C'est
une proposition intéressante de sortir aujourd'hui 2 ou 3 choses
que je sais d'elle (même si je sais bien que le film sera peu
vu, peu diffusé) surtout pour les commentaires de Jean-Luc Godard
distillés en voix off avec une élocution presque éteinte, susurrée
à l'attention du spectateur. Ce discours est super sentencieux, déjà
presque politique et critique de cette France de De Gaulle et
Pompidou, alors premier ministre, un discours d'avant mai 68, d'avant
la révolution mais qui écorne déjà la haine des dirigeants pour
les classes laborieuses.
Evidemment
ça rappelle des positions politiques françaises actuelles, surtout
quand Godard dans son dialogue parle d'une type qui vient de
Rotschild. Suivez mon regard. « J'en déduis que le pouvoir
gaulliste prend le masque d'un réformateur et d'un modernisateur
alors qu'il ne veut qu'enregistrer et régulariser les tendances
actuelles du grand capitalisme. » Voilà le tout début du film
alors qu'il filme Marina Vlady l'actrice jouer Juliette Jeanson une
femme de banlieue parisienne. Son fils est Christophe Bourseiller, sa
voix a mûri mais son élocution et sa bouille sont les mêmes depuis
1967.
Le
« elle » du titre ce n'est pas seulement Marina Vlady
Juliette Jeanson, c'est surtout le banlieue qui effraie un peu
Jean-Luc Godard, il ne sait pas vraiment comment la filmer, où
placer la caméra, alors il multiplie les mouvements d'appareil pour
tenter de trouver un plan d'ensemble. Lui qui avait l'habitude de
filmer les rues parisiennes se trouve dans un certain embarras. Il
résoudra vite ce problème en ne filmant plus jamais les grands
ensembles, les immeubles de banlieue, ce film-là est son film somme
sur la banlieue parisienne.
Le
cinéaste semble tellement perturbé par les changements, par les
travaux, par les immeubles en construction qu'il peine également à
travailler le son. En début de film, il entrechoque mollement le
raffut des pelles mécaniques, des voitures du périph avec sa voix
et celles des interviewées mais il abandonne vite le chaos sonore.
En revanche, il brandit le quatrième mur, fait se tourner vers la
caméra ses femmes (que de femmes) vers l'objectif et elle parle
comme si elles s'adressaient au spectateur ou au moins au cinéaste
qui semble leur poser des questions que l'on entendra jamais.
Comme
tous ses films en couleur des années 1960, il filme en cinémascope
ce qu'il voit et enregistre. C'est étonnant parce que là encore le
cadre a du mal à serrer les visages. Il commence petit à petit,
quand il comprend ses difficultés à filmer l'horizon avec tant
d'immeubles verticaux qui bouchent tout, à mettre les visages de ces
femmes en amorce du plan, ce qui procure un léger effet comique.
Elles sont coupées au milieu du cadre par les immeubles, finalement
une manière visuelle d'en dire plus que ses discours.
L'obsession
du cinéaste pour la prostitution se poursuit encore, le plus métier
du monde est le moyen de ces femmes pour échapper à leur mari, pour
être indépendante (la loi de 1967 faisait des époux les tuteurs
des femmes). On découvre quelques têtes connues au gré des
rencontres libres de Juliette : Anny Duperey chez le coiffeur
qui court rejoindre son fiancé américain incarné par le producteur
Raoul Lévy, Helen Scoot au flipper, Juliet Berto dans un café,
Claude Miller alors assistant de tous cinéastes de la bande.
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