Ce
mercredi, trois films mettant en scène des personnages lesbiennes
sortent en salles. Des trois, Carol de Todd Haynes est le
meilleur (et de très loin). Le personnage éponyme est incarné
brillamment mais pudiquement par Cate Blanchett. Tout commence quelques jours avant Noël
1952, ce qui me fait imaginer que Todd Haynes a choisi le titre de
son film et le nom de son personnage pour illustrer un « Christmas
Carol », un conte de Noël, avec un sens évident de l'ironie,
puisque l'époque n'était pas franchement à la rigolade avec ce
cher Dwight Eisenhower comme Président des Etats-Unis, alors dans un
élan d'un conservatisme aussi pénible à vivre que celui
d'aujourd'hui.
Un
magasin de jouets, une vendeuse qui s'affaire derrière son comptoir.
Elle s'appelle Therese Belivet (Rooney Mara). Le regard fixe de
Therese croise finalement celui de Carol, qui vient acheter un jouet
pour sa petite fille. Il n'y a plus la poupée qui parle et qui fait
pipi, lui signale la vendeuse gênée. Elle suggère un petit train.
Un jouet pour garçons, certes, mais Therese affirme qu'une petite
fille peut très bien jouer avec un petit train. Carol laisse son
adresse pour l'expédition du cadeau. Et elle oublie sur l'étal sa
paire de gants de cuir. A moins que ce ne soit pas un oubli. Therese
lui expédiera ses gants et le petit train par la poste, non sans
avoir omis de mettre le moyen pour Carol de la contacter.
Todd
Haynes relève avec discrétion la différence de classe sociale des
deux femmes. Carol habite avec son époux Harge Aird (Kyle Chandler)
dans une belle maison cossue du New Jersey, pas celui banlieusard et
coupe-gorge proche de New York comme lui fait remarquer une collègue
de Therese quand Carol l'invite à venir lui rendre visite. Therese
habite dans les bas-fonds de New York dans un petit appartement où
elle doit allumer le four le matin pour se chauffer. Carol est une
femme de mondanité, Therese aspire à devenir photographe. Les deux
femmes discutent autour d'un thé de tout et de rien, elles vont
acheter ensemble le grand sapin pour décorer le salon, elles
oublient qu'elles ont chacun un homme, car Therese est courtisé par
le jeune Richard (Jake Lacy).
La
flamboyance que Todd Haynes appliquait à Loin du paradis
(influence de Douglas Sirk) est abandonné pour illustrer son drame
amoureux (le premier baiser ne viendra qu'au bout de 80 minutes). Le
modèle pour Carol est Lauren Bacall dans La Femme modèle de
Vincente Minnelli, une femme libre de toutes les contraintes
masculines. Carol va expérimenter le divorce avec son époux avec au
milieu la garde de leur fillette. Le modèle pour Therese est Anna
Karina dans ses premiers Godard, coupe de cheveux à frange, gilets
colorés et dispute dans un appartement avec Richard.
Mais
ce que réussit par dessus tout dans Carol, c'est se
débarrasser de cet académisme qui parasite de nombreux films en
costumes. Le film traîne un grain pellicule (d'après l'imdb, le
film est tourné en partie en 16mm) qui donne à New York une
puissante mélancolie. Le cinéaste prend bien soin de ne pas
nettoyer les véhicules au polish (la voiture de Carol montre un
pare-brise mâchuré, un taxi est rouillé). Ce qui est très beau
aussi, ce sont ces vitres ou barrières placées entre les
personnages et le spectateur pour établir une distance imposée par
la société, avant de finir par un regard caméra de Carol d'une
force redoutable qui emporte le spectateur dans une émotion
térébrante.
Alors
face à Carol et Therese, le cinéma français propose deux films
totalement différents. Tout d'abord la pochade de la revenante Diane
Kurys. Arrête ton cinéma ! est un titre parfait pour
cette évocation aussi naïve que poussive de la fabrication du
scénario d'une actrice apprentie cinéaste. Sylvie Testud s'imagine
dans ce personnage qui accepte que deux productrices financent son
futur film. Il faut oublier ce qu'est la sobriété quand Josiane
Balasko et Zabou Breitman en lesbiennes de choc et de coke débarquent
dans le film. C'est un festival ininterrompu de cabotinage qui donne
droit à bon nombre de clichés mais aussi des répliques débitées
à un rythme effréné. On imagine le bonheur que cela aurait été
si Bertrand Blier s'était chargé du film quand il était bon.
Balasko et Zabou font le show, elles le font bien et m'ont fait rire.
Le reste est cucul la praline et narcissique.
Autre
réalisatrice, autre film. Marion Vernoux adapte un film Sundance
pour son nouveau long-métrage. Et ta sœur est le remake de
Your sister's sister de Lynn Shelton. Tessa (Géraldine
Nakache) propose à Pierrick (Grégoire Ludig) d'aller se mettre au
vert dans la maison de ses parents située sur une petite île. Ce
grand gars pataud et paresseux doit réviser un concours de
bibliothécaire. Mais dans la maison se trouve Marie (Virginie Efira,
parfaite) la demi-sœur de Tessa. Marie est lesbienne, elle aussi
s'est retirée après s'être fait larguée par sa copine. On boit de
la vodka, on finit au lit, et le lendemain, Tessa débarque dans la
maison. Car Tessa avait une idée derrière la tête : elle est
amoureuse de Pierrick et elle voulait passer du temps avec lui.
Une
lesbienne, un hétéro beauf, une coincée à lunettes, et hop, c'est
parti pour un film bourré de quiproquos (la capote jetée dans la
poubelle que Tessa va découvrir), de portes qui claquent et de
reproches en veux-tu, en voilà. Le tout filmé avec un caméra
souvent mobile avec des acteurs qui semblent improviser. Et bien,
petit à petit, le film devient meilleur, on s'attache à ces
personnages qui changent de comportement, certes, mais avec un
certaine subtilité. Le film trouve un ton en rejetant l'aspect
Sundance, comme Les Beaux jours (Laurent Lafitte tombait
amoureux de Fanny Ardant) réussissait à le trouver. Et puis, pour
être honnête, un film où n'arrête pas de boire ne peut pas être
un mauvais film.
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