A
priori, 45 ans est totalement différent de Weekend, le
précédent film d'Andrew Haigh. Jouons au jeu des différences. Dans
Weekend, deux hommes, jeunes trentenaires, se rencontraient
dans un bar, passaient la nuit ensemble à faire l'amour. Tout se
passait à Londres et ils étaient confinés dans un petit
appartement ou dans des cafés. Dans 45 ans, Geoff (Tom
Courtenay) et Kate (Charlotte Rampling) sont mariés depuis 45 ans.
Ils vivent dans une immense maison au beau milieu de la campagne de
Norfolk.
Mais
comme disait l'autre (Serge Daney), c'est la même chose, sauf que
c'est l'inverse. Dans les deux films, Andrew Haigh met un compte à
rebours, les deux amants de Weekend savent que leur aventure
amoureuse va se terminer quelques jours plus tard. L'un des deux est
Américain et doit rentrer chez lui. Dans 45 ans, la semaine
va s'égrainer du lundi au samedi, c'est ce dernier soir que Kate et
Geoff doivent fêter leur anniversaire de mariage, en grande pompe et
avec tous leurs amis et connaissances.
La
journée se déroule toujours de la même manière. Le matin Kate va
promener le berger allemand nommé Max. Puis, elle prend le courrier
tandis que Geoff lit tranquillement en l'attendant. Et ce jour-là,
une lettre est adressée à Geoff. Elle est en allemand, elle vient
de Suisse, sa mémoire de la langue de Goethe est un peu défaillante
mais il comprend que Katya, qu'il a connu en 1962, juste avant son
mariage avec Kate, est morte. Plus précisément, son corps a été
enfin découvert, drainé depuis des années par un glacier des Alpes
suisses.
Le
petit grain qui va mettre à mal le couple, est que Kate n'a jamais
entendu parler de cette femme. Elle a bien compris que le prénom est
très proche, trop proche pour elle. C'est tout un pan de l'histoire
de son mari qu'elle découvre. Il n'ose pas dire qui elle est. Quand
son comportement change et qu'il se remet à fumer, elle comprend
qu'elle était la fiancée de Geoff. Les révélations sont emmenées
délicatement par le cinéaste, sans engueulade monumentale. C'est là
qu'on voit la différence avec certains films sur les secrets
familiaux enfouis.
Tout
le film repose sur le talent de Charlotte Rampling, et plus encore
sur son regard pénétrant et inquiet sur l'avenir de son couple. Cet
avenir qui doit être célébré ce week-end pourra-t-il résister à
ce fantôme du passé ? Comme dans Weekend, ou dans sa
formidable série Looking sur HBO, les dialogues sont très
soignées et d'un naturel confondant. Mais la volonté du cinéaste
de sortir de la fiction gay semble, dans certaines scènes, avoir
pétrifié et anesthésié son cinéma.
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