dimanche 22 novembre 2015

The Salvation hunters (Josef Von Sternberg, 1924)

 
Diffusé cette semaine sur Arte, The Salvation hunters s'attache à décrire le parcours d'un trio qui a rarement sa place, si ce n'est chez Chaplin, dans le cinéma américain : des prolétaires. Trois personnages dont on ne connaîtra jamais les prénoms, le gars (George K. Arthur), la fille (Georgia Hale) puis le gamin (Bruce Guerin) qui se rencontrent sur un port. Josef Von Sternberg prend tout son temps pour planter le décor, pour montrer ce port où les navires de drague ramasse la boue, où les carcasses des bateaux flottent, où les mouettes et les chats mangent des restes des poissons. Pour le cinéaste, qui signe son premier film, ce trio est lui aussi échoué dans le port, sans travail, sans argent et sans espoir. Il les appelle les « enfants de la boue » alors qu'ils espèrent être les « enfants du soleil ».

Cette longue séquence d'ouverture quasi documentaire désamorce la romance qui aurait été mise en scène entre la gars et la fille dans n'importe quel autre film. C'est tout juste s'ils vont devenir amis. La fille traite la gars de lâche parce qu'il hésite à aller aider le gamin orphelin quand il se fait houspiller par le contremaître de la drague. Le gars ne réussit pas à se faire embaucher, belle scène où il grimpe une échelle – sociale – vers un panneau qui propose un boulot, panneau qui sera retiré dès son arrivée. La misère semble les avoir vidé de leur énergie, ils restent la plupart du temps les bras ballants ou croisés, le regard vide regardant l'horizon ou assis en attendant des jours meilleurs. Ces jours meilleurs ne se trouveront pas ici, sur cette drague infeste qu'ils s'empressent de quitter pour la ville.

Dans son autobiographie De Vienne à Shanghai (édité en 2001 dans la Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma), Josef Von Sternberg explique (chapitre 8) que son budget (5000 $, soit 100 fois moindre qu'un long-métrage hollywoodien) était tellement minuscule qu'il a été obligé de tourner en décors naturels. Grand bien lui en a pris, cela accentue le réalisme du film. Ainsi quand le trio se retrouve en ville, il débarque dans un taudis où les meubles sont réduits au strict minimum. La seule décoration sera un panneau sur lequel est inscrit « God Bless Our Home », avec une ironie mordante comme savait si bien la manier Josef Von Sternberg. Il la prolongera dans le finale, cette fois à la campagne, où on peut lire « Here your dreams come true » (ici vos rêves prennent vie), alors que la situation dramatique atteint son paroxysme.

Dans la partie centrale du film, située dans ce taudis, mais aussi dans les rues qui l'entourent (soit des immeubles délabrés du Chinatown de Los Angeles), le trio est accueilli par un homme (Otto Matieson) qui, contrairement à notre gars, est vêtu d'un beau costume. Il héberge le trio dans l'espoir de pouvoir mettre la fille sur le trottoir. Avec le personnage de la voisine (Nellie Bly Baker), on comprend vers quelle plus grande déchéance la fille pourrait dégringoler. Mais le trio ne se rend compte compte de rien. Le gars rêve à une vie meilleure où il formerait une famille avec la fille et la gamin et vivrait dans le luxe. Mais pour l'instant, le seul repas qu'ils peuvent se permettre est composé d'un chewing-gum qu'ils mâchent avec application. La plan final, emprunté aux classiques Chaplin, se veut plus optimiste même si le spectateur n'est pas dupe de cette happy end.













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