mardi 30 juillet 2019

Sur quatre films de Lucio Fulci sortis en ce mois de juillet


Jusqu'à présent mon expérience de Lucio Fulci se limitait à un film, un western titré Le Temps du massacre avec Franco Nero vu au Festival des maudits films de Grenoble en 2000. On m'a habilement suggéré (on = un ami cinéphile) d'aller voir les quatre films du cinéaste qui passent cet été en salle. J'ai obtempéré non sans rechigner parce que c'est pas mon genre de prédilection. Les films ont des titres de dingue, Perversion story (1969), Le Venin de la peur (1971), La Longue nuit de l'exorcisme (1972) et L'Emmurée vivante (1977). Aucune traduction de l'italien ni même de l'anglais dans ces titres, que des inventions de l'époque j'imagine pour aguicher le chaland et faire un peu de choc.

Jean Sorel est le vedette masculine des deux premiers Perversion story (en VO, « l'une sur l'autre ») et du Venin de la peur (en VO, « un lézard sur le peau d'une femme »), un époux lisse mais uniquement de façade. Il vit dans le premier à San Francisco et dans le second à Londres. Lucio Fulci offrait un peu d'exotisme pour ses films. On retrouve les célèbres tramways de la ville californienne mais il ne faut pas faire beaucoup de chemin pour tomber sur la neige. Dans Le Venin de la peur, c'est amusant d'entendre de l'italien pour un film où tout le monde est censé être anglais. Passé ce petit moment de stupeur des langues, il faut suivre le récit et Lucio Fulci prend un malin à brouiller les pistes.

Ce qui ressort de ces deux films, ce sont les figures inspirées d'Alfred Hitchcock (on remarquera par ailleurs qu'on découvre des split-screens dans ces deux hommages au maître du suspense, ils sont contemporains des premiers split-screens de Brian de Palma). Tous deux sont de savantes relectures de Vertigo. Un nombre impressionnant d'escaliers en colimaçon sont parcourus par Carole (Florinda Bolkan) dans Le Venin de la peur quand elle poursuivi dans cet immense hangar ou entrepôt vide et qu'elle cherche à échapper à son agresseur (on trouve une poursuite quasi similaire dans L'Emmurée vivante (en VO, « quatre notes noires ») quand Jennifer O'Neill fuit ceux qui lui veulent du mal). Quant à Perversion story, c'est le retour de la même femme qui rappelle Vertigo.

L'épouse de Jean Sorel dans Perversion story meurt mais des indices le poussent à aller dans un boîte de strip tease où la danseuse vedette est la portrait craché de feue son épouse, à quelques différences près (cheveux et yeux). En 10 ans, de Vertigo à ce film de Lucio Fulci, l'érotisme est passé par là avec deux scènes de lit plutôt chaudes mais filmées dans la pénombre. En revanche, Lucio Fulci s'amuse à filmer les artistes de strip-tease dans la boîte en simple culotte. J'avoue que je ne m'attendais pas à voir Jean Sorel, lui si sage dans Belle de jour, jouer un amateur de chair fraîche. Les amours sont saphiques dans Le Venin de la mort, Carole a une maîtresse, leurs corps sont dénudés avant que Carole ne poignarde au ralenti sa chérie. L'érotisme est aussi là dans La Longue nuit de l'exorcisme (en VO, « ne torturez pas le canard ») avec ces gamins qui admirent la jeune fille riche.

Deviner qui a tué les victimes est le grand enjeu de ces quatre films. Et il est, à mon avis, impossible de la deviner. D'abord Lucio Fulci joue sur le surnaturel qui intervient assez vite dans les enquêtes que mènent les personnages. Soit des policiers, soit un journaliste, soit les protagonistes eux-mêmes au risque de se voir menacé à chaque instant. Le surnaturel varie d'un film à l'autre. Psychanalyse et amnésie dans Le Venin de la peur, vaudou et sorcellerie dans La Longue nuit de l'exorcisme (mais quel titre idiot), dons divinatoires dans L'Emmurée vivante. L'élaboration du crime prend du temps et les indices qui sont autant de pièges, de chausse-trapes narratives ne manquent pas. C'est dans ces embûches qu'on peut prendre du plaisir aux films.

On tue beaucoup dans ces quatre films. Au moins quatre enfants dans La Longue nuit de l'exorcisme dans un village de paysans incultes du sud de l'Italie, des femmes sexy dans les trois autres films (on s'écorche aussi dans les falaises au début de L'Emmurée vivante et à la fin de La Longue nuit de l'exorcisme), le tout dans des saignées de ketchup turgescent. Lucio Fulci aime le montage abrupt et cut, peu importe les raccords tant que l'effet fonctionne. Il aime les zooms violents qui passent d'un plan d'ensemble à un gros plan sur les yeux de ces femmes en quelques images, à peine une seconde. Il faut abandonner toute volonté de rationalité malgré l'abondante présence de médecins, psy et intellos en tout genre.

Certains moments des films de Lucio Fulci sont épuisants, parfois peu convaincants, parfois complètement nuls. Mais certaines visions sont saisissantes telles le début du Venin de la peur, cette vision de Carole dans le train, sa traversée du couloir du wagon où les corps nus s'entassent avant qu'elle ne se retrouve dans un couloir inconnu puis dans cette chambre où elle laisse libre court à ses fantasmes sexuelles. La scène suivante est d'autant plus frappante qu'elle vit chez des bourgeois coincés, le repas prout-prout qui suit est filmé par Lucio Fulci presque comme une gag comique. C'est dans ces oppositions de ton que les films glissent vers de la pure abstraction où on se demande : mais qu'est-ce qu'il va nous raconter ensuite ? Chaque fois on n'est pas au bout de nos surprises.

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