Je
soupçonne Federico Fellini de n'avoir créer ce film que pour
pouvoir inclure cette incroyable séquence documentaire tournée dans
les tunnels en construction du métro de Rome. Au mi-temps de
Fellini-Roma, le cinéaste et une partie de son équipe, casque sur
la tête, découvrent les travaux sous-terrains, il pénètrent dans
les entrailles de la ville comme une immersion dans le ventre de la
louve, ils parcourent dans des wagons un long trajet.
Les
travaux du métro romain avaient déjà commencé 20 ans plus tôt,
il en explique la raison : les vestiges antiques qui peuplent le
ventre de la ville. A chaque découverte archéologique, le parcours
doit changer. Là, derrière un mur une fresque immense, des dizaines
de portraits de pied de femmes et d'hommes romains. C'est un échange
entre les siècles, les antiques Romains observent ces fous de 1972
qui creusent leur dernière demeure.
L'air,
avec ce son de vent tellement familier des films de Fellini,
s'engouffre dans les chambres des fresques et les visages, les toges
et les parures commencent à disparaître. Ce sont des personnages
tout droit sortis du Satyricon, de l'imaginaire du cinéaste. Tout
cela est de l'ordre du Merveilleux, relève de la magie malgré la
tristesse de voir ce monde englouti par la fraise perceuse du Rome
moderne et de ce métro.
Ces
figures typiquement felliniennes se retrouvent tout au long du film
dans des longues séquences qui se substituent à un récit en bonne
et due forme. Tout commence à Rimini avec l'enfance de Federico. Il
est marqué par deux éléments qui vont construire sa vie. Une leçon
de catéchisme en diapos à l'école, l'une des diapos mise là par
erreur représente une femme gironde, soudain tous les enfants
s'éveillent devant les curés qui tentent de corriger leur bévue.
Le
deuxième souvenir marquant et indélébile est tout simplement une
séance de cinéma. Amarcord le film suivant de Fellini, se
termine par la projection d'un film interrompu par l'arrivée de la
neige, spectacle plus important que le film aux yeux de tous. Dans
les rues de Rimini, les affiches des films américains promettent
l'évasion dans cette Italie déjà mussolinienne mais pas encore
tout à fait perdue (là aussi le terme englouti comme pour les
personnages des fresques fonctionne).
On
retrouve le double de Federico à Rome en 1939 puis en 1943. Il a
beau porter un joli costume blanc, être un dandy, ce qui ressort de
son arrivée est l'écho de la défaite annoncée du fascisme, tout
le monde parle du débarquement des alliés en Sicile, les
informations sont données par un camelot qui vient interrompre un
spectacle burlesque et comique, des trémolos dans la voie il annonce
que le Duce sera victorieux des Américains, mais personne n'est
dupe.
Ces
longues séquences de 1939, des 20 ans de Federico sont d'une beauté
phénoménale. Le spectacle de music-hall montre une horde d'hommes
en rut, en manque de corps féminin. Les artistes de cabaret sont
insultés par les hommes qui veulent voir les danseuses. La séquence
dans le bordel montre la maîtrise du chaos humain par le cinéaste,
les hommes font le marché aux filles qui défilent devant eux dans
un bouhaha immense et ininterrompu jusqu'à la pause des prostituées.
Les
séquences contemporaines, à l'image de celle du métro, confronte
systématiquement l'ancien et le récent. L'arrivée de la caméra
portée par une grue, sous la pluie, se termine dans un bouchon et
soudain on découvre le Colisée quand la caméra panote. Fellini
filme les places les plus touristiques mais remplit ces lieux de
hippies, finalement les héritiers actuels des personnages de son
Satyricon et de ceux de la fresque du métro.
Reste
la séquence la plus connue et la plus satirique de Fellini-Roma,
celle du défilé des ecclésiastiques. Elle débute dans la
poussière, on l'enlève des portraits défraîchis des cardinaux aux
gueules dégénérées. Les invités prennent place sur des fauteuils
rouges avant que le défilé ne commence. La séquence arrive juste
après celle du bordel et somme toute les deux défilés ne sont pas
si éloignés l'un que l'autre.
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