des gros bides au box office), ont plombé ses projets ultérieurs. Michael Cimino venait chaque année au Festival Lumière de Lyon, après sa métamorphose physique.

Le Canardeur est produit par Clint Eastwood via sa société Malpaso. Michael Cimino avait été le co-scénariste de Magnum Force, suite de Dirty Harry. On a un peu de mal à l'imaginer aujourd'hui, mais Clint Eastwood était considéré alors par la critique française comme un facho, à cause précisément de son personnage de Harry Callahan. Mais Le Canardeur perturbe la presse, au lieu d'être un vigilante, le film est une comédie, souvent très drôle. Clint Eastwood est Thunderbolt et Jeff Bridges est Lightfoot. Le premier fuit devant Red Leary (George Kennedy) et grimpe dans la voiture que vient de voler Lightfoot. Ils ne se connaissent pas encore.

Le hasard les a fait se rencontrer sur une route de l'Amérique profonde et rurale. Thunderbolt se faisait passer pour un pasteur. Pendant une bonne demi-heure, Michael Cimino ne dira rien de cet homme, il ne racontera pas son histoire. Pour l'instant, il préfère filmer le duo dans les villes de rednecks, dans les restaurants routiers, les motels miteux illuminés de néon, les longues routes désertes au milieu des immenses paysages de l'ouest américain. Ils sont seuls au monde, ils conduisent à tout de rôle dans la grande plaine ensoleillée, magnifié par le cadre cinémascope.

D'abord quelques moments de comédie. Jeff Bridges arbore son plus grand sourire aux dents blanches, Clint Eastwood serre les mâchoires mais esquisse souvent un sourire. Lightfoot s'exprime par dictons, qu'il sort naïvement en se prenant pour un sage. Ils piquent une voiture à une station service, le couple spolié se retrouvera cul par terre. Dans la caisse, plein de fringues qu'ils vont porter. Lightfoot invite deux filles dans le bungalow, dont Catherine Bach, connue pour avoir été de longues années Daisy Duke dans la série Shérif fais-moi peur. Ils vont à Warsaw, Montana, et s'achètent des glaces à la pistache.

Warsaw est le but du voyage de Thunderbolt. Là, est caché depuis des années le magot d'un braquage, derrière le tableau de l'école. Thunderbolt explique tout à Lightfoot dans un flashback sans image, uniquement des dialogues, à la John Ford. Pendant ce temps, Red Leary et son comparse Goody (Geoffrey Lewis) surveillent les deux hommes. Red est un sanguin, soupe au lait et cherche vengeance, Goody est un grand maladroit, pas bien malin. Red engueule souvent son comparse. Ils finissent par retrouver le duo de fuyards et les menacent au revolver. Pas de chance, l'école a été démolie, adieu le trésor du braquage que Thunderbolt et Red avaient commis ensemble.

La deuxième partie du Canardeur se centre sur le casse qu'ils décident de faire tous les quatre. Lightfoot en a eu l'idée, excité par l'aventure. Michael Cimino en filme les préparatifs puis son accomplissement. D'abord, ils doivent faire quelques boulots pour se payer un loyer, Thunderbolt ouvrier, Lightfoot terrassier et Goody vendeur de glaces, Red est trop snob pour travailler. Puis, la tension augmente avec une belle efficacité, avec une minutie qui confine parfois à l'obsession. Le film est aussi une réflexion émouvante sur les rapports d'amitié entre Thunderbolt et Lightfoot, malgré leur différence d'âge. Une relation père fils troublante.























3 commentaires:

Jacques Boudinot a dit…

On dirait Gary Busey à droite sur la 19ème photo.
C'est lui ?

Jean Dorel a dit…

C'est bien Busey, d'où la capture d'écran. Un collègue de Lightfoot quand il terrasse le jardin.

Jacques Boudinot a dit…

Une des plus belles collections de ratiches du cinéma américain,
avec son fils bien sûr (Starship Trooper).