Les
deux amoureux de cette histoire d'amour suédoise sont deux
adolescents. Pär (Rolf Sohlman) a quinze ans. Cheveux ondulés
blonds, large sourire sur une solide dentition, Pär porte souvent un
blouson de cuir quand il chevauche sa mobylette. Autour du cou, il
porte un collier avec comme pendentif une croix. Annika (Ann-Sofie
Kylin) a quatorze ans. Elle aussi est une jeune fille blonde aux
cheveux longs. Elle aime porter des jupes courtes. Les deux jeunes
gens se rencontrent par hasard lors d'un pique-nique que font leur
famille respective dans le jardin d'un hôpitaL Pär et sa famille
sont venus rendre visite à leur grand-père, Annika et les siens
viennent déjeuner avec la tante Eva. Ce qui rapproche d'abord les
deux familles, séparés par quelques mètres, chacune à une table
différente dans le parc public, c'est l'aboiement du doberman d'Eva.
Le chien ne cesse de japper et le grand-père exige de ses voisins de
faire taire le molosse. Le film se terminera aussi par une scène de
repas, nocturne cette fois.
Le
premier contact est filmé par Roy Andersson en gros plans courts sur
les visages. Sa mise en scène n'est pas encore celle de sa trilogie
de la Suède en boite de conserve, filmée en très longs plans
séquence d'ensemble. Les deux ados sont allés acheter au stand des
sandwichs. Ils sont dans la file d'attente. Pär porte ce jour-là
une cravate sur une chemise (et toujours son perfecto), il observe
Annika. Les adultes entre eux les cachent, il faut légèrement se
reculer pour s'apercevoir, puis reprendre sa place aussi furtivement
pour faire croire qu'on ne s'intéresse pas à l'autre. Pär a
toujours cet immense sourire charmeur, Annika cette moue légèrement
boudeuse. L'approche est maladroite. Une sortie en boite de nuit
avortée. Des confidences faites par des intermédiaires, en
l'occurrence les meilleurs mais qui commencent à se lasser qu'ils
n'osent pas s'approcher. Annika fait semblant de ne pas être
intéressée par Pär, qui se fait tabasser par le chef de la bande
dont elle fait partie. On pense qu'Annika et Pär vont se fâcher,
ils deviennent au contraire dès lors inséparables. Le récit est
minimaliste, quasi ineffable.
Les
deux ados veulent se comporter comme des adultes, ils fument déjà
des clopes, vont coucher dans le lit des parents jusqu'à ce que les
parents rentrent justement. Les parents servent-ils de modèle aux
ados pour devenir adultes ? Roy Andersson les filme comme des
personnages un peu pathétiques. Le père de Pär est un garagiste
incapable de raconter une blague, le père d'Annika est un vendeur de
frigo petit bourgeois qui rêve d'accéder à une plus grande
situation sociale. Les deux familles vont se réunir pour une fête
de l'écrevisse dans la maison de campagne de Pär. Bavoir et chapeau
pointu obligatoires. Roy Andersson filme, dans une Suède très
ensoleillée, le changement de mentalités entre deux générations,
celle née avant la guerre et celle née après. C'est l'accession à
la consommation de biens (le frigo, la voiture), c'est la découverte
de la liberté sexuelle, la tante Eva humiliée par son mari et les
deux ados simplement contents d'être amoureux, ce sont les chansons
en anglais (écrites par le cinéaste) plutôt que l'hymne national
suédois chanté dans l'entreprise du père d'Annika.
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