Un
immense écran blanc prêt à recevoir des images projetées, c'est à
cela que ressemble le premier plan de Nowhere. Puis langoureusement,
la caméra de Gregg Araki amorce un lent mouvement, cet écran blanc
est le mur immense et totalement irréaliste de la salle de bains de
Dark (James Duval, troisième participation à ce dernier volet de la
trilogie apocalyptique du cinéaste), quel prénom paradoxal.
Toujours aussi étonné d'être devant une caméra, l'acteur
s'astique la nouille ce qui fait gueuler sa mère derrière la porte
(Bevely D'Angelo méconnaissable dans sa seule scène, elle porte un
masque de beauté vert).
A
qui pense-t-il pendant qu'il se masturbe sous sa douche ?
Totally fucked up était gay, The Doom generation feignait d'être
hétéro, Nowhere sera bisexuel. Dark pense à sa petite amie Mal
(Rachel True), une jolie jeune femme aux cheveux bouclés. Il pense
aussi à ce joli blondinet aux yeux verrons, Montgomery (Nathan
Bexton) qu'il croise chaque jour qu'il se rend au lycée. A moins que
ce ne soit ces deux dominatrices, la blonde (Debi Mazar) et la brune
(Chiara Mastroianni) qui arrivent vers Dark cravache à la main,
disponibles à quelques coups sur son corps nu. Voilà où en sont
les pensées du jeune homme avant que sa mère ne vienne gueuler à
la porte.
Le
fantasme s'enfuit, la réalité revient au galop. Dans un Los Angeles
très ensoleillé, Nowhere suit quelques personnages en quête de
plaisir. Aucun avenir ne vient à la bouche de tous ces jeunes, sinon
celui de savoir qui va acheter les pilules d'exta pour la soirée du
soir. En attendant, les désirs de chacun se cognent à celui des
autres et c'est l'occasion pour Gregg Araki. On reconnaît quelques
acteurs débutants, Dingbat (Christina Applegate, avant Ron
Burgundy) un appareil dentaire dans la bouche, Scott Caan (le
fils de), Shad (Ryan Philippe) et Lilith (Haether Graham) en couple
qui passe son temps à baiser quelque que soit le moment et
l'endroit.
Avec
un naturel forcené, tout ce bon monde habillé avec des tenues
courtes et bariolées vit intensément mais discute banalité. Ainsi
Alyssa (Jordan Ladd) croise son frère jumeau Shad et lui rappelle
que leur père lui a demandé de tondre la pelouse le lendemain
tandis que Lilith a la main dans le slip de son mec. C'est ce
décalage qui donne tout le ton du film, comme la violence des
rapports sexuels entre Elvis, un motard ultra musclé et sa minuscule
petite amie Alyssa, justement, cette dernière accédant aux
fantasmes SM de son costaud de petit ami. Chacun cherche une
jouissance éphémère, un court moment de plaisir.
Derrière
cet hédonisme, certains voient de la décadence et de la perversion,
c'est en cela que la figure du télé-évangéliste (John Ritter)
prend une importance tout comme les stars (Denise Richards, Rose
McGowan, Shannen Doherty, Jasson Simmons) viennent s’encanailler
dans un film de Gregg Araki (il en fait une spécialité). Le
discours vide et creux du prêcheur est entendu dans leur chambre par
deux personnages (Egg et Bart, chacun a été violé sauvagement).
Gregg Araki ne filme pas seulement la décadence de cette jeunesse, à
vrai dire, il s'en fout, il filme plutôt ce qui a conduit à cette
décadence, une bigoterie stupide et des parents sans culture.
La
quintessence du cinéma de Gregg Araki est toute dans Nowhere.
A commencer par cet alien en forme de reptile qui va ensuite, sous
une forme ou une autre hanter les héros de ses films. Dark croise
souvent ce reptile venu détruire et perturber les objets de ses
désirs, en l'occurrence Montgomery pour lequel Dark a ses
préférences. Le reptile est le symbole de la frustration sexuelle,
finalement le sujet majeur des films du cinéaste où ses personnages
ne savent jamais choisir entre un homme, une femme ou plus si
affinités. La dernière scène parodie au plus haut point le propre
univers de Gregg Araki dans un éclat de rire ironique.
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