Dès
les premières images de Permanent vacation, Jim Jarmusch
propose une vision différente de New York, différente par exemple
des films de Woody Allen, de La Fièvre du samedi soir, des
Taxi Driver ou des Guerriers de la nuit. L'image est
ralenti, les gens dans les avenues marchent lentement mais le son est
en vitesse normale, cela crée un premier décalage, une atmosphère
ouatée. Face au brouhaha, au pieds sur les trottoirs, aux klaxons
des bagnoles et ambulances, il est opposé des rues désertes, des
artères sombres et pavées et dans l'une d'elle, un type seul.
Le
voilà son héros en vacances permanentes, il s'appelle Allie (Chris
Parker), un grand gigue qui semble égaré des fifties, gomina
dans les cheveux, pantalon qui laisse apparaître ses chaussettes et
chemise négligement déboutonnée. Allie fait un graffiti sur le
devanture d'une boutique fermée et continue son chemin. Il vit dans
une minuscule piaule dans les quartiers ouest de Manhattan, à
l'époque où cette partie de la ville était vétuste. Une jeune
femme fume une cigarette les pieds sur le rebord de la fenêtre, on
se croirait dans une photo de Nan Goldin.
Je
n'avais jamais vu Permanent vacation, mais j'avais vu, il y a
bien bien longtemps, ses deux films suivants Stranger than
paradise et Down by law. J'ai découvert à l'occasion de
la ressortie du film en salles que le film était en couleurs
contrairement à ces deux autres films, plus connus et plus
abordables. Format carré, 1:37, image granuleuse d'un tournage en
16mm, ça se sent, ça tangue parfois un peu lors des deux ou trois
zooms. Le son est rarement direct (un peu de voix off, peu de
dialogues) à part dans sa chambre où Allie danse sur un 45 tours
jazz en diable de Earl Bostic.
Peu
de scénario également, des rencontres essentiellement dans les rues
de New York, avec John Lurie qui joue du saxophone, il va au cinéma
et discute devant une affiche des Dents du diable (The
Savage innocents) avec un Français à la toute fin quand Allie
décide d'aller enfin vers une autre vie (déjà le leitmotiv de Jim
Jarmusch), comme une renaissance. Allie se balade souvent seul, ainsi
dans ces ruines de Roosevelt Island, cet ancien hôpital qui lui
rappelle sa solitude profonde, qu'il visite les yeux hagards. Déjà
tout Jarmusch en 1980 en 75 minutes.
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