mardi 9 juillet 2019

2 ou 3 choses que je sais d'elle (Jean-Luc Godard, 1966)



C'est une proposition intéressante de sortir aujourd'hui 2 ou 3 choses que je sais d'elle (même si je sais bien que le film sera peu vu, peu diffusé) surtout pour les commentaires de Jean-Luc Godard distillés en voix off avec une élocution presque éteinte, susurrée à l'attention du spectateur. Ce discours est super sentencieux, déjà presque politique et critique de cette France de De Gaulle et Pompidou, alors premier ministre, un discours d'avant mai 68, d'avant la révolution mais qui écorne déjà la haine des dirigeants pour les classes laborieuses.

Evidemment ça rappelle des positions politiques françaises actuelles, surtout quand Godard dans son dialogue parle d'une type qui vient de Rotschild. Suivez mon regard. « J'en déduis que le pouvoir gaulliste prend le masque d'un réformateur et d'un modernisateur alors qu'il ne veut qu'enregistrer et régulariser les tendances actuelles du grand capitalisme. » Voilà le tout début du film alors qu'il filme Marina Vlady l'actrice jouer Juliette Jeanson une femme de banlieue parisienne. Son fils est Christophe Bourseiller, sa voix a mûri mais son élocution et sa bouille sont les mêmes depuis 1967.

Le « elle » du titre ce n'est pas seulement Marina Vlady Juliette Jeanson, c'est surtout le banlieue qui effraie un peu Jean-Luc Godard, il ne sait pas vraiment comment la filmer, où placer la caméra, alors il multiplie les mouvements d'appareil pour tenter de trouver un plan d'ensemble. Lui qui avait l'habitude de filmer les rues parisiennes se trouve dans un certain embarras. Il résoudra vite ce problème en ne filmant plus jamais les grands ensembles, les immeubles de banlieue, ce film-là est son film somme sur la banlieue parisienne.

Le cinéaste semble tellement perturbé par les changements, par les travaux, par les immeubles en construction qu'il peine également à travailler le son. En début de film, il entrechoque mollement le raffut des pelles mécaniques, des voitures du périph avec sa voix et celles des interviewées mais il abandonne vite le chaos sonore. En revanche, il brandit le quatrième mur, fait se tourner vers la caméra ses femmes (que de femmes) vers l'objectif et elle parle comme si elles s'adressaient au spectateur ou au moins au cinéaste qui semble leur poser des questions que l'on entendra jamais.

Comme tous ses films en couleur des années 1960, il filme en cinémascope ce qu'il voit et enregistre. C'est étonnant parce que là encore le cadre a du mal à serrer les visages. Il commence petit à petit, quand il comprend ses difficultés à filmer l'horizon avec tant d'immeubles verticaux qui bouchent tout, à mettre les visages de ces femmes en amorce du plan, ce qui procure un léger effet comique. Elles sont coupées au milieu du cadre par les immeubles, finalement une manière visuelle d'en dire plus que ses discours.


L'obsession du cinéaste pour la prostitution se poursuit encore, le plus métier du monde est le moyen de ces femmes pour échapper à leur mari, pour être indépendante (la loi de 1967 faisait des époux les tuteurs des femmes). On découvre quelques têtes connues au gré des rencontres libres de Juliette : Anny Duperey chez le coiffeur qui court rejoindre son fiancé américain incarné par le producteur Raoul Lévy, Helen Scoot au flipper, Juliet Berto dans un café, Claude Miller alors assistant de tous cinéastes de la bande.


























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