En
observant cette maison de forêt (comme on dit une maison de
campagne) habité par Georges (Grégory Gadebois) et Emma (Monia
Chokri), j'ai pensé à celle de Border, à cet isolement
volontaire que vivait ce couple suédois si particulier qui allait
petit à petit plonger dans le thriller fantastique. Dans Pauvre
Georges, Claire Devers – dans une coïncidence que seul le
cinéma peut proposer – s'aventure sur des terres pas si éloignées
que ça de Border sauf qu'elle filme son couple dans la forêt
québécoise.
Ils
ne sont pas si isolés que ça Georges et Emma, plutôt le contraire,
ils sont au milieu d'une petite communauté bien connue : des
bourgeois égoïstes et narcissiques. Le subterfuge scénaristique
pour découvrir tous les autres couples, tous ces autres voisins
vient avec un jeune gars franchement antipathique, un certain Zack
(Noah Parker, il a un court rôle dans La Femme de mon frère,
le type infect qui vire Sophia de son boulot alimentaire), petite
gueule d'ange mais caractère de cochon. Il est dans le sous-sol de
la maison de Georges.
Zack
espionne, il surveille tout le monde, connaît les habitudes de
chaque couple, leur particularité intime et il les raconte à
Georges, pas désintéressé par ce déballage même s'il n'en
demandait pas tant. Cette complicité forcée entre l'ado presque
adulte et le bon gros professeur démarre sur cette base salace, sur
ces ragots écoutés. C'est une boîte de Pandore qui s'ouvre comme
dans Border quand le couple accueille dans leur foyer ce type
aussi antipathique que Zack. Mais Zack est aussi un beau gosse comme
un dit, arborant sa casquette sur sa tête.
Georges
trouve un prétexte pour garder ce jeune auprès de lui :
devenir son précepteur. La relation est toxique d'autant que Zack
est franchement pas doué pour apprendre, enfin c'est ce qu'il décide
de faire croire. Comme dans tous les films qui prennent pour base
Théorème, le vers contamine tous ceux qu'il touche et les
dérèglements peuvent s'amorcer, mention spéciale à Mimi (Elise
Guilbaut, elle jouait Britany Jenkins, la 72ème meilleur détective
de St-Andrews dans la série québécoise Le Cœur a ses raisons).
Une
volonté de montrer la folie qui se répand est au cœur du projet de
Claire Devers (je n'avais vu aucun de ses films et sa Caméra d'or
pour Noir et blanc remonte à 1986), elle filme ce mouvement
discret à l'ancienne, sans effet, en appuyant sur les opposés qui
s'attirent, en tout premier lieu Georges et Zack, mais aussi la
description des rapports entre deux enseignants du lycée de Georges
qui se confrontent sur chaque sujet sans parvenir à être
raisonnables. Stéphane de Groodt joue l'un d'eux, presque un monstre
d'incompréhension.
La
dislocation de la petite communauté arrive lentement (il faut quand
presque deux heures, tout n'est pas toujours rempli, certaines choses
se répètent) mais sûrement et vraiment c'est une belle idée
d'avoir placé tous ces atermoiements dans une forêt, le lieu des
peurs enfantines qui devient le lieu des secrets enfouis et des
haines enfermés. Ça fait beaucoup de films québécois pas mal et
bizarres que je regarde en ce moment (Genèse, La Chute de
l'empire américain, Charlotte a 17 ans, La Femme de
mon frère), il me tarde de voir le prochain Xavier Dolan.
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