J'ai
toujours été fasciné par les six premières minutes de Persona.
Une séquence d'ouverture composée de plan multiples parfois très
courts (la verge en érection, les amorces de la bobine qui se lance,
le moine qui s'immole à Hanoï). Ces plans si courts dans un film en
35mm où chaque seconde comporte vingt-quatre images n'excèdent pour
certains dix images par seconde, ils apparaissent de façon
subliminale à l’œil, une excitation pour l'esprit. J'ai récemment
revu Persona
dans une salle de cinéma, projeté en DCP, certes on retrouvait les
images, mais ce format écrase les images minuscules et fugaces,
elles sont presque anéanties par le scannage du film.
Ingmar
Bergman, qui était très malade pendant l'écriture du scénario
puis pendant son tournage, considère cette ouverture comme un poème,
à la fois détaché du reste de l'action, où Liv Ullmann et Bibi
Anderson s'affrontent, et totalement en raccord avec elle. Au fil des
images : un carré blanc au milieu d'un noir total, puis un
autre plus petit qui s'agrandit, c'est la lampe du projecteur qui se
met en marche et qui va déverser son flot d'images. Ce projecteur
était celui de Bergman. Le Start de la bobine, le décompte de
l'amorce puis, ce sexe subliminal. Un blanc, un noir, la bobine se
lance au sens propre et enfin, ce qui se trouve dans la pellicule, un
dessin animé pour enfants dont l'image se bloque.
Deux
mains qui se touchent et se frôlent, celles des deux actrices. Un
film incunable projeté en 8mm, un squelette qui sort d'une malle et
effraye un homme. Les plans se rallongent. Dans un halo blanc, une
araignée velue, un agneau sacrifié puis ses viscères, un clou
planté dans une paume de main. Des images de mort mêlées à celle
de religion, les deux obsessions du moment d'Ingmar Bergman. Les
plans suivants, selon le cinéaste dans un livre d'entretien (Le
cinéma selon Bergman, 1970, éditions Seghers) évoquent son séjour
à l'hôpital, un mur, les quatre arbres qu'ils voyaient de sa
fenêtre. Puis, des corps, des visages en gros plans, de personnes
que l'on imagine décédée.
C'est
ainsi que la transition peut se faire avec cet enfant allongé qui
semble recouvert d'un linceul. On l'imagine mort et il va remuer la
tête, regarder le spectateur qui l'observe. L'enfant chausse ses
lunettes, se met à lire un livre, puis fixe à nouveau l'objectif.
Toujours torse nu, avec un pantalon de pyjama blanc, il se lève et
effleure les images floues puis nettes d'Elisabet (Liv Ullmann), sa
mère, images qui se confondent avec celles d'Alma (Bibi Anderson).
La musique, relativement atonale, lance le générique, cartons très
rapides entrecoupés de plans tout aussi fugaces issus du film qui va
arriver et de ce moine qui s'immole.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire