C'est
le premier film népalais que je regarde. On est loin de Katmandou,
au milieu d'un petit village où on annonce la venue du Roi, déchu
depuis, après l'abolition de la monarchie et la prise de pouvoir par
les maoïstes. Ceux qui attendent le souverain, ce sont les riches
qui vivent dans une maison à étage. Les pauvres, eux, cherchent
surtout à trouver un peu d'argent. Ils vivent dans la cave de cette
maison des riches. En haut, Kiran le petit-fils du propriétaire et
en bas, Prakash le fils de l'homme à tout faire.
Les
deux enfants sont amis mais issus de deux classes différentes, le
grand-père appelle Prakash et son père des intouchables, un mot que
je croyais disparu. Les deux gamins vont à l'école ensemble (une
école rudimentaire où ils apprennent l'anglais), s'amuse ensemble
(avant que Prakash aide aux corvées) et décident d'élever une
poule ensemble. Avec la poule, ils pourront faire commerce des œufs.
Et avec l'argent, ils pourront aller voir le Bollywood qu'un
colporteur doit projeter dans le village.
Comme
dans un film d'Abbas Kiarostami, auquel on pense souvent, Kalo
Pothi ne donne pas d'indications sur les personnages, le
spectateur est plongé tête baissée dans le récit. Il faut prendre
son temps, s'habituer au jeu des deux jeunes acteurs, remarquer les
gestes nombreux qui se mêlent à la langue (un coup de pouce sous le
menton veut dire qu'il ne ment pas). Ce qui est visible, c'est cette
différence de classe sociale, appuyée par les vêtements des deux
gamins, Kiran en occidental et Prakash en habit blanc traditionnel.
La
poule ne va rester très longtemps chez Prakash. Son père la vend à
un homme qui veut l'offrir à sa fille qui va se marier. Les deux
gamins veulent récupérer leur animal. Leur quête va les conduire,
tel l'enfant de Où est la maison de mon ami à travers les
chemins à faire quelques bêtises (voler la poule et la mâchurer de
noir dans l'espoir qu'elle ne sera pas reconnaissable). Le film prend
la forme d'une fable amère. Le trajet permet à Min Bahadur Bham,
qui signe son premier film, de filmer joliment quelques paysages.
Deux
rêves de Prakash scindent le film en trois parties. Le premier rêve,
filmé en plan séquence ralenti, montre l'enfant passant devant des
bouddhistes, des hindouistes, des musulmans, des catholiques, des
soldats réguliers et des miliciens maoïstes. Aucun d'eux ne semble
s'intéresser à Prakash, à sa vie miséreuse et à sa tristesse. Ce
rêve c'est la réalité affirme le cinéaste, et cette réalité
prendra forme dans la dernière partie quand la guerre contre les
maoïstes, que la sœur de Prakash a rejoint, redouble d'intensité.
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