Détritus,
poubelle, ordure, rebut, immondice, saleté, déchet, encombrant.
Beaucoup de mots en français et un seul en américain : trash.
Street trash, ça claque comme titre de film, comme un coup de
trique. Effectivement, ça bastonne sévère entre clodos qui ont
trouvé domicile dans un immense cimetière de bagnoles, des grosses
bagnoles américaines qu'un type obèse nommé Schnizer (Pat Ryan)
désosse, dépèce ou concasse.
Ça
grouille dans ces carcasses, c'est une ville reconstituée avec des
bouts de caisse, des bâches, des planches dans un quartier du Queens
entre deux bretelles d'autoroutes, de loin on aperçoit les buildings
de Manhattan. Le cauchemar de la propriété privée de
l'administration Reagan dans toute son horreur. La misère n'est pas
sans rappeler Affreux sales et méchants avec des clans qui défendent
bec et ongles leur bout de tôle.
La
visite des lieux, la configuration de la topographie de ce monde tout
droit sorti de Mad Max est faite par Fred (Mike Lackey) qui
vit avec son jeune frangin Kevin (Mark Sferrazza), plutôt beau
garçon qui fricote avec Wendy (Jane Arakawa), la « secrétaire »
de Schnizer, ce dernier espérant bien se la taper dans un coin de
son bureau. Fred croise tous les personnages du film dans tous les
recoins, un moyen idéal pour présenter ce beau monde.
Fred
aime picoler et va souvent dans le deli du quartier tenu par
un épicier qui traite toute cette faune comme de la merde. Mais le
commerçant a trouvé dans sa cave des bouteilles de gnôle, des
Viper. Il ne sait pas ce que c'est mais il se dit qu'il va en vendre.
Pas cher, 1$ la bouteille. Là le film commence enfin sa grande
entreprise de destruction. Le Viper une fois avalé transforme ceux
qui en ont bu une gorgée.
Ils
se liquéfient, ils semblent bouillir, ils se décomposent dans une
variation de couleurs qui rappellent la métamorphose initiale de
Jerry Lewis dans Dr. Jerry et Mr. Love. Dans ces mélanges de
couleur, une certaine beauté se dégage qui doit aussi aux peintures
de Jackson Pollock. Ces scènes a priori dégoûtantes sont parmi les
plus réussies du film. Le suspense joue sur le fait de savoir si
Fred va boire de ce liquide et donc disparaître du film, lui qui a
si soif.
Je
découvrais Street trash et il y a de quoi être fasciné par
les déluges esthétiques qui parsèment le film sans une once de
baisse de rythme. Le méchant du film, ce Bronson (Vic Noto) est un
danger tout autant que le Viper. Il menace chaque membre de la
communauté des clochards sauf sa « fiancée » la
dégénérée Winette (Nicole Potter). Tous deux passent leur temps à
baiser sous une bâche avant de régler les comptes à chacun.
La
sexualité la moins noble prend une part importante dans le film. La
femme d'un mafieux est emmené par Fred dans sa maison voiture, ils
sont matés par tout le monde tandis que les souvenirs traumatisant
du Viet Nam viennent se confondre avec les coups de coït. Puis c'est
au tout de tous les clodos de la violer avant que Schnizer ne
s'occupe de son cadavre abandonné dans une clairière derrière son
cimetière de voitures. Pas très romantique.
Le
récit part dans tous les sens et chacun en prend pour son grade
(sauf Kevin et Wendy plutôt épargnés). Le duo de flics qui se
prend pour Ricardo Tubbs et Sonny Crockett (il faut regarder leur
tenue digne de la série, l'un porte un t-shirt Mickey). Le petit
mafieux est ridiculisé par son portier. Tout le monde grimace,
ricane dans des superbes contre-plongées. Le finale est une baston
homérique dans un entrepôt où les corps explosent. C'était le
seul film de son réalisateur.
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