vendredi 5 juillet 2019

Fellini-Roma (Federico Fellini, 1972)

Je soupçonne Federico Fellini de n'avoir créer ce film que pour pouvoir inclure cette incroyable séquence documentaire tournée dans les tunnels en construction du métro de Rome. Au mi-temps de Fellini-Roma, le cinéaste et une partie de son équipe, casque sur la tête, découvrent les travaux sous-terrains, il pénètrent dans les entrailles de la ville comme une immersion dans le ventre de la louve, ils parcourent dans des wagons un long trajet.

Les travaux du métro romain avaient déjà commencé 20 ans plus tôt, il en explique la raison : les vestiges antiques qui peuplent le ventre de la ville. A chaque découverte archéologique, le parcours doit changer. Là, derrière un mur une fresque immense, des dizaines de portraits de pied de femmes et d'hommes romains. C'est un échange entre les siècles, les antiques Romains observent ces fous de 1972 qui creusent leur dernière demeure.

L'air, avec ce son de vent tellement familier des films de Fellini, s'engouffre dans les chambres des fresques et les visages, les toges et les parures commencent à disparaître. Ce sont des personnages tout droit sortis du Satyricon, de l'imaginaire du cinéaste. Tout cela est de l'ordre du Merveilleux, relève de la magie malgré la tristesse de voir ce monde englouti par la fraise perceuse du Rome moderne et de ce métro.

Ces figures typiquement felliniennes se retrouvent tout au long du film dans des longues séquences qui se substituent à un récit en bonne et due forme. Tout commence à Rimini avec l'enfance de Federico. Il est marqué par deux éléments qui vont construire sa vie. Une leçon de catéchisme en diapos à l'école, l'une des diapos mise là par erreur représente une femme gironde, soudain tous les enfants s'éveillent devant les curés qui tentent de corriger leur bévue.

Le deuxième souvenir marquant et indélébile est tout simplement une séance de cinéma. Amarcord le film suivant de Fellini, se termine par la projection d'un film interrompu par l'arrivée de la neige, spectacle plus important que le film aux yeux de tous. Dans les rues de Rimini, les affiches des films américains promettent l'évasion dans cette Italie déjà mussolinienne mais pas encore tout à fait perdue (là aussi le terme englouti comme pour les personnages des fresques fonctionne).

On retrouve le double de Federico à Rome en 1939 puis en 1943. Il a beau porter un joli costume blanc, être un dandy, ce qui ressort de son arrivée est l'écho de la défaite annoncée du fascisme, tout le monde parle du débarquement des alliés en Sicile, les informations sont données par un camelot qui vient interrompre un spectacle burlesque et comique, des trémolos dans la voie il annonce que le Duce sera victorieux des Américains, mais personne n'est dupe.

Ces longues séquences de 1939, des 20 ans de Federico sont d'une beauté phénoménale. Le spectacle de music-hall montre une horde d'hommes en rut, en manque de corps féminin. Les artistes de cabaret sont insultés par les hommes qui veulent voir les danseuses. La séquence dans le bordel montre la maîtrise du chaos humain par le cinéaste, les hommes font le marché aux filles qui défilent devant eux dans un bouhaha immense et ininterrompu jusqu'à la pause des prostituées.

Les séquences contemporaines, à l'image de celle du métro, confronte systématiquement l'ancien et le récent. L'arrivée de la caméra portée par une grue, sous la pluie, se termine dans un bouchon et soudain on découvre le Colisée quand la caméra panote. Fellini filme les places les plus touristiques mais remplit ces lieux de hippies, finalement les héritiers actuels des personnages de son Satyricon et de ceux de la fresque du métro.


Reste la séquence la plus connue et la plus satirique de Fellini-Roma, celle du défilé des ecclésiastiques. Elle débute dans la poussière, on l'enlève des portraits défraîchis des cardinaux aux gueules dégénérées. Les invités prennent place sur des fauteuils rouges avant que le défilé ne commence. La séquence arrive juste après celle du bordel et somme toute les deux défilés ne sont pas si éloignés l'un que l'autre.


























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