Ça
faisait un petit bout de temps que je n'avais pas chroniqué une
bondieuserie et là Alice Guy sort un film de 32 minutes sur la vie
de Jésus, de sa naissance à sa mort, tourné juste avant le loi de
la séparation de l'église et l'état. Ce qui frappe d'emblée, plus
que sa durée importante pour 1906 où les films dépassaient
rarement les 10 minutes, c'est la profusion dans le cadre de
figurants. C'est dire combien cette œuvre a bénéficié d'un budget
conséquent, car qui dit grand nombre de personnes à l'image dit
longues et fastidieuses répétitions, pellicule en abondance et long
tournage.
Plus
le nombre de figurants, c'est aussi le soin apporté aux décors. Il
ne s'agit plus seulement de toiles peintes (comme cela était souvent
le cas, par exemple dans cette version de La
Passion produite par les
films Lumière). Alice Guy tient la gageure de faire défiler tous
les figurants et silhouettes engagés pour le film pendant toute la
durée du plan (environ 2 minutes), ainsi lors du tableau de Sainte
Véronique qui tient le Saint-Suaire (unique « gros plan »),
tout le monde arrive du fond du plan, traverse les arcades pour
arriver au premier plan et faire se dérouler la scène.
Chaque
séquence, comme autant de passages connus de la vie Jésus,
fonctionne ainsi. Un carton annonce le passage de l'évangile, on
découvre le cadre peu rempli puis Jésus arrive et le cadre se
remplit tandis que l'allégorie se met en scène. Cela a dû demandé
un travail de mise en place important pour la cinéaste afin que tout
soit visible dans le cadre, que le passage de l'évangile soit non
seulement reconnaissable mais en plus marquant. D'autant qu'aucun
décor ne sert plus d'une fois, ce qui là encore dénote un budget
conséquent où l'argent est visible à l'écran.
Mieux
que cela, Alice Guy fait pivoter sa caméra dans deux scènes, celle
sur le Mont Golgotha est la plus impressionnante tant le décor
sinueux comme l'abondance de figurants sillonnant le chemin sont
remarquables. L'usage d'effets spéciaux est aussi à noter. Le
premier vient lors de la petite enfance de Jésus, Marie et Joseph
ont laissé le nourrisson dehors, ils entrent dans leur maison quand
une flopée d'anges apparaît. Ces anges reviendront en fin de film
dans le tombeau avant que Jésus ne s'élève dans les cieux là
aussi grâce à un effet spécial.
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