mardi 23 juillet 2019

L'Opinion publique (Charles Chaplin, 1923)


De tous les longs-métrages ou longs courts-métrages de Chaplin, L'Opinion publique est celui que je connais le moins. Je l'avais déjà vu il y a quelques années en vidéo ou à la télévision et je n'en gardais pas un souvenir ébloui. Alors, profitons de la sortie du film cet été, quelle aubaine, pour le découvrir vraiment dans une version numérique et dans une salle de cinéma. Mon opinion ne change pas vraiment sur le film mais le film regorge d'intentions louables de Chaplin de tourner un grand mélo crédible.

C'est cette notion de crédibilité qui pousse le film à commencer par une longue scène de nuit. La plupart des films de Charles Chaplin, ses comédies les plus connues, se déroulent en plein jour, en tout cas pour leurs scènes les plus célèbres, les plus emblématiques. La nuit est ainsi le côté sombre du cinéma de Chaplin, elle révèle ce que les personnages ont de plus mauvais en eux. Dans L'Opinion publique, Marie (Edna Purviance) se confronte ainsi à un père qui ne veut pas qu'elle quitte sa chambre. Il l'enferme à clé.

Mais Marie est amoureuse de Jean (Carl Miller), un voisin du village où elle habite. De la même manière, le père de Jean n'est pas enthousiasmé par l'amourette de son fils avec Marie. Il faut croire qu'en France en 1923 (on va dire que le film est strictement contemporain de son action) les jeunes gens ont du mal à se fréquenter. On ne saura jamais vraiment pourquoi tout le monde s'oppose à cette union, ou au moins à ce qu'ils se fréquentent, cet élément le cinéaste l'omet et beaucoup d'autres également, par souci de rythme.

De la même manière, il ne sera jamais expliqué comment Marie passe de pauvre fille de la campagne à mondaine à Paris (le titre original est A woman in Paris). On peut penser que c'est par dépit amoureux, parce que Jean ne vient pas la rejoindre à la gare pour s'enfuir ensemble quand le père de Marie la rejette puis quand le père de Jean meurt. Mais cela Marie ne le saura pas avant qu'ils ne se retrouvent par hasard à Paris. Jean vit dans un petit appartement avec sa maman, il est devenu peintre, il fait des portraits.

On peut combler les trous du récit, imaginer par exemple que les deux pères avaient bien compris la nature profonde de la jeune femme, qu'elle ferait tout pour arriver à ses fins. Effectivement, elle semble bien avoir grandi. Les tenues sont désormais flamboyantes et les décors ne sont plus constitués d'une simple armoire. Le travail de décoration est ce qui frappe dans les scènes parisiennes, dans les soirées mondaines comme dans la demeure de Marie où elle est servie par deux petites bonnes (et aussi une masseuse en fin de film).

Mais cette idée de mise en scène de la nuit continue de constituer l'identité des personnages. Marie chassée par son père de nuit décide de vivre la nuit. C'est devenu un animal nocturne et les plumes de ses robes et chapeaux évoque l'idée d'un oiseau de nuit. Elle fricote avec un autre oiseau de nuit, Pierre (Adolphe Menjou), que l'on pourra comparer à un rapace quand elle est une grue. Ils sont de toutes les soirées, filmées magistralement et majestueusement sans lésiner sur les moyens) où il faut être au milieu de toute une faune, une volière agitée et oisive.

La métaphore des oiseaux est poursuivie par Chaplin avec la scène de la cuisine où le chef cuistot cherche à trouver le meilleur mets pour Pierre, ce sera une bécasse faisandée qui empeste dans la cuisine. La scène est drôle est signale que Chaplin n'a rien perdu de son humour. Le petit sourire d'Adolphe Menjou décline l'ironie de son personnage mais le film tourne un peu en rond se contentant de forcer le mélodrame sans parvenir à décoller de ce destin un peu trop commun malgré l'effort de Chaplin pour pas en faire trop.

























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