jeudi 18 juillet 2019

Nowhere (Gregg Araki, 1997)

Un immense écran blanc prêt à recevoir des images projetées, c'est à cela que ressemble le premier plan de Nowhere. Puis langoureusement, la caméra de Gregg Araki amorce un lent mouvement, cet écran blanc est le mur immense et totalement irréaliste de la salle de bains de Dark (James Duval, troisième participation à ce dernier volet de la trilogie apocalyptique du cinéaste), quel prénom paradoxal. Toujours aussi étonné d'être devant une caméra, l'acteur s'astique la nouille ce qui fait gueuler sa mère derrière la porte (Bevely D'Angelo méconnaissable dans sa seule scène, elle porte un masque de beauté vert).

A qui pense-t-il pendant qu'il se masturbe sous sa douche ? Totally fucked up était gay, The Doom generation feignait d'être hétéro, Nowhere sera bisexuel. Dark pense à sa petite amie Mal (Rachel True), une jolie jeune femme aux cheveux bouclés. Il pense aussi à ce joli blondinet aux yeux verrons, Montgomery (Nathan Bexton) qu'il croise chaque jour qu'il se rend au lycée. A moins que ce ne soit ces deux dominatrices, la blonde (Debi Mazar) et la brune (Chiara Mastroianni) qui arrivent vers Dark cravache à la main, disponibles à quelques coups sur son corps nu. Voilà où en sont les pensées du jeune homme avant que sa mère ne vienne gueuler à la porte.

Le fantasme s'enfuit, la réalité revient au galop. Dans un Los Angeles très ensoleillé, Nowhere suit quelques personnages en quête de plaisir. Aucun avenir ne vient à la bouche de tous ces jeunes, sinon celui de savoir qui va acheter les pilules d'exta pour la soirée du soir. En attendant, les désirs de chacun se cognent à celui des autres et c'est l'occasion pour Gregg Araki. On reconnaît quelques acteurs débutants, Dingbat (Christina Applegate, avant Ron Burgundy) un appareil dentaire dans la bouche, Scott Caan (le fils de), Shad (Ryan Philippe) et Lilith (Haether Graham) en couple qui passe son temps à baiser quelque que soit le moment et l'endroit.

Avec un naturel forcené, tout ce bon monde habillé avec des tenues courtes et bariolées vit intensément mais discute banalité. Ainsi Alyssa (Jordan Ladd) croise son frère jumeau Shad et lui rappelle que leur père lui a demandé de tondre la pelouse le lendemain tandis que Lilith a la main dans le slip de son mec. C'est ce décalage qui donne tout le ton du film, comme la violence des rapports sexuels entre Elvis, un motard ultra musclé et sa minuscule petite amie Alyssa, justement, cette dernière accédant aux fantasmes SM de son costaud de petit ami. Chacun cherche une jouissance éphémère, un court moment de plaisir.

Derrière cet hédonisme, certains voient de la décadence et de la perversion, c'est en cela que la figure du télé-évangéliste (John Ritter) prend une importance tout comme les stars (Denise Richards, Rose McGowan, Shannen Doherty, Jasson Simmons) viennent s’encanailler dans un film de Gregg Araki (il en fait une spécialité). Le discours vide et creux du prêcheur est entendu dans leur chambre par deux personnages (Egg et Bart, chacun a été violé sauvagement). Gregg Araki ne filme pas seulement la décadence de cette jeunesse, à vrai dire, il s'en fout, il filme plutôt ce qui a conduit à cette décadence, une bigoterie stupide et des parents sans culture.


La quintessence du cinéma de Gregg Araki est toute dans Nowhere. A commencer par cet alien en forme de reptile qui va ensuite, sous une forme ou une autre hanter les héros de ses films. Dark croise souvent ce reptile venu détruire et perturber les objets de ses désirs, en l'occurrence Montgomery pour lequel Dark a ses préférences. Le reptile est le symbole de la frustration sexuelle, finalement le sujet majeur des films du cinéaste où ses personnages ne savent jamais choisir entre un homme, une femme ou plus si affinités. La dernière scène parodie au plus haut point le propre univers de Gregg Araki dans un éclat de rire ironique.




























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