Qui
donc est cet homme qui débarque comme un beau diable dans cette
auberge des montagnes du Dauphiné ? L'homme peu aimable porte
sous son bras une boite enrobée de papier, il répond « ça
vous regarde ? » à chaque phrase et il a le regard
fuyant. Quand les plombs sautent (une habitude en ces temps de
guerre), c'est la panique dans l'hôtel, les clients accusent cet
homme surgi de nulle part, à qui il manque la main gauche, d'avoir
causer la panne d'électricité et, qui sait, d'être l'homme que
recherche les gendarmes. Et quand la lumière revient, la boite a
disparu et l'homme doit s'expliquer. Flash-back.
Pierre
Fresnay interprète cet homme qui s'appelle Roland. Peintre de
Montmartre, c'est-à-dire qu'il n'a jamais fait que des croûtes
qu'il a du mal à vendre, Roland a également bien du mal à payer
ses repas. Un restaurateur italien, Mélisse (Noël Roquevert)
propose de lui vendre une main, qui se trouve dans la boîte. La main
gauche permet de tout faire, d'avoir du succès, du talent et de
l'assurance. Roland, qui n'a rien de cela, croit à une blague,
d'autant que Mélisse ne demande qu'un sou pour l'achat de la main.
Une broutille. Roland, prévenu par l'aubergiste que cette main vient
du diable, l'achète quand même.
La
réussite ne se fait pas attendre. Les tableaux de Roland font
l'objet d'une exposition qui passionne les critiques d'art. Ses
nouvelles toiles ne représentent plus des légumes mais des immenses
châteaux lugubres où une ombre flotte. La belle Irène (Josseline
Gaël), qu'il avait rencontrée dans une ganterie, devient sa
fiancée. L'argent qui manquait tant coule désormais à flot. Roland
a la conscience tranquille jusqu'à l'arrivée d'un petit bonhomme au
chapeau rond et à la sacoche sous le bras qui vient lui rappeler le
contrat.
Cet
homme à l'aspect de fonctionnaire besogneux, c'est le diable en
personne. La métaphore que Maurice Tourneur et son scénariste
Jean-Paul le Chasnois filent est celle de la collaboration. Faire des
affaires pendant la guerre avec l'ennemi, c'est vendre son âme au
diable. Ce petit fonctionnaire au sourire faux, c'est le Diable et
l'occupant allemand. Le petit homme compte consciencieusement la
dette de Roland. Ce dernier, insouciant et inconséquent, va être
rattrapé par ses actes. Il ne sera plus lui-même, tout le monde
s'enfuira sur son chemin, y compris son fidèle chien.
Ce
qui frappe dans La Main du diable, c'est son ton guilleret dès
que le flash-back commence. Le film a de beaux moments comiques et
des répliques qui font mouche (la description des premiers tableaux
de Roland est savoureuse). Pour Maurice Tourneur, habitué aux
comique troupier, il ne s'agit pas de faire un film d'épouvante mais
une fable sur la vertu et sur la dictature des nouvelles lois. Puis,
le ton se fait de plus en plus mélancolique et sinistre. Le diable a
des aspects bien courtois, non pas de grandes griffes, et sa victime,
un homme bien prétentieux, mérite presque son sort.
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