lundi 8 juillet 2019

Pauvre Georges ! (Claire Devers, 2019)


En observant cette maison de forêt (comme on dit une maison de campagne) habité par Georges (Grégory Gadebois) et Emma (Monia Chokri), j'ai pensé à celle de Border, à cet isolement volontaire que vivait ce couple suédois si particulier qui allait petit à petit plonger dans le thriller fantastique. Dans Pauvre Georges, Claire Devers – dans une coïncidence que seul le cinéma peut proposer – s'aventure sur des terres pas si éloignées que ça de Border sauf qu'elle filme son couple dans la forêt québécoise.

Ils ne sont pas si isolés que ça Georges et Emma, plutôt le contraire, ils sont au milieu d'une petite communauté bien connue : des bourgeois égoïstes et narcissiques. Le subterfuge scénaristique pour découvrir tous les autres couples, tous ces autres voisins vient avec un jeune gars franchement antipathique, un certain Zack (Noah Parker, il a un court rôle dans La Femme de mon frère, le type infect qui vire Sophia de son boulot alimentaire), petite gueule d'ange mais caractère de cochon. Il est dans le sous-sol de la maison de Georges.

Zack espionne, il surveille tout le monde, connaît les habitudes de chaque couple, leur particularité intime et il les raconte à Georges, pas désintéressé par ce déballage même s'il n'en demandait pas tant. Cette complicité forcée entre l'ado presque adulte et le bon gros professeur démarre sur cette base salace, sur ces ragots écoutés. C'est une boîte de Pandore qui s'ouvre comme dans Border quand le couple accueille dans leur foyer ce type aussi antipathique que Zack. Mais Zack est aussi un beau gosse comme un dit, arborant sa casquette sur sa tête.

Georges trouve un prétexte pour garder ce jeune auprès de lui : devenir son précepteur. La relation est toxique d'autant que Zack est franchement pas doué pour apprendre, enfin c'est ce qu'il décide de faire croire. Comme dans tous les films qui prennent pour base Théorème, le vers contamine tous ceux qu'il touche et les dérèglements peuvent s'amorcer, mention spéciale à Mimi (Elise Guilbaut, elle jouait Britany Jenkins, la 72ème meilleur détective de St-Andrews dans la série québécoise Le Cœur a ses raisons).

Une volonté de montrer la folie qui se répand est au cœur du projet de Claire Devers (je n'avais vu aucun de ses films et sa Caméra d'or pour Noir et blanc remonte à 1986), elle filme ce mouvement discret à l'ancienne, sans effet, en appuyant sur les opposés qui s'attirent, en tout premier lieu Georges et Zack, mais aussi la description des rapports entre deux enseignants du lycée de Georges qui se confrontent sur chaque sujet sans parvenir à être raisonnables. Stéphane de Groodt joue l'un d'eux, presque un monstre d'incompréhension.

La dislocation de la petite communauté arrive lentement (il faut quand presque deux heures, tout n'est pas toujours rempli, certaines choses se répètent) mais sûrement et vraiment c'est une belle idée d'avoir placé tous ces atermoiements dans une forêt, le lieu des peurs enfantines qui devient le lieu des secrets enfouis et des haines enfermés. Ça fait beaucoup de films québécois pas mal et bizarres que je regarde en ce moment (Genèse, La Chute de l'empire américain, Charlotte a 17 ans, La Femme de mon frère), il me tarde de voir le prochain Xavier Dolan.

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